Vu l'arrêt du 5 avril 2012 par lequel la Cour a jugé que la commune de Charly avait commis une faute dans l'organisation du service de nature à engager sa responsabilité et, avant plus amplement dire droit sur les conclusions des époux B...tendant à la condamnation de la commune de Charly au versement d'une indemnité provisionnelle de 8 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices de leur filleC..., a décidé de procéder à une expertise ;
Vu l'ordonnance du 26 avril 2012, par laquelle le président de la Cour a, en application de l'article R. 621-2 du code de justice administrative, désigné en qualité d'expert M. le docteur Jean-Pierre A...;
Vu, enregistré le 24 décembre 2012, le rapport établi par l'expert désigné ;
Vu l'ordonnance du 14 janvier 2013, par laquelle le président de la Cour a, en application des articles R. 621-11 et R. 761-4 du code de justice administrative, liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 760 euros ;
Vu l'ordonnance du 20 février 2013 prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative qui fixe au 15 mars 2013 la date de clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 mars 2013, présenté pour M. et MmeB..., qui persistent dans leurs précédents moyens et conclusions, demandant en outre que la mission d'expertise confiée au Dr A...soit prorogée afin qu'il examine leur fille à l'âge de 18 ans et que les entiers dépens soient mis à la charge de la commune de Charly ;
Ils soutiennent en outre que :
- le traumatisme dentaire subi par la jeune C...constituait une urgence, le temps passant limitant les chances d'une réimplantation réussie ;
- les services communaux ont failli dans les conditions de prise en charge de l'enfant, l'intervention au service des urgences odontologiques n'ayant pu être réalisée que 3 heures 30 après l'accident ;
- ce délai de prise en charge a excédé la durée idéale inférieure à 3 heures mentionnée par l'expert ;
- le taux de perte de chance est de 75 % ;
- l'état de C...n'est pas consolidé, une telle consolidation n'étant envisageable qu'en 2015/2016 ;
- elle a fait l'objet de soins qui devraient se poursuivre ;
- les préjudices subis sont consécutifs aux soins subis et associés à ceux-ci ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 mars 2013, présenté pour la commune de Charly qui conclut à ce qu'il soit sursis à statuer sur la demande des époux B...et, subsidiairement, à ce que l'indemnisation du préjudice subi par la jeune C...soit apprécié en fonction d'une perte de chance réduite d'une amélioration de son état ;
Elle soutient que :
- les soins d'orthodontie ne sont pas seulement en lien avec l'accident ;
- la chance perdue est minime ;
Vu l'ordonnance du 18 mars 2013 prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative qui reporte au 3 avril 2013 la date de clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 mars 2013, présenté pour M. et MmeB... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 avril 2013 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Loncke, avocat de M. et Mme B...et de Me Mandy, avocat de la commune de Charly ;
1. Considérant que selon l'arrêt susvisé du 5 avril 2012, la jeune C...B..., alors âgée de 8 ans a été victime vers 11 heures 30 d'une chute dans la cour de récréation de l'école élémentaire Les Tilleuls à Charly, une surveillante est parvenue à stopper l'hémorragie après dix minutes de lavage à l'eau froide, a récupéré deux des dents expulsées et fait prévenir, vers 11 heures 50, MmeB..., à la demande de laquelle ces dents ont été placées dans du sérum physiologique et que l'examen de l'enfant pratiqué en début d'après midi à l'unité d'urgences odontologiques de l'hôpital de l'Hôtel Dieu à Lyon a révélé la perte d'une troisième dent, récupérée à l'école et réimplantée avec les deux autres vers 14 heures 35 ; que par ce même arrêt, la Cour a jugé que la commune, en se bornant à contacter la maman de C...sans faire appel aux services de secours ou à un professionnel de santé, n'avait pas réagi de manière appropriée à la situation et ainsi commis une faute dans l'organisation du service de nature à engager sa responsabilité et, avant plus amplement dire droit, a ordonné une expertise aux fins d'évaluer les incidences d'une telle défaillance pour l'intéressée et de chiffrer la perte de chance d'éviter que le dommage corporel subi soit advenu du fait de cette défaillance ; que l'expert a rendu son rapport le 24 décembre 2012 ;
