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15/11/2012 | FRANCE | N°11LY01618

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2012, 11LY01618


Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2011 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Thierry , domiciliés ... ;

M. et Mme demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001544 du 5 mai 2011 du Tribunal administratif de Dijon, qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales supplémentaires, droits et pénalités, auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;

3°) de mettre à la c

harge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'...

Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2011 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Thierry , domiciliés ... ;

M. et Mme demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001544 du 5 mai 2011 du Tribunal administratif de Dijon, qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales supplémentaires, droits et pénalités, auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que la rédaction de l'article 238 quaterdecies, jusqu'au 31 décembre 2004, n'impose des conditions qu'au seul cédant ; qu'ils ont procédé à la cession de la clientèle d'avocat de M. le 28 décembre 2004 ; que l'acte a été enregistré le 29 décembre 2004 à la recette divisionnaire des impôts de Mâcon ; que l'administration ne peut remettre en cause l'exonération au motif que l'une des conditions imposée au cessionnaire à partir du 1er janvier 2005 n'est pas respectée, sans porter atteinte au principe de l'équité fiscale ; qu'en matière de droits d'enregistrement, selon la doctrine 7H-25 n° 12, les conventions translatives de propriété conclues pour le compte d'une société en formation doivent être considérées comme parfaites et réalisées par la personne qui les a passées au nom de la société ; qu'en application de la loi du 31 décembre 1990 et de son décret n° 96-492 du 25 mars 1993, préalablement à leur inscription au Tableau de l'Ordre et dès que la personnalité morale a été acquise par l'inscription au registre du commerce et des sociétés, les fondateurs peuvent accomplir au nom de la société les actes destinés à préparer l'exercice de la profession, comme l'acquisition d'une clientèle ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le transfert de propriété n'est intervenu qu'au moment où la vente était parfaite, où les parties se sont accordées sur la chose et le prix ; que l'article 3 du contrat de cession stipulait expressément que la SELARL Fidact " justifie réunir toutes les conditions requises pour l'exercice de la profession d'avocat " ; que la SELARL Fidact a été constituée sous condition suspensive de son inscription au barreau de Mâcon, en application de l'article 3 alinéa 1 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et reprise à l'article 5 de ses statuts ; que la réalisation de la condition n'est intervenue qu'en 2005 ; que, par ailleurs, l'article 238 quaterdecies du code général des impôts ne s'applique pas lorsque le cédant exerce la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement ; qu'elle n'a pas porté atteinte au principe de l'équité fiscale en se bornant à appliquer la législation fiscale ; que la documentation administrative 7H-25 invoquée ne comporte pas une interprétation différente de la loi, dont les requérants puissent utilement se prévaloir dans le cadre du présent litige ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 décembre 2011, présenté pour M. et Mme ; ils concluent aux mêmes fins que leur requête ; ils soutiennent, en outre, que l'acte de cession ne comporte aucune condition suspensive ; que la cession n'est pas subordonnée à l'exploitation des éléments cédés ; qu'à supposer que la société n'ait pas eu la capacité pour contracter, cette éventuelle incapacité ne peut qu'être soulevée que par l'une des parties ou des ayants-cause ou ayants-droit ; que l'article 3 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ne subordonne pas la jouissance de la personnalité morale à l'agrément des statuts par l'ordre des avocats ; qu'en vertu des dispositions de l'article 210-6, 2ème alinéa, du code du commerce, il ne peut qu'être considéré que, si la société n'avait pas la personnalité morale au 27 décembre 2004, les actes ont alors été effectués par son associé et par conséquent les engagements ainsi contractés sont validés par la régularisation de la situation juridique ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 30 décembre 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; il conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; il soutient que le décret n° 93-492 du 25 mars 1993, en ce qu'il prévoit en son article 3 que " la société d'exercice libéral est constituée sous la condition suspensive de son inscription au barreau ", ne saurait être regardée comme ajoutant à la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ; que le législateur a expressément confié au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions d'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 janvier 2012, présenté pour M. et Mme ; ils concluent aux mêmes fins que la requête et leur précédent mémoire, par les mêmes moyens ; ils soutiennent, en outre, que le transfert de propriété est intervenu en toute régularité le 28 décembre 2004 et l'entrée en jouissance au 1er janvier 2005 ; qu'en matière de plus-value il est constant que le fait générateur est constitué par le transfert de propriété ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 30 janvier 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; il conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 février 2012, présenté pour M. et Mme ; ils concluent aux mêmes fins que la requête et leurs précédents mémoires, par les mêmes moyens ;

Vu les ordonnances en date du 6 juillet 2011 et 30 décembre 2011, fixant la clôture d'instruction au 30 décembre 2011 puis au 27 janvier 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 31 janvier 2012 portant réouverture de l'instruction ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 93-492 du 25 mars 1993 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code du commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

- et les observations de Me Roumier, avocat de M. et Mme ;

