Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2012, présentée pour la commune de Le Pin (Isère), représentée par son maire ;
La commune de Le Pin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901501 du tribunal administratif de Grenoble du 31 mai 2012 en tant que, par ce jugement, le tribunal l'a condamnée à verser à la société Le Foyer de l'Isère une somme de 56 011 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant de la décision du 11 septembre 2007 par laquelle son maire a retiré l'autorisation de lotir qu'il avait accordée à cette société le 24 mai 2007 ;
2°) de rejeter la demande de la société Le Foyer de l'Isère devant le tribunal administratif ;
3°) de condamner la société Le Foyer de l'Isère à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre les dépens de l'instance à la charge de cette société ;
La commune de Le Pin soutient, en premier lieu, qu'elle n'a commis aucune faute ; qu'en effet, la société Le Foyer de l'Isère n'a exercé aucun recours à l'encontre de la décision du 11 septembre 2007 retirant l'autorisation de lotir qui lui avait été accordée et ne serait plus recevable à le faire ; qu'en conséquence, les moyens qu'elle a soulevés à l'encontre de cette décision sont irrecevables ; qu'en outre, en retirant l'autorisation de lotir, le maire n'a fait que déférer à une demande de l'Etat ; qu'en deuxième lieu, subsidiairement, aucun lien de causalité n'existe entre les préjudices allégués et la prétendue faute qu'elle aurait commise ; qu'en effet, le constat d'une illégalité résulte du jugement du 31 mai 2012 ; que, par suite, toute somme exposée avant cette date ne peut qu'être sans lien avec cette illégalité ; que, par ailleurs, les débours exposés par la société Le Foyer de l'Isère pour obtenir l'autorisation de lotir n'ont pas été engagés en pure perte, dès lors que cette société est en mesure de développer un projet urbain compatible avec le plan local d'urbanisme en vigueur ; qu'en outre, ces dépenses ont été réalisées à une date antérieure aux arrêtés en cause ; qu'en troisième lieu, la société Le Foyer de l'Isère a commis des fautes de nature à exclure toute responsabilité ; qu'en effet, cette société, qui est spécialisée dans la promotion immobilière, s'est engagée dans une opération d'acquisition d'un terrain sans stipuler aucune condition suspensive liée à l'obtention d'une autorisation d'urbanisme définitive ; qu'elle n'a également pas contesté la décision de retrait devant le tribunal administratif ; qu'elle n'a pas cherché à utiliser les droits à construire dont dispose le terrain ; qu'enfin, pour le surplus, s'agissant des chefs de préjudice que le tribunal a écartés, elle se réfère à ses moyens de première instance ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 octobre 2012, présenté pour la société Le Foyer de l'Isère, qui demande à la cour :
- de rejeter la requête ;
- par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ;
- de condamner la commune de Le Pin à lui verser :
. une somme de 492 487,06 euros, ou subsidiairement une somme de 241 613,05 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant de l'abandon de son projet de lotissement,
. une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société Le Foyer de l'Isère soutient, en premier lieu, que la commune de Le Pin a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la circonstance que la décision du 11 septembre 2007 retirant le permis de lotir n'ait pas fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en temps utile ne fait pas obstacle à l'introduction d'une action indemnitaire tendant à obtenir la réparation des préjudices causés par cette décision ; que cette dernière est entachée d'illégalité ; qu'elle méconnaît en effet les articles 4 et 24 de la loi du 12 avril 2000, n'est pas motivée et comporte des termes qui ne sont pas clairs ; que l'autorisation de lotir n'était pas illégale, dès lors qu'elle pouvait légalement se fonder sur les dispositions du plan d'occupation des sols remis en vigueur à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme ; que cette autorisation ne pouvait donc pas faire l'objet d'un retrait ; que le maire n'était pas tenu de faire droit à la demande de retrait émanant de l'Etat ; qu'en deuxième lieu, la faute qui a été commise par la commune est à l'origine directe des préjudices invoqués ; que ceux-ci découlant de la décision de retrait et le jugement attaqué du tribunal n'ayant qu'un effet déclaratif, la date de ce jugement est sans incidence ; que, comme la commune