Vu l'ordonnance n° 360438 du 3 décembre 2012 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 11LY01691 du 24 mai 2012 de la Cour administrative d'appel de Lyon, et renvoyé devant la Cour de céans le jugement du recours du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;
Vu le recours, enregistré le 7 juillet 2011 au greffe de la Cour, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;
Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0706159 du 15 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a ordonné la restitution à M. C... A...des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il avait acquittés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à ce dernier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de remettre à la charge de M. A...les droits de taxe sur la valeur ajoutée dont la restitution a été ordonnée par le Tribunal administratif de Grenoble, pour un montant de 11 371 euros ;
Il soutient que la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition incombe au contribuable, en vertu de l'article R.* 194-1 du livre des procédures fiscales ; que le Tribunal ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article 75 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 pour exonérer de taxe sur la valeur ajoutée les honoraires perçus par M. A... antérieurement à la modification apportée à l'article 261-4-1° du code général des impôts par l'article 58 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 ; que ce dernier n'a pas établi qu'au cours de la période litigieuse il s'est abstenu d'accomplir des actes d'ostéopathie interdits aux praticiens qui n'ont pas la qualité de médecin ; qu'à défaut d'avoir apporté des éléments relatifs à sa pratique au cours de cette période, qui permettraient d'appréhender la nature des actes qu'il a accomplis sous la dénomination d'actes d'ostéopathie ou les conditions dans lesquelles lesdits actes ont été effectués, il n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les actes qu'il a ainsi accomplis, alors que son activité n'était pas réglementée, étaient d'une qualité équivalente à celle de ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin, auraient été exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ; que la circonstance que le droit d'user du titre d'ostéopathe lui a été reconnu n'est pas suffisante à cet égard ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2012, présenté pour M. A..., qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient qu'il doit bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 13-1, paragraphe 1 c) de la 6ème directive n° 77/388/CE du 17 mai 1977, s'agissant de prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales, au regard du principe de neutralité fiscale de la taxe sur la valeur ajoutée ; que cette exonération s'applique pour des prestations délivrées par des professionnels non médecins et non masseurs-kinésithérapeutes en fonction de critères liés à la qualité de la formation en ostéopathie ; que sa formation en ostéopathie, d'une durée de 2 660 heures, présentait un niveau de qualité équivalent à celui de celle reçue par des médecins ou masseurs-kinésithérapeutes ; qu'une autorisation d'user du titre d'ostéopathe lui a été délivrée par le préfet de la région Rhône-Alpes en 2008, ce qui suffit à apporter la preuve que les actes qu'il a accomplis alors que l'activité n'était pas réglementée étaient d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par des médecins, auraient été exonérés ; que le principe du secret professionnel ne lui permet pas de donner plus d'informations sur les actes qu'il a pratiqués ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 janvier 2013, présenté pour M. A...qui persiste dans ses conclusions, en demandant en outre que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les mêmes moyens, en soutenant en outre que le critère tenant à la nature du diplôme obtenu est le seul qui doit être pris en compte ; qu'il n'a pu effectuer aucun acte d'ostéopathie interdit avant que ne soient définis les interdictions ou limitations à ces actes par décret du 25 mars 2007 ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 janvier 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 31 janvier 2013 fixant la clôture d'instruction au 28 février 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le décret n° 96-879 du 8 octobre 1996 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute ;
Vu le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie ;
Vu le décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2013 :
- le rapport de M. Besse, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;
1. Considérant que M.A..., qui exerce l'activité d'ostéopathe à Annecy (Haute- Savoie), a demandé la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il avait spontanément acquittée pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006, en estimant pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 261 du code général des impôts relatives à l'exonération de cette taxe ; que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat relève appel du jugement du 15 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a ordonné la restitution à M. A... des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il avait acquittés au cours de cette période, pour un montant de 11 371 euros, et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R.* 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive, précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des États membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ;
