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14/03/2013 | FRANCE | N°12LY00502

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 14 mars 2013, 12LY00502


Vu la requête, enregistrée le 17 février 2012, présentée pour Mlle C...B..., domiciliée...;

Mlle B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907525 du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en conséquence du refus qui lui a été opposé d'accéder à la salle d'examen où se déroulait une épreuve du concours du CAPES externe anglais au titre de la session 2008, d'autre part,

prononcé la suppression d'un passage de son mémoire enregistré le 20 juillet 2010 ...

Vu la requête, enregistrée le 17 février 2012, présentée pour Mlle C...B..., domiciliée...;

Mlle B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907525 du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en conséquence du refus qui lui a été opposé d'accéder à la salle d'examen où se déroulait une épreuve du concours du CAPES externe anglais au titre de la session 2008, d'autre part, prononcé la suppression d'un passage de son mémoire enregistré le 20 juillet 2010 au motif qu'il présente un caractère injurieux et diffamatoire ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

Elle soutient :

- que c'est à tort que le Tribunal a considéré qu'elle avait commis une faute et que cette faute était de nature à exonérer totalement l'administration de ses propres fautes ;

- que c'est également à tort que les premiers juges ont considéré que les termes utilisés, dans son mémoire enregistré le 20 juillet 2010, à l'encontre de la responsable du centre d'examen présentaient un caractère injurieux et diffamatoire ;

- que l'administration a commis une double faute en lui refusant l'accès à la salle d'examen alors qu'elle s'est présentée deux minutes avant l'heure indiquée dans la convocation et en procédant à l'ouverture de l'enveloppe contenant les sujets de l'épreuve avant cette même heure ;

- que la faute commise par l'administration lui a fait perdre une chance sérieuse de réussir les épreuves du CAPES d'anglais au titre de l'année 2008 ;

- que cette faute est à l'origine d'un préjudice moral, lié notamment au retard d'ancienneté dans sa carrière de professeur, qui doit être évalué à la somme de 5 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée au ministre de l'éducation nationale en date du 8 juin 2012 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 août 2012, présenté par le ministre de l'éducation nationale qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'imprudence dont a fait preuve Mlle B... en se présentant seulement deux minutes avant le début de l'épreuve constituait une faute de nature à exonérer entièrement l'administration ;

- que Mlle B... n'établit pas avoir été privée d'une chance sérieuse d'être admise au concours du CAPES d'anglais en 2008 en se bornant à faire état de ce qu'elle avait presqu'atteint le seuil d'admissibilité avec les deux autres épreuves ;

- que Mlle B... ne justifie avoir subi de préjudice moral ou de trouble dans ses conditions d'existence ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 février 2013, présenté pour Mlle B...qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 10 février 2012, admettant Mlle B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu l'arrêté du 30 avril 1991 modifié fixant les sections et les modalités d'organisation des concours du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Revol, avocat de MlleB... ;

1. Considérant que Mlle B..., candidate au concours de recrutement du certificat d'aptitude au professorat du second degré (CAPES) externe d'anglais au titre de la session 2008, s'est vu refuser, le 12 mars 2008, l'entrée de la salle où se déroulait la première épreuve écrite de ce concours portant sur le commentaire dirigé en langue étrangère ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en conséquence du refus d'accès à la salle d'examen qui lui a été opposé, d'autre part, prononcé la suppression d'un passage de son mémoire, enregistré le 20 juillet 2010, et regardé comme présentant un caractère injurieux et diffamatoire à l'encontre de la responsable du centre d'examen ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 30 avril 1991 susvisé : " (...) Le fait de ne pas participer à une épreuve ou partie d'épreuve, de s'y présenter en retard après l'ouverture des enveloppes contenant les sujets, de rendre une copie blanche, d'omettre de rendre la copie à la fin de l'épreuve, de ne pas respecter les choix faits au moment de l'inscription ou de ne pas remettre au jury un dossier ou un rapport ou tout document devant être fourni par le candidat dans le délai et selon des modalités prévus pour chaque concours entraîne l'élimination du candidat. " ;

