Vu la requête, enregistrée le 22 mars 2013, présentée pour M. D... A..., domicilié... ;
M. A... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903719 du 24 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'université Joseph Fourier de Grenoble à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des conséquences dommageables résultant de la production d'un faux document dans le cadre d'une procédure devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Grenoble ;
2°) de prononcer la condamnation demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'université Joseph Fourier de Grenoble une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que dans le cadre d'un litige opposant la société Microvitae Technologies, qu'il a créée, à l'université, devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Grenoble, l'université a produit, à l'appui d'une note en délibéré, une charte du doctorat concernant M.C..., mentionnant comme directeurs de thèse MM. E...etB... ; que sur ce document, le nom de M. E...a été substitué au sien ; que l'université a ainsi commis une faute ; que la production de ce faux document, en vue de nier la réalité de ses travaux de recherche, lui a causé un préjudice moral ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les lettres du 6 juin 2013 par lesquelles, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que les actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés, soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l'autorité judiciaire ; que l'action de M. A...vise à la mise en jeu de la responsabilité de l'université Joseph Fourier de Grenoble à raison de la faute qu'elle aurait commise dans le cadre de la procédure engagée par la société Microvitae Technologies devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Grenoble ; qu'une telle action ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 juin 2013, présenté pour M.A... ;
Il soutient, en réponse à la lettre du 6 juin 2013, que le faux a été produit par l'université dans une procédure engagée non par lui, mais par la société Microvitae Technologies ; que la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 juin 2013, présenté pour l'université Joseph Fourier de Grenoble qui conclut au rejet de la requête, à la condamnation de M. A...à lui payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts et à la mise à sa charge d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que l'action de M. A...est infondée ; qu'il abuse de son droit d'agir en justice, ce qui lui cause un préjudice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 portant règlement d'administration publique déterminant les formes de procédure du Tribunal des conflits ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2013 :
- le rapport de M. Clot, président ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me M'Barek, avocat de M. A... et de Me Lussiana, avocat de l'université Joseph Fourier ;
1. Considérant que M.A..., diplômé de l'université Joseph Fourier de Grenoble, a créé en 2002 la société Microvitae Technologies, dont il est le président-directeur général, en vue de valoriser les brevets qu'il détient ; que cette société a conclu avec l'université, le 23 mai 2003, un contrat d'apport de concours scientifique ; que, estimant que l'université n'avait pas rempli ses obligations contractuelles, la société Microvitae Technologies l'a assignée devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Grenoble ; qu'en réponse à une note en délibéré de la société, le président de l'université a adressé au Tribunal, le 6 juillet 2004, un courrier par lequel il a contesté les allégations de celle-ci selon lesquelles M. A...aurait dirigé une thèse, et a produit la copie d'une " charte du doctorat " sur laquelle le nom d'un autre enseignant a été substitué au sien ; que par jugement correctionnel du 11 avril 2005, le Tribunal de grande instance de Grenoble a relaxé M. Vallée, président de l'université, des poursuites engagées contre lui par M.A..., qui l'accusait d'avoir fait usage sciemment d'un écrit ayant été altéré et a rejeté sa demande tendant à la condamnation de M. Vallée à lui verser 100 000 euros à titre de dommages-intérêts ; que ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Grenoble du 3 juillet 2006 ; que le 3 juillet 2007, M. A... a assigné l'université Joseph Fourier devant le Tribunal de grande instance, en vue de sa condamnation à lui verser la même somme de 100 000 euros en réparation des conséquences dommageables résultant pour lui de la production devant le juge des référés du document susmentionné ; que par ordonnance du 18 juin 2008, le juge de la mise en état a déclaré le Tribunal incompétent, le litige relevant selon lui de la juridiction administrative ; que cette ordonnance a été confirmée par arrêt de la Cour d'appel de Grenoble du 28 janvier 2009 ; que le 5 août 2009, M. A...a saisi le Tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la condamnation de l'université à lui payer ladite somme ; qu'il fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande comme non fondée ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 771-1 du code de justice administrative : " La saisine du Tribunal des conflits par les juridictions administratives en prévention des conflits négatifs obéit aux règles définies par l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 ci-après reproduit : "Art. 34. - Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que ledit litige ressortit à l'ordre de juridictions primitivement saisi, doit par un jugement motivé qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal." " ;
3. Considérant qu'il n'appartient qu'au juge judiciaire de connaître des actes relatifs à la conduite d'une procédure judiciaire ou qui en sont inséparables ; que l'action de M. A... vise à la mise en jeu de la responsabilité de l'université Joseph Fourier de Grenoble à raison de la faute qu'elle aurait commise dans le cadre de la procédure engagée par la société Microvitae Technologies en 2004 devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Grenoble ; qu'ainsi, en l'état du dossier il apparaît que le litige ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
4. Considérant toutefois que par ordonnance du 18 juin 2008, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Grenoble, que M. A...avait saisi d'une action contre l'université Joseph Fourier, tendant aux mêmes fins que la présente action et reposant sur la même cause juridique, a décliné la compétence de la juridiction judicaire pour connaître du litige ; que cette ordonnance, confirmée par arrêt de la Cour d'appel de Grenoble du 28 janvier 2009, est devenue définitive ; qu'il convient, dès lors, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce Tribunal ;
DECIDE :
Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. A... jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour connaître du litige.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à l'université Joseph Fourier de Grenoble et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2013 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 juillet 2013.
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N° 13LY00766 2