Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 6 février 2013 sous le n° 13LY00289, la décision du 30 janvier 2013, par laquelle, à la demande de M. B... A...C...statuant au contentieux a :
1°) annulé l'arrêt n° 08LY01531 du 8 avril 2010 par lequel la Cour a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0601363 du 30 avril 2008 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 582 518,82 euros en réparation des préjudices matériel et moral résultant de l'abattage des sangliers de son élevage ;
2°) renvoyé l'affaire à la Cour ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 juillet 2008, présentée pour M. B... A..., domicilié ...;
M. A...demande à la Cour:
1°) d'annuler le jugement n° 0601363 du 30 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 582 518,82 euros, en réparation des préjudices matériel et moral résultant de l'abattage des sangliers de son élevage ;
2°) de prononcer la condamnation demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 2 000 euros et 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour les frais non compris dans les dépens exposés, respectivement, en première instance et en appel ;
Il soutient que la faute commise par le préfet du Puy-de-Dôme en ordonnant l'abattage des sangliers de son élevage est la cause directe des préjudices dont il demande la réparation ; que la circonstance qu'il exploitait cet élevage sans autorisation administrative n'est pas de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 28 septembre 2009 au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu l'ordonnance du 9 décembre 2009 fixant la clôture d'instruction au 8 janvier 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 janvier 2010, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que l'illégitimité de la situation du requérant le prive de tout droit à indemnisation ; qu'en tout état de cause, compte tenu du partage de responsabilité qui devrait être opéré, l'indemnisation du requérant ne pourrait excéder un montant égal au tiers de la valeur de son cheptel ;
Vu l'ordonnance du 14 janvier 2010 rouvrant l'instruction en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 février 2010, présenté pour M. A...qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 mars 2013, présenté pour M. A...qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens, sauf à ce que l'Etat soit désormais condamné à lui verser une somme comprise entre 838 784,82 euros et 932 387,82 euros, en réparation des préjudices matériel et moral résultant de l'abattage des sangliers de son élevage ;
Il soutient en outre que par la décision du 30 janvier 2013, le Conseil d'Etat a jugé que l'arrêté ordonnant l'abattage de ses sangliers est la cause d'un préjudice direct et certain et que ses préjudices ne découlent pas directement et exclusivement de sa situation irrégulière mais résultent uniquement de l'illégalité de l'arrêté préfectoral ; que son préjudice matériel et financier total actualisé pour la période 2001-2013 s'élève à une somme comprise entre 663 784,82 euros et 757 387,82 euros ; que son préjudice moral s'élève à 175 000 euros ;
Vu l'ordonnance du 22 mai 2013 fixant la date de clôture d'instruction au 14 juin 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 juin 2013, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que le préjudice matériel résultant de la perte du cheptel de 39 sangliers doit être limité à 19 500 euros et que le comportement de l'intéressé est de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat à hauteur des trois-quarts ; que les préjudices résultant de la perte d'exploitation et des portées perdues ne remplissent pas la condition de certitude dès lors que le préfet pouvait mettre fin à tout moment à l'exploitation irrégulière, que les portées n'étaient qu'éventuelles et qu'en tout état de cause, M. A...n'aurait pas continué à détenir ces animaux du fait de leur placement d'office ; que compte tenu des manquements délibérés et systématiques de M. A...à la règlementation, celui-ci n'est pas fondé à demander la réparation d'un préjudice moral ;
Vu l'ordonnance du 21 juin 2013 reportant la date de clôture d'instruction au 17 juillet 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 juillet 2013, présenté pour M.A..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens, sauf à ce que l'Etat soit désormais condamné à lui verser une somme comprise entre 839 034,82 euros et 939 484,82 euros, en réparation des préjudices matériel et moral résultant de l'abattage des sangliers de son élevage ;
Vu les lettres du 3 septembre 2013 par lesquelles les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 septembre 2013, présenté pour M. A...en réponse à la lettre susvisée du 3 septembre 2013 ;
Vu les autres pièces du dossier;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code rural ;