le reconnaît, la situation juridique du terrain n'ayant pas varié à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme, le retrait de l'autorisation de lotir constitue bien la cause des préjudices ; que, contrairement à ce que soutient la commune, le nouveau plan local d'urbanisme a considérablement diminué les possibilités d'urbanisation du terrain d'assiette de son projet, qui ne pourrait désormais être réalisé à l'identique, comme le démontre le refus qui lui a été opposé le 27 janvier 2010 ; que les dépenses engagées pour constituer le dossier sont nécessairement antérieures à l'autorisation ; que la commune ne l'a jamais informée de l'existence d'un recours à l'encontre du plan local d'urbanisme ; qu'en troisième lieu, elle n'a commis aucune faute susceptible d'exonérer la responsabilité de la commune de Le Pin ; que l'autorisation de lotir n'ayant pas fait l'objet d'un recours mais ayant été retirée, cette commune ne peut utilement faire valoir qu'aucune condition suspensive relative à l'obtention d'une autorisation définitive n'a été prévue ; que le projet a été élaboré en concertation avec les élus communaux et les représentants de l'Etat ; qu'elle a pu légitimement croire en sa réalisation ; qu'enfin, compte tenu des préjudices résultant de la décision de retrait de son autorisation, la commune de Le Pin devra être condamnée à lui verser, en outre, une somme de 492 487,06 euros ou, subsidiairement, une somme de 241 613,05 euros ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2012, présenté pour la commune de Le Pin, représentée par son maire, tendant aux mêmes fins que précédemment, le montant de la somme réclamée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative étant porté à 2 500 euros ;
La commune, soutient, en outre, que les moyens de légalité externe invoqués à l'encontre de la décision de retrait du 11 septembre 2007 ne sont pas susceptibles d'engager sa responsabilité, dès lors que cette décision est légalement justifiée ; qu'en effet, le maire était tenu, après avoir écarté les dispositions du plan d'occupation des sols en raison de leur incompatibilité avec les orientations du schéma de secteur du Pays voironnais, de procéder au retrait de l'autorisation, qui était illégale et avait fait l'objet de recours gracieux et contentieux ; que la société Le Foyer de l'Isère n'est pas recevable à demander l'indemnisation de préjudices qui découlent de l'application des règles d'urbanisme de la zone AU du plan local d'urbanisme, dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet ; que le préjudice lié à la perte de marge nette ne s'appuie sur aucun élément justificatif ; que la demande d'indemnisation de la perte de valeur vénale du terrain est irrecevable, n'ayant pas été présentée dans la demande préalable d'indemnisation, ni même en première instance ; qu'au demeurant cette demande nouvelle est sans lien avec la décision de retrait de l'autorisation ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 26 novembre 2012, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2012 ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 décembre 2012, présenté pour la société Le Foyer de l'Isère, tendant aux mêmes fins que précédemment ;
La société Le Foyer de l'Isère soutient, en outre, que, dans l'hypothèse dans laquelle la décision de retrait du permis de lotir serait légale, la commune devrait alors être regardée comme ayant commis une faute en accordant cette autorisation ;
En application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, par une ordonnance du 21 décembre 2012, l'instruction a été rouverte ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2013, présenté pour la commune de Le Pin, représentée par son maire, tendant aux mêmes fins que précédemment ;
Vu le courrier du 11 avril 2013 par lequel, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées du fait que la cour envisage de soulever d'office le moyen tiré de ce que la société Le Foyer de l'Isère n'est pas fondée à demander que les condamnations qu'elle sollicite soient prononcées toutes taxes comprises ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2013, présenté pour la société Le Foyer de l'Isère, tendant aux mêmes fins que précédemment ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2013 :
- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- et les observations de Me Mouronvalle, avocat de la commune de Le Pin, et celles de Me Fessler, avocat de la société Le Foyer de l'Isère ;
