Vu l'arrêt n° 342337 en date du 1er août 2012, enregistré au greffe de la Cour le 9 août 2012 sous le n° 12LY02174, par lequel le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 08LY00449 du 10 juin 2010 de la Cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a statué, d'une part, sur l'indemnisation des conséquences du retard d'exécution du marché de travaux passé par la région Rhône-Alpes pour la réalisation d'un marché de restructuration du lycée de La Martinière Monplaisir et, d'autre part, sur la révision des prix demandée par la société Scarpari et a renvoyé l'affaire, dans les limites de la cassation prononcée, à la Cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu l'arrêt n° 08LY00449 du 10 juin 2010 de la Cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu la requête enregistrée le 25 février 2008, présentée pour la SA Scarpari représentée par Me Sabourin, mandataire liquidateur, domicilié 219 rue Duguesclin à Lyon (69003) ;
La SA Scarpari demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502505 du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de la région Rhône-Alpes à lui verser la somme de 6 144 906,84 euros toutes taxes comprises en règlement du solde du marché de travaux (tranches n° 1 et 2) du lot n° 2 " terrassement-gros oeuvre " passé pour la restructuration du lycée de La Martinière Monplaisir ;
2°) le cas échéant après organisation d'une expertise, de condamner la région Rhône-Alpes à lui verser la somme de 6 144 906,84 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de la région Rhône-Alpes la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SA Scarpari soutient que le maître de l'ouvrage doit répondre des fautes de la maîtrise d'oeuvre même en l'absence de bouleversement du contrat ; qu'elle a subi des préjudices résultant de carences de la maîtrise d'oeuvre dont elle établit la réalité par la comparaison entre les conditions réelles et les conditions contractuelles d'exécution du chantier ; qu'elle a dû retoucher des études d'exécution incombant au maître d'oeuvre, et réaliser les travaux avant de recevoir l'ordre de les modifier, contrairement aux prescriptions du CCTP ; que le maître d'oeuvre n'a pas assuré la gestion administrative du chantier ; que l'inadaptation du projet a entraîné un retard contractuel de cent trente-deux semaines des travaux sur les deux tranches (dont trente-cinq semaines sur la tranche n° 1) ; que ces conditions ont bouleversé les éléments intégrés au coût de revient dans la formation des prix du marché, tels que les définit l'article 10.3 du CCAG ; que ces retards ont engendré des pertes de productivité du personnel, des frais d'immobilisation de matériels, des pertes d'exploitation, des charges d'immobilisation de personnels et de matériels au-delà de la période contractuelle et des frais de gestion d'audit ; que l'augmentation de cent trente-deux semaines du délai de livraison des travaux justifie l'application d'une variation des prix que ne pouvait intégrer l'offre ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 11 décembre 2008, présenté pour la région Rhône-Alpes dont le siège est 78 route de Paris, BP 19 à Charbonnières-les-Bains Cedex (69751) ;
La région Rhône-Alpes conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :
1°) de mettre à la charge de la SA Scarpari une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la société Atelier d'architecture et d'urbanisme Lassagne, M. Woulkoff, la société E2CA Ingénierie, la société Cyprium et la société Seralp Bâtiment à la garantir de toute condamnation et de mettre solidairement à leur charge une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La région Rhône-Alpes soutient que le volume des documents produits par la requérante rend sa demande inintelligible ; que les faits consignés dans le mémoire de réclamation ne font que retracer la chronologie du chantier et ne révèlent pas d'incidents ; que les incidents ayant affecté l'établissement des plans d'exécution ne sont à l'origine que de retards mineurs pour la tranche n° 1 ; que les préjudices nés du démarrage tardif des travaux en raison du désamiantage ont été indemnisés par l'avenant n° 2 ; que les cinq semaines supplémentaires de décalage ne peuvent être décomptées en fonction de l'ordre de service du 26 décembre 1997 qui ne valait pas ordre de démarrage des travaux ; que les aléas dénoncés par la requérante n'ont engendré qu'un retard global de huit jours dans l'avancement des travaux ; qu'ils ont tous été traités avec diligence ; qu'à l'inverse certains évènements ont été présentés comme des aléas alors qu'ils étaient prévisibles ; que l'élaboration des plans d'exécution a été entravée par la transmission tardive par la requérante des observations sur la version d'origine ; que les treize cas de retard dénoncés par la requérante concernent, à l'exception du plan de ferraillage, soit des modifications apportées à la suite de ses demandes, soit des modifications mineures de diffusion des plans ; que leur impact total sur l'avancement du chantier est, au plus, de sept jours ; que le retard d'exécution trouve son origine dans les fautes de l'entreprise qui n'a pas affecté suffisamment de personnel sur le site ; que ne peut lui être substituée une révision globale des prix à la clause contractuelle du marché ; que la réalité des frais de gestion et d'audit engagés n'est pas établie ; que n'ayant pas été mis fin au marché de maîtrise d'oeuvre, elle-même est recevable à appeler en garantie les cotraitants solidaires de ce marché, dès lors qu'une condamnation prononcée au bénéfice de la requérante trouverait sa cause dans la mauvaise exécution des missions qui leur étaient confiées ;
