Vu la requête, enregistrée le 6 août 2012, présentée pour M. A... C..., domicilié ...;
M. C... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900672 du 15 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont il a été déclaré redevable au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2006, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le délai de reprise ne peut être de six ans, l'administration ne pouvant lui appliquer l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ; que c'est à tort que, sur la base de ses seules déclarations devant le juge pénal, l'administration fiscale a estimé qu'il exerçait en France une activité occulte, alors qu'il avait déclaré qu'il exerçait ses activités dans divers pays africains ; que ces activités n'étaient pas imposables à la taxe sur la valeur ajoutée en France en application de l'article 259 B du code général des impôts ; qu'elles ne sont pas non plus imposables car exonérées en application de l'article 261 C 1° a) du code général des impôts et d'une décision de rescrit du 7 février 2006 n° 2006/9 TCA ; que, n'ayant pas été encaissées sur le compte de MmeB..., ces sommes ne peuvent être comprises dans les bases de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elles ne peuvent être davantage taxées en l'absence de lien direct avec les prestations fournies tant sur le terrain de la loi fiscale que sur celui de la doctrine administrative 3 A-1112, n° 8 du 20 octobre 1999 ; que ces sommes ont le caractère de remboursement de frais ; que les procès-verbaux fondant les impositions sont irréguliers au regard des dispositions de l'article 429 du code de procédure pénale dès lors qu'ils ne comportent pas les questions qui lui ont été posées ; que les dispositions du 2 de l'article 269 et de l'article 1728 du code général des impôts ne lui sont pas applicables ; que les pénalités qui lui ont été infligées ne sont pas fondées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que le moyen tiré de la violation de l'article 429 du code de procédure pénale est inopérant et qu'aucun des autres moyens de la requête n'est fondé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2013 :
- le rapport de M. Bourrachot, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;
1. Considérant qu'au vu de documents obtenus du juge pénal, notamment de procès-verbaux d'audition, par l'exercice de son droit de communication le 16 février 2007, l'administration fiscale a estimé que M. C...avait exercé une activité non déclarée de conseil dans le domaine économique et financier ; que cette activité a alors fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2006 tandis que M. C...faisait lui-même l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2004 et 2005 ; qu'au terme de la vérification de comptabilité, les recettes tirées par M. C...de son activité ont été taxées d'office en application des dispositions du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; que les rectifications procédant du contrôle ont été notifiées à M. C...le 19 décembre 2007 ; que les rectifications ont été maintenues par lettre du 6 mars 2008 en dépit des observations de M.C... ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de ces rectifications ont été assortis des intérêts de retard et de la pénalité de 80 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts puis mis en recouvrement le 30 mai 2008 ; qu'après le rejet de sa réclamation par décision du 17 décembre 2008, M. C... a saisi le Tribunal administratif de Grenoble d'une demande de décharge enregistrée le 17 février 2009 ; qu'il fait appel du jugement du 15 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur l'activité de M. C...et l'existence d'un établissement stable en France :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " ; qu'aux termes de l'article 259 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. " ; qu'aux termes de l'article 259 B dudit code, dans sa rédaction alors applicable : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France (...) : (...) 4° Prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études dans tous les domaines y compris ceux de l'organisation de la recherche et du développement ; prestations des experts-comptables ; (...) 6° Opérations bancaires, financières et d'assurance ou de réassurance, à l'exception de la location de coffres-forts ; (...) 8° Prestations des intermédiaires qui interviennent au nom et pour le compte d'autrui dans la fourniture des prestations de services désignées au présent article (... ) Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté. " ; qu'aux termes de l'article 266 du code général des impôts : " 1. La base d'imposition est constituée : a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) b. Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : Opérations réalisées par un intermédiaire mentionné au V de l'article 256 et au III de l'article 256 bis ; Opérations réalisées par les personnes établies en France qui s'entremettent dans la livraison de biens ou l'exécution de services par des redevables qui n'ont pas établi dans la Communauté européenne le siège de leur activité, un établissement stable, leur domicile ou leur résidence habituelle (...) " ; qu'aux termes de l'article 278 du même code : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 %. " ;
3. Considérant qu'alors même qu'un contribuable a régulièrement fait l'objet d'une procédure de taxation d'office, il appartient au juge de l'impôt de se fonder sur les résultats de l'instruction, compte tenu, le cas échéant, de l'abstention des parties à produire les éléments qu'elles sont seules en mesure d'apporter, pour estimer si des prestations de services doivent être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, en application de l'article 259 du code général des impôts, ou sortent de son champ d'application, en vertu de l'article 259 B du même code ;
4. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration est en droit de se fonder sur l'aveu du contribuable pour établir une rectification, soit que cet aveu résulte de la procédure d'imposition, soit qu'il résulte d'une procédure juridictionnelle ;