1. Considérant que la société Le Foyer de l'Isère a obtenu le 24 mai 2007 du maire de la commune de Le Pin une autorisation de lotir en 13 lots un terrain qu'elle a acquis au cours de l'année 2005 ; que cette autorisation a été délivrée sur la base du plan local d'urbanisme qui a été adopté le 24 juin 2004 par le conseil municipal de cette commune ; que, par un jugement du 21 juin 2007, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce plan ; que, par un arrêté du 11 septembre 2007, le maire a décidé de retirer l'autorisation précitée qu'il avait accordée à la société Le Foyer de l'Isère ; que, par un courrier du 27 septembre 2007, cette dernière a demandé au maire de lui délivrer une nouvelle autorisation, sur la base des dispositions du plan d'occupation des sols redevenues applicables, à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme ; que, par un arrêté du 14 novembre 2007, le maire a opposé un sursis à statuer à la demande de la société Le Foyer de l'Isère, au motif que le projet était susceptible de compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution du plan local d'urbanisme alors en cours d'élaboration ; que, par un courrier du 2 décembre 2008, la société a saisi la commune de Le Pin d'une demande de réparation des préjudices résultant de l'échec de son projet de lotissement ; que, le maire ayant rejeté cette demande par une décision du 3 février 2009, la société a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande de condamnation de la commune de Le Pin à lui verser une somme de 590 654,90 euros, réduite en cours d'instance à la somme de 548 498,06 euros ; qu'avant que le tribunal statue sur cette demande indemnitaire, le conseil municipal a adopté le nouveau plan local d'urbanisme de la commune de Le Pin, par une délibération du 10 décembre 2009 ; qu'en se fondant sur ce plan, le maire, par un arrêté du 27 janvier 2010, a rejeté la demande de permis de lotir, qui avait fait précédemment l'objet du sursis à statuer précité ; que, par un jugement du 31 mai 2012, le tribunal a condamné la commune de Le Pin à verser à la société Le Foyer de l'Isère une somme de 56 011 euros, outres intérêts et capitalisation des intérêts ; que cette commune relève appel de ce jugement ; que, par la voie de l'appel incident, la société Le Foyer de l'Isère demande à la cour de condamner la commune à lui verser une somme de 492 487,06 euros ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que le fait que le plan local d'urbanisme du 24 juin 2004 a fait l'objet de recours devant le tribunal administratif de Grenoble a donné lieu à une information dans le bulletin municipal de la commune de Le Pin et dans la presse locale ; qu'il incombait à la société Le Foyer de l'Isère, en sa qualité de professionnel de l'immobilier, de se renseigner sur d'éventuels recours dirigés contre le document d'urbanisme sur la base duquel le maire devait examiner la demande de permis de lotir qu'elle avait présentée ; que, dans les circonstances de l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction qu'en s'abstenant d'informer explicitement la société Le Foyer de l'Isère, après le dépôt de sa demande, du fait que le plan local d'urbanisme faisait l'objet de recours devant le tribunal, la commune de Le Pin aurait commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité ;
3. Considérant que la circonstance que le plan local d'urbanisme de la commune de Le Pin faisait alors l'objet de recours devant le tribunal administratif de Grenoble était sans incidence sur l'obligation qui pesait sur le maire de cette commune de répondre aux demandes d'autorisations d'urbanisme qui lui étaient présentées ; que, par suite, quand bien même le plan local d'urbanisme n'était pas devenu définitif, le maire n'a commis aucune faute en statuant, par son arrêté du 24 mai 2007, sur la demande de permis de lotir de la société Le Foyer de l'Isère ;
4. Considérant que la circonstance que l'arrêté de retrait du 11 septembre 2007 serait devenu définitif ne fait pas obstacle à ce que la société Le Foyer de l'Isère excipe de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa demande indemnitaire ;
5. Considérant que le maire de la commune de Le Pin a été saisi de plusieurs recours gracieux dirigés contre l'autorisation de lotir dont bénéficiait la société Le Foyer de l'Isère et d'une demande de retrait de cette autorisation par le sous-préfet de la Tour-du-Pin ; que, contrairement à ce que soutient cette commune, le maire, qui devait apprécier le bien-fondé de ces demandes et porter une appréciation sur les faits de l'espèce, n'était pas en situation de compétence liée pour retirer l'autorisation ;