3. Considérant que Mlle B... a été convoquée à la première épreuve d'admission au CAPES d'anglais portant sur " le commentaire de langues étrangères " le 12 mars 2008 à 9h00 ; qu'il résulte de l'instruction, en particulier des nombreuses attestations, dont celle de la surveillante de la salle d'examen n° 2, que Mlle B... s'est présentée, le 12 mars 2008, à 8 h 58, devant la salle d'examen n° 1, pour y subir ladite épreuve ; que la responsable du centre d'examen, surveillante de la salle n°1, lui a refusé l'accès à cette salle au motif de son retard ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'un candidat à un examen ne peut se voir légalement refuser l'accès à la salle où doit se dérouler cet examen au motif qu'il serait en retard dès lors qu'il se présente avant l'heure mentionnée dans la convocation qui lui a été adressée ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il a été rappelé, il est constant que Mlle B... s'est vu refuser à 8 h 58 l'accès à la salle d'examen alors que la convocation qui lui avait été adressée précisait que l'épreuve pour laquelle elle était convoquée ne commençait qu'à 9 heures ; que, dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que l'enveloppe contenant les sujets aurait été ouverte avant 9 heures, le refus d'accès à la salle d'examen était illégal et, comme tel, constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

5. Considérant, toutefois, que dans la convocation adressée à Mlle B... il lui était précisé, au titre des " consignes académiques ", que : " les candidats doivent être présents 20 minutes avant le début de chaque épreuve. " ; qu'en n'ayant pas pris les dispositions nécessaires en vue de respecter cette consigne, Mlle B... a commis une faute de nature à exonérer l'administration des conséquences dommageables de sa propre faute, à hauteur de 50 % ;

En ce qui concerne le préjudice :

6. Considérant en premier lieu que le refus illégal d'accès à la salle d'examen opposé à Mlle B... l'a privée d'une chance sérieuse d'être admise aux épreuves du CAPES d'anglais au titre de l'année 2008 dès lors, d'une part, que la somme des notes qu'elle a obtenues dans les deux autres épreuves d'admissibilité était de 14,5, proche du seuil d'admissibilité qui était, pour cette année-là, de 15,5, d'autre part, qu'elle a obtenu à l'épreuve de commentaire en langue étrangère au titre des deux années suivantes les notes de 6 et 6,75 et alors qu'elle n'a échoué à l'admission du même concours que de, respectivement, 1,25 et 0,48 point avant d'être déclarée admise au titre de l'année 2011 ;

7. Considérant que du fait de la chance sérieuse dont elle a ainsi été privée, Mlle B... a subi un retard dans le déroulement de sa carrière de professeur d'anglais qui est à l'origine d'un préjudice moral qu'elle n'a pas évalué de manière excessive en le fixant à la somme de 5 000 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité qui est, comme il a été dit, la conséquence de sa propre faute, Mlle B... est fondée à demander la condamnation de l'Etat à hauteur de la somme de 2 500 euros ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de Mlle B... tendant à la condamnation de l'État à réparer ses préjudices ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

8. Considérant que le passage du mémoire enregistré au greffe du Tribunal le 20 juillet 2010 commençant par les termes " aussi, en affirmant haut et fort " et finissant par les termes " qu'à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques " excèdent le droit à la libre discussion et présentent un caractère diffamatoire pour la responsable du centre d'examen ; que, dès lors, Mlle B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé sa suppression ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que Mlle B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocat de Mlle B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mlle B... la somme de 2 500 euros en réparation de ses préjudices.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 8 décembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de Mlle B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle C... B...et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 21 février 2013 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

MM. D...et Poitreau, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 14 mars 2013.

Le rapporteur,

G. PoitreauLe président,

Ph. Seillet

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 12LY00502 5

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00502
Date de la décision : 14/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : REVOL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-03-14;12ly00502 ?
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