Vu l'arrêté du 8 octobre 1982 relatif à la détention, la production et l'élevage de sangliers ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2013 :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Vigier Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bonnard, avocat de M. A..., et de M.A..., requérant ;
1. Considérant que M.A... exploitait depuis 1992, sans autorisation, un élevage de sangliers ; que, par une décision du 11 avril 1997, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un certificat de capacité et une autorisation d'ouverture d'un établissement d'élevage de sangliers ; que par un arrêté du 8 août 2000, notifié le 17 août, il a mis en demeure l'intéressé de régulariser sa situation dans le délai de trois mois, et de prendre diverses mesures provisoires, dans le délai de deux semaines, faute de quoi il serait procédé à l'élimination des sangliers présents dans l'élevage ; qu'en l'absence de toute mesure prise par l'exploitant, le préfet du Puy-de-Dôme a ordonné, le 11 octobre 2000, l'élimination des animaux par l'administration, aux frais de l'exploitant ; que l'administration a ainsi procédé à l'abattage de trente-neuf sangliers le 23 octobre 2000 ; que par un arrêt du 15 décembre 2005, confirmé le 6 juillet 2007 par le Conseil d'Etat, la Cour a annulé, à la requête de M.A..., l'arrêté du 11 octobre 2000, au motif qu'en l'absence d'une situation d'extrême urgence ou de l'impossibilité d'assurer le placement des animaux, le préfet n'avait pu légalement ordonner leur abattage et y procéder d'office ; que, par une réclamation préalable datée du 17 mars 2006, reçue le 20 mars 2006, M. A...a demandé au préfet du Puy-de-Dôme l'indemnisation du préjudice matériel et moral qu'il aurait subi pour un montant de 582 518,82 euros, résultant de l'illégalité de l'arrêté d'abattage du 11 octobre 2000 ; que M. A... a saisi le 5 juillet 2006 le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser à hauteur de cette somme ; que, par jugement du 30 avril 2008, le Tribunal a rejeté cette demande ; que, par une requête enregistrée le 3 juillet 2010, M. A...a demandé à la Cour l'annulation de ce jugement et la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 582 518,82 euros en réparation des préjudices subis ; que, par un arrêt du 8 avril 2010, la Cour a rejeté cette requête ; que, par la décision susvisée du 30 janvier 2013, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la Cour ; que, dans le dernier état de ses écritures d'appel, M. A...demande à ce que le montant de l'indemnisation soit portée à une somme comprise entre 839 034,82 euros et 939 484,82 euros ;
Sur les conclusions indemnitaires :
2. Considérant qu'en principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain ; que la responsabilité de l'administration ne saurait être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la victime s'est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l'administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté du 11 octobre 2000 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a ordonné l'abattage des sangliers présents dans un établissement d'élevage exploité par M. A...sans autorisation a été annulé par un arrêt du 15 décembre 2005 de la Cour de céans au motif que la destruction n'était pas justifiée ; que cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi rejeté par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 6 juillet 2007 ; que l'illégalité dont est entachée cet arrêté constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'administration ;
En ce qui concerne le préjudice correspondant au coût du cheptel :
4. Considérant que M. A...demande à être indemnisé du préjudice correspondant à la valeur du cheptel abattu ; que ce préjudice ne découle pas directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle se trouvait l'intéressé qui exploitait sans autorisation un élevage de sangliers et qui n'impliquait pas nécessairement l'élimination de ces animaux, mais est la conséquence directe et certaine de la décision illégale du préfet ordonnant leur abattage ; que, par suite, concernant ce chef de préjudice, la responsabilité de l'Etat, qui ne saurait être limitée en raison de la situation irrégulière dans laquelle se trouvait M.A..., est entièrement engagée du fait de l'illégalité fautive entachant la décision d'abattage ;
5. Considérant que ce préjudice était initialement estimé à un montant de 19 565 euros dans un tableau établi par l'expert comptable de M. A...auquel renvoyaient ses premières écritures de première instance comme d'appel, montant proche de celui proposé par l'Etat à partir de la valeur de référence devant les tribunaux établie par le conseil d'administration de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ; que le requérant l'évalue, dans le dernier état de ses écritures, à la somme de 29 500 euros ; que, alors que M. A... ne produit aucun élément précis concernant la composition du cheptel abattu, l'origine des sangliers et leur caryotype, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en évaluant cette perte de cheptel à la somme de 19 500 euros ;