6. Considérant que la commune de Le Pin fait valoir que son maire pouvait légalement procéder au retrait du permis de lotir dont bénéficiait la société Le Foyer de l'Isère, dès lors que le plan d'occupation des sols, redevenu applicable à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme, était incompatible avec le schéma de secteur du Pays Voironnais ; que, toutefois, ce schéma de secteur n'a été adopté que le 18 décembre 2007, soit après la délivrance de l'autorisation ; qu'au surplus, la commune ne soutient pas que l'autorisation méconnaîtrait les dispositions d'urbanisme qui seraient remises en vigueur dans l'hypothèse d'une illégalité du plan d'occupation des sols ; qu'en conséquence, l'autorisation de lotir du 24 mai 2007 n'étant pas entachée d'illégalité, cette décision ne pouvait légalement faire l'objet d'un retrait ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Le Foyer de l'Isère est seulement fondée à soutenir que l'arrêté du 11 septembre 2007 est illégal ; que, par suite, cet arrêté est de nature à engager la responsabilité de la commune de Le Pin, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de légalité invoqués par la société à l'encontre de cette même décision ;
Sur les fautes alléguées de la société Le Foyer de l'Isère :
8. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Le Pin, la société Le Foyer de l'Isère n'a commis aucune faute en s'abstenant de contester devant le tribunal administratif de Grenoble le retrait de l'autorisation de lotir qu'elle avait obtenue ; que la circonstance que cette société n'aurait pas cherché à utiliser les droits à construire dont dispose son terrain est seulement susceptible d'avoir une incidence sur l'existence des préjudices allégués, mais n'est pas de nature à permettre d'établir une faute de cette société ;
9. Considérant que le terrain d'assiette du projet de la société Le Foyer de l'Isère faisait l'objet d'un classement en secteur constructible AUb au plan local d'urbanisme du 24 juin 2004 de la commune de Le Pin ; qu'avant ce dernier, ce terrain était classé en zone urbaine UA au plan d'occupation des sols de cette commune ; que, même si le plan local d'urbanisme n'était pas devenu définitif et que la société Le Foyer de l'Isère constitue un professionnel de l'immobilier, il ne résulte pas de l'instruction qu'en s'abstenant d'introduire des conditions suspensives liées à l'obtention d'une autorisation d'urbanisme définitive dans les actes d'achat des trois parcelles constituant ledit terrain qu'elle a passés au cours de l'année 2005, cette société aurait commis une imprudence fautive susceptible d'atténuer la responsabilité de la commune de Le Pin ;
Sur le lien de causalité :
10. Considérant que la date à laquelle le tribunal a jugé que la commune de Le Pin avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité est sans incidence sur l'existence d'un lien de causalité entre cette faute et les préjudices allégués par la société Le Foyer de l'Isère ; que, par suite, cette commune n'est pas fondée à soutenir que, le constat d'une illégalité constitutive d'une faute résultant du jugement attaqué du 31 mai 2012, toute somme exposée par cette société avant cette date est sans lien avec cette faute ;
11. Considérant que la seule circonstance que la faute de la commune, résultant de l'illégalité de l'arrêté du 11 septembre 2007, soit intervenue à une date postérieure aux dépenses de la société Le Foyer de l'Isère ne peut, contrairement à ce que soutient la commune de Le Pin, permettre d'affirmer que cette faute est sans lien avec les préjudices invoqués résultant de ces dépenses ;
12. Considérant qu'à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme du 24 juin 2004, les demandes de permis de construire sur des terrains situés dans le périmètre du lotissement autorisé par l'arrêté du 24 mai 2007 auraient dû être examinées au regard du plan d'occupation des sols redevenu applicable, puis, après l'entrée en vigueur du plan local d'urbanisme adopté par le conseil municipal le 10 décembre 2009, au regard de ce dernier plan ; que, alors que ces terrains faisaient l'objet d'un classement en zone urbaine UA au plan d'occupation des sols et en secteur constructible AUa au plan local d'urbanisme du 10 décembre 2009, la commune de Le Pin ne précise pas quelles dispositions de ces plans auraient pu faire obstacle à la délivrance de permis de construire ; que, dans ces conditions, dès lors que l'annulation du plan local d'urbanisme du 24 juin 2004 n'était, par elle-même, pas susceptible de compromettre la réalisation du projet de la société Le Foyer de l'Isère, cette commune ne peut utilement faire valoir qu'aucun permis de construire n'a jamais été délivré dans le périmètre du lotissement ;