5. Considérant qu'il résulte tant des mentions de la proposition de la rectification suffisamment motivée adressée à M. C...que des procès-verbaux établis dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux, notamment des propres déclarations de M. C..., qu'il exerçait, de manière habituelle et rémunérée, une activité de conseiller économique et financier au titre des années 2001 à 2006 ; que si M. C...soutient que les procès-verbaux fondant les impositions sont irréguliers au regard des dispositions de l'article 429 du code de procédure pénale dès lors qu'ils ne comportent pas les questions qui lui ont été posées, cette assertion est démentie par les trois procès-verbaux produits en appel par l'administration fiscale ; qu'en tout état de cause, ce moyen doit être écarté comme manquant en fait ; que s'il résulte également de l'instruction, notamment des mentions du jugement du 5 novembre 2007 par lequel le Tribunal de grande instance de Bordeaux a condamné M. C...à 18 mois de prison avec sursis de mise à l'épreuve durant 36 mois pour abus de confiance, produit en première instance par l'administration fiscale, que l'activité de M. C...consistait également en des détournements de fonds sans contrepartie pour les preneurs des prétendues prestations qu'il offrait, il ne résulte pas de l'instruction que les sommes détournées et appréhendées sous la forme de chèques émis par la victime au nom de tiers et en espèces auraient été comprises dans les recettes taxées ; que cette activité de détournement de fonds n'a pas été assujettie en tant que telle à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, dans ces conditions, il résulte de l'instruction que M. C...s'est livré à une activité économique, offrant des prestations de conseil en lien direct avec les sommes perçues, qui entre dans le champ d'application des dispositions des articles 256 et 256 A du code général des impôts ;
6. Considérant qu'il résulte également de l'instruction qu'au cours de la période vérifiée, M. C...disposait de son domicile à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) ; qu'eu égard à la nature de son activité, ce domicile lui permettait également d'exécuter ses prestations à partir de ce lieu, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas sérieusement ; qu'il n'invoque pas davantage l'existence d'un autre établissement à l'étranger ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration fiscale l'a assujetti en France ;
Sur la procédure d'imposition :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 3° Aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ;
8. Considérant qu'il est constant que M. C...n'a pas déposé de déclaration de recettes de l'activité dont il n'avait d'ailleurs pas non plus déclaré l'existence à l'administration fiscale, à un centre de formalités des entreprises ou à un greffe du tribunal de commerce ; que la circonstance qu'une partie de ses prestations était exécutée dans des pays d'Afrique est sans influence sur ses obligations déclaratives ; que l'administration était fondée à taxer d'office ses recettes imposables ; que, régulièrement imposé d'office, le requérant supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions contestées ;
Sur la prescription :
9. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce " ;
10. Considérant qu'il est constant que M. C...n'a pas déposé de déclaration au titre de ses bénéfices non commerciaux et n'a déclaré l'existence de son activité ni à l'administration fiscale, ni à un centre de formalités des entreprises, ni à un greffe du tribunal de commerce ; que la circonstance qu'une partie de ses prestations était exécutée dans des pays d'Afrique est sans influence sur ses obligations déclaratives ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration a retenu un délai de reprise de six ans ;
Sur l'exonération des opérations bancaires et financières :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
11. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 261 C du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : a. L'octroi et la négociation de crédits, la gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés, les prêts de titres effectués dans les conditions du chapitre V modifié de la loi n° 87-416 du 17 juin 1987 sur l'épargne et les pensions réalisées dans les conditions prévues par les articles L. 432-12 à L. 432-19 du code monétaire et financier ; (...) " ;
12. Considérant que si M. C...soutient qu'il exerçait une activité d'intermédiaire en négociation de crédit, une telle nature d'activité ne résulte pas de l'instruction ; qu'au surplus, il est constant que M. C...n'octroyait pas lui-même de crédits ;
En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :
13. Considérant que M. C...se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du rescrit référencé 2006/9 TVA publié le 7 février 2006, selon lequel l'activité d'une personne qui consiste à démarcher des emprunteurs potentiels, à apprécier leur solvabilité, à préparer des dossiers de crédit pour les transmettre à des établissements bancaires s'analyse en une opération de négociation de crédits dès lors qu'il y a bien mise en relation de l'organisme prêteur et de l'emprunteur ; que, toutefois, une telle nature d'activité ne résulte pas de l'instruction ;
Sur le bien-fondé :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
14. Considérant que l'administration fait valoir que les sommes identifiées comme en provenance de pays tiers à la communauté européenne n'ont pas été retenues dans les recettes taxables ; que M. C...n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que d'autres sommes étaient en provenance de preneurs établis hors de la communauté européenne ;
15. Considérant qu'il résulte des aveux même du requérant, consignés dans le procès-verbal 2006/00120/49, que le compte bancaire de la compagne de M. C..., MmeB..., était alimenté par des versements d'espèces et de chèques provenant de son activité professionnelle ;
16. Considérant que si le requérant soutient que son activité n'était pas rémunérée et qu'il percevait uniquement des remboursements de frais, il n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ces allégations ;
En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :
17. Considérant que si M. C...se prévaut, sur le fondement l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée 3 A 1112 paragraphe 8 du 20 octobre 1999, il ne résulte pas de l'instruction que certaines prestations étaient effectuées gratuitement ou qu'il n'existait pas, pour ces prestations, de relation entre le prix et le service fourni ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les dépens :
19. Considérant qu'aux termes de l'article 1635 bis Q du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 : " I.-Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l'aide juridique de 35 euros est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative/II. La contribution pour l'aide juridique est exigible lors de l'introduction de l'instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties./L'Etat peut être condamné aux dépens " ;
20. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser la charge des dépens à M.C..., partie perdante ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie tenue aux dépens, les frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2013 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
M. Bourrachot, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2013.
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N° 12LY02121