Vu le mémoire en réplique enregistré le 15 septembre 2009 par lequel la SA Scarpari conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle porte à 10 000 euros les conclusions qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 12 mai 2010 par lequel la SA Scarpari conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire enregistré le 16 octobre 2012 par lequel la SA Scarpari conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire enregistré le 17 octobre 2012, présenté pour la société E2CA, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire enregistré le 17 octobre 2012, présenté pour la société Atelier d'architecture et d'urbanisme Michel Lassagne, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire enregistré le 19 octobre 2012, présenté pour la société Beterem Rhône-Alpes, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 96-1182 du 30 décembre 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 octobre 2012 :
- le rapport de M. Bourrachot, président-assesseur,
- les conclusions de Levy Ben Cheton, rapporteur public,
- les observations de Me Gelly, avocat de la SA Scarpari,
- les observations de Me Cottin, avocat de la région Rhône-Alpes,
- les observations de Me Jacques, avocat de la société E2CA Ingénierie,
- et les observations de Me Lacoste, avocat de la société Beterem Rhône-Alpes ;
Vu la note en délibéré enregistrée le 23 octobre 2012, présentée pour la région Rhône-Alpes, qui fait valoir que, contrairement à ce qu'a soutenu le rapporteur public, elle a présenté des conclusions d'appel en garantie contre l'équipe de maîtrise d'oeuvre, conclusions dont la Cour est saisie par l'effet du renvoi ;
1. Considérant que la société Scarpari était titulaire du lot n° 2 " gros oeuvre-terrassement " du marché de travaux passé par la région Rhône-Alpes pour la rénovation du lycée La Martinière Monplaisir à Lyon ; qu'à la suite d'un différend avec la personne publique sur le montant du décompte général du marché, la société Scarpari a saisi le Tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant au paiement de divers travaux réalisés au-delà du forfait contractuel, au redressement de prix unitaires anormalement bas, à l'indemnisation des préjudices subis du fait de retards de chantier qui ne lui étaient pas imputables et à la révision de certains prix du marché, en vue de compenser le renchérissement du coût des travaux du fait de ce retard ; que par un arrêt du 10 juin 2010, contre lequel la société Scarpari s'est pourvue en cassation, la Cour administrative d'appel de Lyon a partiellement fait droit aux conclusions de la société et a condamné la région Rhône-Alpes à lui verser la somme de 83 377,86 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 16 novembre 2004 ; que le pourvoi en cassation de la SA Scarpari n'a été admis que dans la limite des conclusions dirigées contre cet arrêt en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des conséquences du retard d'exécution du marché et sur la révision des prix demandée à raison de ce retard ; que par décision en date du 1er août 2012, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 10 juin 2010 de la Cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'elle a statué, d'une part, sur l'indemnisation des conséquences du retard d'exécution du marché et, d'autre part, sur la révision des prix demandée par la société Scarpari, et a renvoyé l'affaire, dans les limites de la cassation prononcée, à la Cour administrative d'appel de Lyon ;
Sur les conclusions tendant à l'indemnisation des conséquences du retard dans l'exécution du marché :
2. Considérant que le titulaire du marché a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice qu'il a subi du fait de retards dans l'exécution du marché imputables au maître de l'ouvrage ou à ses autres cocontractants et distincts de l'allongement de la durée du chantier dû à la réalisation des travaux supplémentaires, dès lors que ce préjudice apparaît certain et présente avec ces retards un lien de causalité directe ;
3. Considérant toutefois que l'état du dossier ne permet pas de déterminer le solde du marché dont le règlement est demandé ; que, par suite, il y a lieu d'ordonner une expertise en vue de réunir tous les éléments de fait relatifs à l'étendue des retards dans l'exécution du marché imputables au maître de l'ouvrage ou à ses contractants, y compris l'entreprise Scarapri, à ceux des retards qui sont distincts de l'allongement de la durée du chantier dû à la réalisation des travaux supplémentaires, pour ceux de ces retards, à la part respective du maître de l'ouvrage et de ses contractants, y compris l'entreprise Scarpari, le cas échéant, à l'étendue des préjudices subis par l'entreprise Scarpari du fait des retards qui sont distincts de l'allongement de la durée du chantier dû à la réalisation des travaux supplémentaires ;