1. Considérant que M. , qui exerçait à titre individuel la profession d'avocat, a, aux termes d'un acte en date du 28 décembre 2004, cédé le droit de présentation de sa clientèle d'avocat et du matériel à la SELARL Fidact, dont il est le gérant et l'associé unique ; qu'il a placé sous le régime d'exonération prévu par les dispositions de l'article 238 quaterdecies du code général des impôts applicable jusqu'au 31 décembre 2004 la plus-value réalisée ; que le service, suite à un contrôle sur pièce, a estimé que la plus-value a été réalisée en janvier 2005 et qu'en application des nouvelles conditions posées par ce texte, à savoir que le cédant ne doit avoir aucun pouvoir de direction du cessionnaire, M. ne peut prétendre au bénéfice de l'exonération ; que M. et Mme font appel du jugement en date du 5 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 238 quaterdecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2004 : " I. - Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale sont exonérées lorsque les conditions suivantes sont simultanément satisfaites : 1° Le cédant est soit : a) Une entreprise dont les résultats sont soumis à l'impôt sur le revenu ; b) Un organisme sans but lucratif ; c) Une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale ou l'un de leurs établissements publics ; d) Une société dont le capital est entièrement libéré et détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par des sociétés dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ; 2° La cession est réalisée à titre onéreux et porte sur une branche complète d'activité ; 3° La valeur des éléments de cette branche complète d'activité servant d'assiette aux droits d'enregistrement exigibles en application des articles 719, 720 ou 724 n'excède pas 300 000 euros. II. - Par dérogation aux dispositions du I, les plus-values réalisées à l'occasion de la cession de biens immobiliers bâtis ou non bâtis, compris, le cas échéant, dans la branche complète d'activité cédée, demeurent imposables dans les conditions de droit commun. III. - Les dispositions des I et II s'appliquent aux cessions intervenues entre le 16 juin 2004 et le 31 décembre 2005 " ; que, dans sa rédaction applicable à l'année 2005, a été ajouté le paragraphe suivant : " 4° Le cédant ne doit pas être dans l'une, au moins, des situations suivantes : a) Le cédant, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil, leurs ascendants et descendants, leurs frères et soeurs détiennent ensemble, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société, de la personne morale ou du groupement cessionnaire ; b) Le cédant exerce en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement cessionnaire " ; qu'il est constant que M. ne remplirait pas cette dernière condition si la plus-value était réalisée en 2005 ; que la cession d'une clientèle et des éléments attachés doit être regardée comme réalisée à la date à laquelle cette vente devient parfaite, le cas échéant après réalisation de la condition dont cette vente est assortie ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 25 mars 1993 : " La société d'exercice libéral est constituée sous la condition suspensive de son inscription au barreau établi auprès du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est fixé le siège de la société et au tableau duquel est inscrit l'un au moins des associés exerçant au sein de la société " ; que, dans l'acte de cession signé le 28 décembre 2004, il est indiqué, à l'article 3, que M. autorise la société Fidact " qui accepte et justifie réunir toutes les conditions requises pour l'exercice de la profession d'avocat ", à se présenter auprès de la clientèle ; que l'article 5 des statuts de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée, qui ont été établis le 11 décembre 2004, dispose que " la société est constituée sous la condition suspensive de son inscription au barreau de Mâcon, l'immatriculation de la société ne pouvant intervenir avant son inscription " ; qu'il n'est pas contesté que l'immatriculation de la société, le 27 décembre 2004, est intervenue avant son inscription au barreau réalisée le 1er janvier 2005 ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que, si l'acte de cession ne comportait pas une condition suspensive expressément prévue en ce qui concerne l'inscription de la société au barreau de Mâcon, cette condition résulte de l'acte de cession aux termes duquel la société devait réunir les conditions requises pour l'exercice de la profession d'avocat, qui impliquait son inscription au barreau, des statuts de la société Fidact et des dispositions règlementaires applicables en matière de constitution de société d'exercice libéral ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme , même si les parties se sont accordées dès le 28 décembre 2004 sur la chose et le prix de la cession et qu'aucune des parties ne s'est prévalue de l'irrégularité de l'acte de cession, cette vente n'a revêtu un caractère parfait que le jour de la réalisation de la condition suspensive découlant des termes de l'acte de cession, des statuts de cette société et des conditions de constitution des sociétés d'exercice libéral, sans qu'ils puissent utilement se prévaloir des dispositions de l'article 210-6 2ème alinéa du code de commerce et de la date de naissance de la personnalité morale de la SELARL Fidact ; que M. et Mme ne peuvent utilement soutenir que le décret n° 93-492 du 25 mars 1993 qui prévoit la condition suspensive aurait ajouté à la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, dès lors que cette dernière dispose que des décrets déterminent en tant que de besoin les conditions d'application, après notamment avis des organismes chargés de représenter les professions concernées auprès de pouvoirs publics ; qu'en prenant les mesures règlementaires prévues par la loi, il n'est pas porté atteinte au principe de la hiérarchie des normes ; que M. et Mme ne peuvent utilement se prévaloir de la doctrine 7H-25 n° 12, intervenue en matière de droits d'enregistrement ; que M. et Mme ne peuvent utilement faire valoir que cette situation qui résulte de l'application de la loi fiscale, méconnaîtrait un principe d'équité fiscale ; que, par suite, la plus-value doit être regardée comme réalisée au 1er janvier 2005 ;

4. Considérant, qu'il résulte de ce qui précède, que M. et Mme ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande de décharge ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. et Mme au titre des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme Thierry et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2012, à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller,

Lu en audience publique le 15 novembre 2012.

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N° 11LY01618


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01618
Date de la décision : 15/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-05-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices non commerciaux. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : SELARL TISSOT HOPGOOD DEMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-15;11ly01618 ?
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