13. Considérant que les préjudices dont la société Le Foyer de l'Isère demande réparation, qui sont liés à l'échec de son projet de lotissement, résultent de la faute commise par le maire de la commune de Le Pin en retirant illégalement le permis de lotir qui avait été accordé à cette société et non, comme le soutient cette commune, de l'application des règles d'urbanisme qui découlent du classement en secteur AUa du terrain d'assiette de ce projet dans le nouveau plan local d'urbanisme du 10 décembre 2009 ; qu'en conséquence, les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ne font pas obstacle à l'indemnisation demandée par la société ;
Sur les préjudices :
14. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société Le Foyer de l'Isère, les motifs d'annulation du plan local d'urbanisme du 24 juin 2004 qui ont été retenus par le tribunal administratif de Grenoble dans son jugement du 21 juin 2007 sont sans incidence sur les droits à construire résultant du classement du terrain de cette société en secteur AUa par le plan local d'urbanisme qui a été adopté le 10 décembre 2009 par le conseil municipal de la commune de Le Pin ; que l'article UA 2 du règlement de ce plan autorise, dans le secteur AUa, les constructions à usage d'habitation, à condition que le projet " porte sur une tranche significative ", d'au moins 900 m² de surface hors oeuvre nette ou concerne au moins 50 % de la surface du secteur ; que le projet de ladite société excède la surface minimale de surface hors oeuvre nette ainsi exigée et concerne un terrain qui représente plus de la moitié de la superficie du secteur AUa dans lequel il se situe ; que le terrain d'assiette est toutefois concerné par l'orientation d'aménagement n° 3, laquelle rend inconstructible toute la portion sud-ouest du terrain, qui correspond à la quasi-totalité de la partie de la parcelle cadastrée D 381 incluse dans ce dernier, ainsi qu'une portion de la partie centrale du terrain ; qu'ainsi, le projet de lotissement de la société Le Foyer de l'Isère, qui comporte notamment des constructions sur ladite partie de la parcelle cadastrée D 381, ne pourrait être réalisé à l'identique sur la base du plan local d'urbanisme actuellement en vigueur sur le territoire communal ; que, néanmoins, il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise du 13 mars 2013 qui a été réalisé à la demande de la commune de Le Pin, qu'un projet de lotissement similaire au projet initialement envisagé par la société Le Foyer de l'Isère, respectant le plan local d'urbanisme, et notamment l'orientation d'aménagement n° 3, pourrait être réalisé sur le terrain de cette société ; qu'en outre, par une délibération du 31 mai 2012, le conseil municipal a modifié le plan local d'urbanisme pour porter l'emprise au sol maximum dans le secteur AUa à 25 % de la superficie du terrain quand le projet excède 500 m² de surface hors oeuvre nette ; que, compte tenu de l'absence de tout coefficient d'occupation des sols dans ce secteur, un projet présentant une surface hors oeuvre nette très sensiblement supérieure à celle autorisée par l'arrêté du 24 mai 2007, de 2 323 m² par application du coefficient d'occupation des sols alors applicable, pourrait désormais être élaboré ;
15. Considérant qu'un nouveau projet présentant des caractéristiques au moins équivalentes à celles du projet initialement envisagé pourrait ainsi être réalisé sur le terrain ; que l'objet de la société Le Foyer de l'Isère, qui selon cette dernière limiterait les projets qu'elle est susceptible d'envisager sur le terrain, ne peut être opposé à la commune ; qu'au surplus, cet objet est sans incidence sur la valeur du terrain ; que, dès lors, ladite société ne peut soutenir qu'elle subit un préjudice en raison de la perte de valeur de son terrain et que les frais exposés pour l'acquisition de ce dernier ont été exposés en pure perte ;
