Vu la requête, enregistrée le 7 août 2012, présentée pour M. E...C..., domicilié..., agissant en son nom propre et au nom de son fils mineurD... ;
M. C...demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0904857 du 15 juin 2012 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a limité à 1 530 euros l'indemnité réparant les préjudices personnels de MmeB..., à 39 765 et 18 000 euros les sommes que le centre hospitalier Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu a été condamné à lui verser respectivement en réparation de ses propres préjudices et de ceux de son fils D...et à 1 500 euros la somme mise à la charge dudit centre hospitalier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner le centre hospitalier Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu à verser à M. C... les sommes de 218 024,51 et de 335 251,13 euros assorties des intérêts au taux légal et leur capitalisation en réparation, respectivement, de ses préjudices propres et, en sa qualité de représentant légal de son filsD..., en réparation des préjudices subis par celui-ci, ainsi qu'aux dépens ;
3°) de majorer de 2 000 euros la somme mise en première instance à la charge du centre hospitalier Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu une somme de 5 000 euros au titre de ces mêmes dispositions ;
Il soutient :
- que son préjudice d'affection doit être évalué à 35 000 euros ;
- que le préjudice d'affection de son fils doit être évalué à 100 000 euros ;
- que c'est à tort que les premiers juges ont refusé d'indemniser le préjudice lié aux déplacements qu'il a dû effectuer pour se rendre à l'hôpital de Lyon Sud ;
- que son préjudice économique s'élève à de 83 750,40 euros ;
- que le préjudice relatif aux souffrances endurées par Mme B...doit être évalué à 30 000 euros ;
- que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas indemnisé le préjudice correspondant à la douleur morale de MmeB... ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 janvier 2013, présenté pour le centre hospitalier de Bourgoin-Jallieu, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que l'évaluation des préjudices telle qu'elle a été faite par les premiers juges doit être confirmée ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 mars 2013, présenté pour M. C...qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 avril 2013 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Mugnier, avocat de M.C... ;
1. Considérant que Mme A...B..., âgée de 26 ans, est décédée le 17 mai 2007 dans le service de réanimation des Hospices civils de Lyon après avoir donné naissance, le 11 mai 2007 à son filsD... ; qu'au vu notamment des conclusions du rapport d'expertise du 22 décembre 2008, établi à la demande de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Rhône-Alpes, le Tribunal administratif de Grenoble, par jugement du 15 juin 2012 a, d'une part, estimé que le décès de Mme B...était imputable à un retard de diagnostic à l'origine d'une perte de chance de survie évaluée à 90 % et, d'autre part, eu égard à la faute ainsi commise par le centre hospitalier Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu, où elle avait d'abord été prise en charge, condamné cet établissement à réparer les préjudices des parents et frères de l'intéressée, de son compagnon, M. E...C..., et de son filsD... ; que M. C..., agissant en son nom propre et en qualité de tuteur de son fils, fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;
Sur les préjudices de Mme A...B...:
2. Considérant que le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ; que si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers ; que le droit à réparation du préjudice résultant pour elle de la douleur morale qu'elle a éprouvée du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite, en raison d'une faute du service public hospitalier dans la mise en oeuvre ou l'administration des soins qui lui ont été donnés, constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers ; qu'en revanche, les préjudices n'apparaissant qu'au jour du décès de la victime n'ont pu donner naissance à aucun droit entré dans son patrimoine avant ce jour et ne peuvent donc être transmis aux héritiers ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des constatations opérées par l'expert que l'état de Mme B...s'est très rapidement et très fortement dégradé dans les heures qui ont suivi la naissance deD..., justifiant son transfert au sein du service de réanimation ; que, dans ces conditions, ainsi que l'on relevé les premiers juges, il n'est pas établi qu'entre la naissance deD..., le 11 mai 2007, et le décès de MmeB..., survenu six jours plus tard, celle-ci a pu avoir conscience d'une perte de chance de survie, source pour elle d'une douleur morale qui justifierait l'indemnisation d'un tel chef de préjudice ;
4. Considérant, en second lieu, que l'expert a évalué les souffrances endurées par Mme B... à 2 sur une échelle de 1 à 7 ; qu'en évaluant ce poste de préjudice à 1 700 euros, les premiers juges n'en n'ont pas fait une estimation insuffisante ;
Sur les préjudices de M. C...et de son fils :
En ce qui concerne les frais de déplacement :
5. Considérant que si M. C...demande à être indemnisé du préjudice correspondant au coût des déplacements qu'il a dû effectuer, après le décès de sa compagne, pour se rendre à l'hôpital où se trouvait son fils, il n'est pas démontré que ces déplacements, liés à l'hospitalisation de celui-ci sur le lieu de l'accouchement, sont directement en rapport avec le décès de MmeB... ;
En ce qui concerne le préjudice d'affection :
6. Considérant qu'en évaluant, après application du taux de perte de chance de 90 %, le préjudice d'affection, lié au décès de MmeB..., subi par M. C...et son filsD..., à la somme de 18 000 euros chacun, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante de ce chef de préjudice ;
En ce qui concerne le préjudice économique :
7. Considérant que le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint ou de son concubin est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés aux charges communes du foyer, compte tenu de ses propres revenus ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MmeB..., âgée de 26 ans lorsqu'elle est décédée, et son compagnon, percevaient des rémunérations annuelles de l'ordre de, respectivement, 12 000 euros et 19 500 euros ; que la part annuelle des revenus de Mme B... devant être regardée comme consacrée aux charges communes du foyer et à l'entretien de l'enfant doit être évaluée à 20 % pour chacun ; que, pourD..., âgé de quelques jours lors du décès de sa mère, le préjudice économique doit être indemnisé jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de 24 ans ; que, dans ces conditions, après application du taux de perte de chance de 90 %, son préjudice économique doit être évalué à la somme de 42 000 euros ; que, s'agissant de M.C..., eu égard à l'âge du décès de sa compagne et à la durée prévisible de son activité professionnelle, il sera fait une juste appréciation de son préjudice économique futur, après application du taux de perte de chance de 90 %, en le fixant à la somme de 55 000 euros ;
Sur l'application par le tribunal administratif de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que si le requérant soutient que la somme de 1 500 euros mise à la charge du centre hospitalier Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le jugement attaqué " était en effet dérisoire " et s'il estime que cette somme doit être majorée de 2 000 euros, il ne justifie pas de l'insuffisance de l'évaluation ainsi faite par le tribunal administratif ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est seulement fondé à demander que les sommes de 39 765 euros et 18 000 euros que le centre hospitalier Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu a été condamné à lui verser en réparation de ses préjudices et de ceux son fils D...soient portées à, respectivement, 55 000 euros et 42 000 euros ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
11. Considérant que M. C...a droit aux intérêts des sommes 55 000 euros et 42 000 euros à compter du jour de la réception de la réclamation préalable par le centre hospitalier Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu, soit le 26 mai 2009 ; que les intérêts échus le 26 mai 2010 et à chaque échéance annuelle ultérieure seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu le paiement à M. C...d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés dans la présente instance ;
DECIDE :
Article 1er : Les indemnités de 39 765 et de 18 000 euros que le centre hospitalier Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu a été condamné à verser à M. C...par les articles 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 15 juin 2012 sont portées à, respectivement, 55 000 et 42 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2009. Les intérêts échus le 26 mai 2010 et à chaque échéance annuelle ultérieure seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 15 juin 2012 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu versera à M. C...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C..., au centre hospitalier Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2013 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2013.
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N° 12LY02200