En ce qui concerne les pertes d'exploitation :
6. Considérant que M. A...demande, dans le dernier état de ses écritures, à ce que la réparation du préjudice résultant des pertes d'exploitation liées à la destruction de ses animaux, compte tenu des portées qui pouvaient être escomptées, qu'il évaluait pour la période correspondant aux années 2001 à 2006 à la somme de 404 784 euros, soit fixée, compte tenu du préjudice continu subi après sa réclamation et le jugement contesté, à une somme comprise entre 631 800 euros et 725 400 euros ; que les pertes d'exploitation ne sont cependant pas en relation certaine avec l'abattage des animaux dès lors que l'administration pouvait légalement, à tout moment, suspendre ou ordonner la fermeture de l'exploitation conformément aux dispositions des articles R. 213-44 à R. 213-46 du code rural alors en vigueur et que ces pertes d'exploitation découlent ainsi directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle se trouvait le requérant ; que, par suite, l'Etat ne saurait être tenu de réparer ce dommage ;
En ce qui concerne les préjudices au titre des frais d'élimination des sangliers :
7. Considérant que M. A...demande la réparation du dommage correspondant aux frais d'élimination des sangliers qu'il a dû supporter ; que ce chef de préjudice ne découle pas directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle se trouvait l'intéressé, qui exploitait sans autorisation un élevage de sangliers, qui n'impliquait pas nécessairement l'élimination des animaux, mais est la conséquence directe et certaine de la décision illégale du préfet ordonnant leur abattage ; que, par suite, concernant ces frais d'enlèvement des animaux abattus, la responsabilité de l'Etat, qui ne saurait être limitée par la situation irrégulière dans laquelle se trouvait M.A..., est entièrement engagée du fait de l'illégalité fautive entachant la décision d'abattage ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, au titre des frais d'élimination des sangliers abattus, une somme de 804,69 euros, comprenant celle de 708,67 euros ayant fait l'objet d'un état exécutoire de l'office national de la chasse et de la faune sauvage et les frais des poursuites exercées par un huissier de justice, a été mise à la charge de M. A... ; qu'il ne résulte pas en revanche de l'instruction que les frais d'un montant de 270,33 euros relatifs à un constat d'huissier établi le 12 décembre 2000, près d'un mois et demi après, soient en relation directe et certaine avec l'élimination des animaux et leur abattage illégal, comme l'allègue le requérant ; que, de même, les frais d'expertise comptable s'élevant à la somme de 956,80 euros, qui se rapportent à une évaluation faite par un cabinet d'expertise comptable de ses pertes d'exploitation, ne sont pas, comme pour les pertes d'exploitation, en relation certaine avec l'abattage des animaux ; qu'enfin, concernant les frais de déplacement qu'il évalue à 703 euros pour 1 800 kilomètres parcourus correspondant à des trajets entre Clermont-Ferrand et Neuville et entre Lyon et Neuville, le requérant ne produit aucun élément justifiant de leur objet, comme au demeurant de leur réalité, et de ce qu'ils étaient liés à l'élimination des animaux et étaient la conséquence directe et certaine de leur abattage illégal ; que, compte tenu de ces éléments, il y a lieu de fixer à la somme de 804,69 euros l'indemnité due par l'Etat au titre de ce chef de préjudice ;
En ce qui concerne le préjudice moral :
9. Considérant que M. A...demande la réparation d'un préjudice moral correspondant à l'atteinte à sa réputation et à son honneur résultant de la publicité faite à l'opération d'abattage dans la presse et des poursuites diligentées à son encontre ; que, toutefois, les conséquences dommageables dont il se prévaut sont liées directement et exclusivement à la situation irrégulière dans laquelle il se trouvait, et non à la décision d'abattage des animaux illégalement prise par le préfet, qui n'a pu avoir pour effet, par elle-même, de porter atteinte à sa réputation ou à son honneur ; que, par suite, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée pour ce chef de préjudice ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à M. A...une somme de 20 304,69 euros en réparation du préjudice subi résultant de la décision illégale du préfet du Puy-de-Dôme ordonnant l'abattage des sangliers de son élevage ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. A...d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 30 avril 2008 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M.A... la somme de 20 304,69 euros.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2013 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 octobre 2013.
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N° 13LY00289