2. Considérant que l'expert indique que les luxations dentaires constituent une urgence odontologique et que le temps écoulé entre la perte de dents et leur réimplantation est un élément déterminant du succès ou de l'échec de cette opération, ajoutant que tout quart d'heure écoulé supplémentaire a pour corollaire une diminution des chances de succès de cette opération et que, pour un résultat optimal, la durée maximale acceptable est de 3 heures ; qu'il résulte de l'instruction que faute d'une prise en charge médicalisée plus rapide deC..., le service des urgences odontologiques de l'hôpital de l'Hôtel Dieu n'a pu intervenir que près de 3 heures 30 après l'accident ; que ce retard a fait perdre à l'intéressée une chance d'échapper aux séquelles dont elle a été victime, en particulier la perte des dents réimplantées ; que cette perte de chance doit, en l'espèce, être estimée à 75 % ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'état de C...ne sera consolidé que vers l'âge de 18 ans ; que comme le demandent ses parents, et sans qu'il soit aujourd'hui nécessaire de proroger la mission de l'expert, il y a lieu d'évaluer à titre provisionnel, dans l'attente de la fixation définitive de ceux-ci, les frais de santé et les préjudices à caractère personnel exposés par l'intéressée ; qu'il leur appartiendra, le cas échéant, d'engager toute nouvelle action qu'ils estimeraient justifiée ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
S'agissant des frais de santé :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, qu'en lien avec le retard dans sa prise en charge, l'intéressée, qui a depuis lors perdu l'une des trois incisives réimplantées ainsi qu'une quatrième endommagée, reçoit des soins d'orthodontie réguliers, une réhabilitation prothétique des deux incisives encore en place étant par ailleurs très probable ; que dans ces conditions, compte tenu du coefficient de perte de chance mentionné ci-dessus, il y a lieu de fixer à 3 000 euros l'indemnité provisionnelle due par la commune de Charly à ce titre ;
S'agissant des autres dépenses liées au dommage corporel :
5. Considérant que les requérants demandent le remboursement des frais de conseil et d'assistance par un praticien spécialisé qu'ils ont exposés pour un montant de 350 euros ; que, eu égard au coefficient de perte de chance retenu, la somme de 262 euros doit être mise à la charge de la commune ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, qu'en lien avec la faute commise par la commune, la jeune C...a subi des préjudices d'ordre personnel, pour partie voués à se prolonger jusqu'au terme de ses soins ; qu'elle a en particulier enduré des souffrances liées aux suites de ses traitements, des troubles psychologiques et éprouvé un préjudice esthétique et des troubles dans ses conditions d'existence résultant notamment de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée d'adapter ses pratiques culinaires et de mettre fin à l'apprentissage de la clarinette ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces préjudices en estimant l'indemnité provisionnelle due à ce titre, compte tenu du coefficient de perte de chance retenu plus haut, à 1 738 euros ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité due par la commune de Charly à M. et Mme B...est de 262 euros et, à titre provisionnel, de 4 738 euros ; qu'en conséquence, M. et Mme B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ;
Sur les frais d'expertise :
8. Considérant que les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 760 euros, doivent être mis à la charge de la commune de Charly ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Charly le paiement à M. et Mme B...d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions présentées sur ce même fondement par la commune de Charly ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 7 juin 2011 est annulé.
Article 2 : La commune de Charly est condamnée à verser à M. et Mme B...la somme de 5 000 euros, dont 4 738 euros à titre provisionnel.
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 760 euros, sont mis à la charge de la commune de Charly.
Article 4 : La commune de Charly versera à M. et Mme B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et MmeB..., à la commune de Charly et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône. Il en sera adressé copie à M. D... A..., expert.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2013 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2013.
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N° 11LY01798 4