16. Considérant qu'il n'est pas établi que le retard apporté au projet, du fait du retrait fautif de l'autorisation dont bénéficiait la société Le Foyer de l'Isère, aurait eu une quelconque incidence financière, s'agissant notamment du remboursement de l'emprunt qui a été contracté par cette société ; que celle-ci ne peut dès lors solliciter le remboursement des " Frais divers et agios de 2006 à 2009 ", des " Intérêts d'emprunt de 2009 à 2012 " et des dépenses engagées au titre d'une " Garantie de découvert " et d'une " Garantie fin de travaux " ; que, de même, si cette société demande le remboursement des taxes foncières qu'elle a acquittées pour la période de 2006 à 2009, en tout état de cause, elle ne démontre pas que, sans le retard apporté à son projet, elle aurait pu s'abstenir de payer cette taxe pour une partie au moins de cette période ;
17. Considérant qu'aucun élément ne peut permettre de démontrer que le bénéfice pouvant raisonnablement être attendu d'une future opération sera nécessairement inférieur au bénéfice qui aurait pu être réalisé à la suite du projet qui a dû être abandonné, en raison du retrait du permis de lotir que la société avait obtenu ; que les préjudices allégués, aux titres d'une " Perte de la marge nette prévisionnelle sur prix de vente " et du " Manque à gagner sur honoraires de commercialisation ", ne peuvent en conséquence être retenus ;
18. Considérant que la société Le Foyer de l'Isère est fondée à soutenir que doivent donner lieu à indemnisation les frais engagés dans le cadre du projet initial et uniquement utiles à celui-ci, pour l'élaboration de ce projet par un architecte, le tirage de plans et l'intervention d'un huissier, pour des montants de respectivement 9 950 euros hors taxes, 43,23 euros hors taxes et 261,19 euros hors taxes ; que la commune de Le Pin ne soutient pas et il ne résulte pas de l'instruction que les études réalisées par un géomètre-expert et par la société d'études Géo + au titre de la loi sur l'eau, pour examiner la question des eaux pluviales et l'incidence du projet sur les milieux hydrauliques, superficiels et souterrains, pourraient être utilisées dans le cadre d'un nouveau projet ; que, par suite, la société Le Foyer de l'Isère est également fondée à demander le remboursement des dépenses engagées pour ces études, de respectivement 9 042,31 euros hors taxes et 6 935 euros hors taxes ;
19. Considérant que l'expertise comptable que la société Le Foyer de l'Isère a demandé au cabinet KPMG de réaliser n'a présenté aucune utilité pour la détermination des chefs de préjudices invoqués par cette société ; que, par suite, cette dernière ne peut soutenir que la somme qu'elle a payée pour l'intervention de ce cabinet doit donner lieu à indemnisation ;
Sur les conclusions tendant à ce que la condamnation prononcée soient assortie de la taxe sur la valeur ajoutée :
20. Considérant que la société Le Foyer de l'Isère ne justifie pas qu'elle ne serait pas en mesure de déduire, de répercuter ou de se faire rembourser la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, cette société n'est pas fondée à demander que la condamnation prononcée soit assortie de cette taxe ;
21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Le Foyer de l'Isère justifie d'un préjudice d'un montant de 26 231,73 euros ; qu'en conséquence, la somme à laquelle la commune de Le Pin a été condamnée par le jugement attaqué du tribunal administratif de Grenoble doit être ramenée de 56 011 euros à ce montant ;
Sur les dépens :
22. Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts (...). / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de la commune de Le Pin la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée lors de l'introduction de sa requête ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de le Pin, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamnée à payer à la société Le Foyer de l'Isère la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme au bénéfice de cette commune sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La somme que la commune de Le Pin a été condamnée à verser à la société Le Foyer de l'Isère par le jugement du 31 mai 2012 du tribunal administratif de Grenoble est ramenée de 56 011 euros à 26 231,73 euros.
Article 2 : Le jugement du 31 mai 2012 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les dépens sont mis à la charge de la commune de Le Pin.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Le Pin et à la société Le Foyer de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2013, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président,
M. Zupan, président-assesseur,
M. Chenevey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mai 2013.
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N° 12LY02108
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