4. Considérant toutefois que, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalente à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire. (...) / Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. (...) / Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. / Ces praticiens ne peuvent exercer leur profession que s'ils sont inscrits sur une liste dressée par le représentant de l'État dans le département de leur résidence professionnelle, qui enregistre leurs diplômes, certificats, titres ou autorisations " ;
6. Considérant que le décret du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie et le décret du même jour relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation, pris pour l'application de cet article, n'ont été publiés que le 27 mars 2007 ; que, durant la période en litige, les actes d'ostéopathie ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine et, pour certains actes, sur prescription médicale, par les masseurs-kinésithérapeutes, en vertu de la réglementation de leur profession, notamment les dispositions des articles 5 et 7 du décret du 8 octobre 1996 susvisé repris aux articles R. 4321-5 et R. 4321-7 du code de la santé publique ;
7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que, pour obtenir la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés par M. A...sur ses prestations d'ostéopathie, celui-ci doit démontrer qu'il disposait, pour la fourniture de ces prestations, de qualifications professionnelles propres à leur assurer un niveau de qualité équivalente à celles fournies par un médecin ; que l'appréciation de la qualité des actes accomplis par M. A... ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes d'ostéopathie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués ; qu'est en revanche sans incidence, pour apprécier la nature de ces actes au regard de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période en cause, la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressé a pu ultérieurement faire valoir certains éléments relatifs à sa pratique professionnelle, lors de la mise en oeuvre des mesures transitoires prévues à l'article 16 du décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 en vue d'autoriser l'usage du titre professionnel d'ostéopathe par les praticiens en exercice à la date de publication de ce décret ; qu'il appartient, dès lors, à M. A..., pour mettre le juge à même de s'assurer que la condition tenant à la qualité des actes était remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles ;
8. Considérant qu'à l'appui de sa demande de restitution, M. A...fait valoir qu'il a suivi une formation de 2 660 heures à l'European School of Osteopathy de Maidstone (Grande-Bretagne), à l'issue de laquelle il a obtenu un diplôme d'ostéopathie qui lui a été délivré en septembre 2002 ; que, par ailleurs, il se prévaut de ce qu'il a reçu l'autorisation d'user du titre d'ostéopathe par décision du préfet de la région Rhône-Alpes du 19 juin 2008 ; que pour permettre au juge de se prononcer sur la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils ont été effectués, il lui appartenait également de fournir des éléments permettant de s'assurer que ces actes n'étaient pas interdits ou n'avaient pas été accomplis sans avis médical préalable lorsque celui-ci était requis ; qu'en l'espèce, l'intéressé, qui ne peut se prévaloir du secret professionnel, alors qu'il pouvait, avant de transmettre des documents sur sa pratique, occulter le nom de ses patients, et ne peut prétendre qu'aucun acte médical propre aux médecins ne pouvait être interdit ou comparé à ceux des ostéopathes avant l'intervention en 2007 du décret réglementant les actes et conditions d'exercice de l'ostéopathie, n'a produit aucun élément relatif à sa pratique pendant la période litigieuse ; que M. A... n'établit pas, ainsi, que les actes d'ostéopathie qu'il avait accomplis auraient pu être considérés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin pratiquant l'ostéopathie, auraient bénéficié de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ;
9. Considérant qu'il s'ensuit que c'est à tort que le Tribunal administratif s'est fondé sur le motif erroné tiré de ce que les actes accomplis par M. A...pendant la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 étaient d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin, auraient été exonérés, pour prononcer la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre de cette période ;
10. Considérant que M. A...n'ayant pas soulevé d'autres moyens, tant en première instance qu'en appel, à l'appui de ses conclusions aux fins de restitution, il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a ordonné la restitution à M. A...des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il avait acquittés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à ce dernier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions présentées au titre des frais non compris dans les dépens :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0706159 du 15 juin 2011 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Grenoble tendant à la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. A...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2013 à laquelle siégeaient :
- M. Bourrachot, président,
- MM. B...et Besse, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 18 juin 2013.
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N° 12LY03097