Vu la requête, enregistrée le 6 août 2012 au greffe de la Cour, présentée pour M. A... B..., domicilié ...;
M. B... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001773 du 15 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge la décharge, avec les pénalités y afférentes, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001 à 2006 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que c'est à tort que, sur la base de ses seules déclarations devant le juge pénal, l'administration fiscale a estimé qu'il exerçait en France une activité occulte, alors qu'il avait déclaré qu'il exerçait ses activités dans divers pays africains ; que ses activités au bénéfice d'organismes humanitaires étaient exercées sans rémunérations ; que les sommes imposées ont la nature de remboursement de frais ; que les procès-verbaux fondant les impositions sont irréguliers au regard des dispositions de l'article 429 du code de procédure pénale dès lors qu'ils ne comportent pas les questions qui lui ont été posées ; que le délai de reprise ne peut être de six ans ; que les pénalités qui lui ont été infligées ne sont pas fondées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que le moyen tiré de la violation de l'article 429 du code de procédure pénale est inopérant et qu'aucun des autres moyens de la requête n'est fondé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2013 :
- le rapport de M. Bourrachot, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;
1. Considérant qu'au vu de documents obtenus du juge pénal, notamment de procès-verbaux d'audition, par l'exercice de son droit de communication le 16 février 2007, l'administration fiscale a estimé que M. B...avait exercé une activité non déclarée de conseil dans le domaine économique et financier ; que cette activité a alors fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2006 tandis que M. B...faisait lui-même l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2004 et 2005 ; qu'aux termes de la vérification de comptabilité, les bénéfices non commerciaux tirés par M. B...de son activité ont été évalués d'office en application des dispositions du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales ; que les rectifications procédant du contrôle ont été notifiées à M. B...le 19 décembre 2007 ; que les rectifications ont été maintenues par lettre du 6 mars 2008 en dépit des observations de M. B... ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant de ces rectifications ont été assorties des intérêts de retard et de la pénalité de 80 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts puis mises en recouvrement le 31 juillet 2009 ; qu'après le rejet de sa réclamation par décision du 26 février 2010, M. B...a saisi le Tribunal administratif de Grenoble d'une demande de décharge enregistrée le 23 avril 2010 ; qu'il fait appel du jugement du 15 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur le domicile fiscal de M.B... :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " ; et qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. " ; que, pour l'application des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles ; que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;
3. Considérant qu'il est constant que M. B...a son domicile fiscal en France ; qu'il est donc passible de l'impôt sur le revenu en France sur le fondement des dispositions précitées du a) du 1 de l'article 4 B du code général des impôts ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 4 A du même code, il est passible de l'impôt sur le revenu à raison de l'ensemble de ses revenus, y compris ceux de source étrangère dont l'imposition n'est pas réservée à un autre Etat en application d'une convention internationale ; que M. B...n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il ne peut être imposé en France à raison de ses activités en Afrique ;
Sur l'activité de M.B... :
4. Considérant qu'aux termes des dispositions du 1 de l'article 92 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus " ; qu'aux termes de l'article 429 du code de procédure pénale : " Tout procès-verbal ou rapport n'a de valeur probante que s'il est régulier en la forme, si son auteur a agi dans l'exercice de ses fonctions et a rapporté sur une matière de sa compétence ce qu'il a vu, entendu ou constaté personnellement. Tout procès-verbal d'interrogatoire ou d'audition doit comporter les questions auxquelles il est répondu. " ;
5. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration est en droit de se fonder sur l'aveu du contribuable pour établir une rectification, soit que cet aveu résulte de la procédure d'imposition, soit qu'il résulte d'une procédure juridictionnelle ;
6. Considérant qu'il résulte tant des mentions de la proposition de la rectification suffisamment motivée adressée à M. B...que des procès-verbaux établis dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux, notamment des propres déclarations de M. B..., qu'il exerçait, de manière habituelle et rémunérée, une activité de conseiller économique et financier au titre des années 2001 à 2006 ; que si M. B...soutient que les procès-verbaux fondant les impositions sont irréguliers au regard des dispositions de l'article 429 du code de procédure pénale dès lors qu'ils ne comportent pas les questions qui lui ont été posées, cette assertion est démentie tant par les trois procès-verbaux produits en appel par l'administration fiscale ; qu'en tout état de cause, ce moyen doit être écarté comme manquant en fait ; que s'il résulte également de l'instruction, notamment des mentions du jugement du 5 novembre 2007 par lequel le Tribunal de grande instance de Bordeaux a condamné M. B...