Sur les conclusions tendant à la révision des prix du marché :
4. Considérant qu'il résulte de la clause 10.42 du cahier des clauses administratives particulières propre à l'opération que le marché a été conclu à prix révisables ; que la clause 10.45 du cahier des clauses administratives particulières des travaux de la région Rhône-Alpes, auquel le cahier des clauses propre à l'opération ne déroge pas sur ce point, stipule que : " si les travaux ne sont pas achevés à l'expiration du délai d'exécution fixé par le marché (...) la révision des prix se poursuit pour les prix révisables " ; que la société Scarpari pouvait ainsi prétendre à la révision des prix jusqu'à l'exécution complète des prestations, y compris
au-delà des délais du marché ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 10.45 du CCAP-TR : " (...) si les travaux ne sont pas achevés à l'expiration du délai d'exécution fixé par le marché ou prolongé dans les conditions de l'article 19, l'actualisation des prix reste acquise pour les prix fermes et la révision des prix se poursuit pour les prix révisables " ; qu'en application des stipulations de l'article 10.42 du CCAPO, les prix prévus au titre du marché en cause sont révisables selon la formule suivante prévue par l'article 10.44 du CCAP-TR :qui prévoit " Cr = 0,15 +0,85 Im/Im0-Trx " ;
6. Considérant, en premier lieu, que l'allongement de la période d'exécution des travaux n'a pas pour effet de mettre fin à l'application des stipulations contractuelles qui régissent notamment la détermination des prix, nonobstant la circonstance que cet allongement serait partiellement imputable à la faute du maître d'ouvrage ou des personnes agissant pour son compte ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice que constituerait pour elle l'application aux acomptes postérieurs à la fin de la durée initiale d'exécution du marché de la réfaction de 15 p. 100our-cent pratiquée, en vertu de la formule précitée, sur la partie fixe du coefficient de révision de prix ;
7. Considérant, en deuxième second lieu, que la clause précitée ne peut trouver à s'appliquer aux sommes allouées en indemnisation des préjudices subis à raison des fautes imputables à la maîtrise d'ouvrage et à ses contractants autres que l'entreprise Scarpari, celles-ci ne constituant pas le prix du marché ; qu'en revanche, la société requérante est fondée à demander que le coefficient de révision soit appliqué tant au montant des prestations initialement prévues qu'à celui des prestations supplémentaires qui ont été regardées, par l'arrêt de la Cour du 10 juin 2010 susvisé, comme indispensables à l'exécution des travaux prévus au marché et dont la région est tenue d'inclure le montant dans son décompte général ;
8. Considérant toutefois que l'état du dossier ne permet pas de déterminer le coefficient de révision et son assiette ; que, par suite, il y a lieu d'ordonner une expertise en vue de réunir tous les éléments de fait susceptibles d'en permettre l'exacte application ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0502505 du Tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2007 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la SA Scarpari tendant à la révision des prix du marché.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la SA Scarpari tendant à l'indemnisation des conséquences du retard dans l'exécution du marché, procédé à une expertise en vue de réunir tous éléments permettant à la Cour d'apprécier :
- 1° l'étendue des retards dans l'exécution du marché imputables au maître de l'ouvrage ou à ses contractants, y compris l'entreprise Scarpari ;
- 2° ceux des retards qui sont distincts de l'allongement de la durée du chantier dû à la réalisation des travaux supplémentaires ;
- 3° pour ceux des retards définis au 2°, la part respective du maître de l'ouvrage et de ses contractants, y compris l'entreprise Scarpari ;
- 4° le cas échéant, l'étendue des préjudices subis par l'entreprise Scarpari du fait des retards qui sont distincts de l'allongement de la durée du chantier dû à la réalisation des travaux supplémentaires ;
- 5° l'assiette et le taux du coefficient de révision des prix ;
Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me Sabourin, mandataire liquidateur de la SA Scarpari, à la région Rhône-Alpes, à la société Atelier d'architecture et d'urbanisme Michel Lassagne, au bureau d'études techniques V.R.D. Cyprium, à la Beterem Rhône-Alpes venant aux droits de Seralp Bâtiment, à la E2CA Ingenierie et à M. Woulkoff.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2012 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
M. Bourrachot, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2012.
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