à 18 mois de prison avec sursis de mise à l'épreuve durant 36 mois pour abus de confiance, produit en première instance par l'administration fiscale, que l'activité de M. B...consistait également en des détournements de fonds sans contrepartie pour les preneurs des prétendues prestations qu'il offrait, une telle circonstance est sans influence sur la qualification de bénéfices non commerciaux des sommes perçues ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les sommes détournées et appréhendées sous la forme de chèques émis par la victime au nom de tiers et en espèces auraient été comprises dans les bases d'imposition de M.B... ; que cette activité de détournement de fonds n'a pas été imposée en tant que telle ; que l'activité de conseil de M. B...entre, dès lors, dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts ;
Sur la procédure d'imposition :
7. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable change fréquemment son lieu de résidence ou de principal établissement, ou a transféré son activité à l'étranger sans déposer la déclaration de ses résultats ou de ses revenus non commerciaux, ou ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce, ou si un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ou, pour les fiducies, si les actes prévus à l'article 635 du code général des impôts n'ont pas été enregistrés. Il n'y a pas lieu non plus de procéder à cette mise en demeure lorsque l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, au titre de l'année ou de l'exercice au cours duquel le procès-verbal est établi. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 73 du même livre : " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°." ; qu'aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ;
8. Considérant qu'il est constant que M. B...n'a pas déposé de déclaration au titre de l'activité dont il n'avait déclaré l'existence ni à l'administration fiscale, ni à un centre de formalités des entreprises, ni à un greffe du tribunal de commerce ; que la circonstance qu'une partie de ses prestations était exécutée dans des pays d'Afrique est sans influence sur ses obligations déclaratives ; que l'administration était fondée à évaluer d'office son bénéfice imposable ; que, régulièrement imposé d'office, le requérant supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions contestées ;
Sur la prescription :
9. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce (...) " ;
10. Considérant qu'il est constant que M. B...n'a pas déposé de déclaration au titre de ses bénéfices non commerciaux et n'a déclaré l'existence de son activité ni à l'administration fiscale, ni à un centre de formalités des entreprises, ni à un greffe du tribunal de commerce ; que la circonstance qu'une partie de ses prestations était exécutée dans des pays d'Afrique est sans influence sur ses obligations déclaratives ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration a retenu un délai de reprise de six ans ;
Sur le bien-fondé :
11. Considérant que si M. B...soutient que ses prestations en Afrique pour le compte de fondations caritatives et d'entités chargées de programmes humanitaires n'étaient pas rémunérées, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige, dès lors qu'il est constant que M. B...n'a été imposé que sur la base des seules sommes encaissées sur son compte ou sur celui de sa concubine du fait des versements faits par divers moyens au bénéfice de cette dernière ; que s'il soutient également que ces sommes avaient la nature de remboursements de frais, il ne l'établit pas ;
Sur les pénalités :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 p. 100. 2. Le décompte de l'intérêt de retard est arrêté soit au dernier jour du mois de la notification de redressement, soit au dernier jour du mois au cours duquel la déclaration ou l'acte a été déposé. 3. La majoration visée au 1 est portée à : (...) 80 p. 100 en cas de découverte d'une activité occulte. " ;
13. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'activité de conseiller économique et financier de M. B...n'a été déclarée ni à l'administration fiscale, ni à un centre de formalités des entreprises, ni à un greffe du tribunal de commerce ; que la circonstance qu'une partie de ses prestations était exécutée dans des pays d'Afrique est sans influence sur ses obligations déclaratives ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration a regardé cette activité comme occulte et lui a infligé la pénalité de 80 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les dépens :
15. Considérant qu'aux termes de l'article 1635 bis Q du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 : " I.-Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l'aide juridique de 35 euros est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative/II. La contribution pour l'aide juridique est exigible lors de l'introduction de l'instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties./L'Etat peut être condamné aux dépens " ;
16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser la charge des dépens à M.B..., partie perdante ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie tenue aux dépens, les frais d'instance exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2013 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
M. Bourrachot, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2013.
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N° 12LY02120