Vu la requête, enregistrée le 3 août 2012 au greffe de la Cour, présentée pour M. B...A..., domicilié ... ;
M. A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201103 du 23 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2011 du préfet du Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, ensemble la décision du 3 janvier 2012 du préfet du Rhône rejetant son recours gracieux ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, sous les mêmes conditions, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de son dossier ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
M. A...soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français ne comporte aucune motivation spécifique de celle refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- ses activités de commerce ambulant et maintenance informatique ont été mises en sommeil durant l'année 2011 en raison de graves problèmes de santé ;
- malgré le recours gracieux accompagné des pièces justificatives de son état de santé, le préfet n'a pas cru bon devoir réexaminer favorablement la situation de M. A...;
- il continue à payer les cotisations RSI et les loyers du centre d'affaires où est située sa société ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a commis une erreur de fait, une erreur de droit, une erreur manifeste d'appréciation et a violé l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- au regard de ses problèmes de santé, une carte de séjour temporaire " étranger malade " pourrait lui être proposée dès lors qu'en produisant des éléments médicaux, l'intéressé doit être considéré comme ayant demandé une carte de séjour en qualité de commerçant ou d'étranger malade ;
- il appartenait au préfet de saisir le médecin-inspecteur de la santé publique ;
- l'appréciation du Tribunal dans le cadre de la procédure de rétention n'a pas été prise en compte ;
- le jugement querellé méconnaît l'autorité de la chose jugée sur la réalité et la nécessité de soins pour M.A... ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2012, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Le préfet du Rhône soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire qui accompagne le refus de délivrance du titre de séjour ayant été prise en application du 3° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa motivation se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle et comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait tirées de la situation personnelle de l'intéressé ;
- au cours de la 1ère année d'existence de son activité commerciale, M. A...n'a produit aucun justificatif attestant de la réalité de son activité ;
- M. A...ne justifie d'aucune activité commerciale au cours du trimestre précédant ses problèmes de santé invoqués, ni cinq mois après son rétablissement et ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il se trouverait dans l'impossibilité d'exercer son activité professionnelle ;
- M. A...n'a pas déposé une demande de certificat de résidence en qualité d'étranger malade et n'a, au cours du recours gracieux exercé le 17 décembre 2011, sollicité que le réexamen de sa situation au regard de la décision contestée relative au refus de délivrance d'un titre de séjour " commerçant " ;
- l'intéressé a formulé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade le 4 juillet 2012 et le médecin de l'agence régionale de santé a estimé dans son avis rendu le 10 août 2012 que si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut en revanche bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont par elles-mêmes sans incidence sur l'appréciation par l'administration des justifications de la qualité de commerçant apportées par M.A... ;
- M. A...est célibataire, sans charge de famille et ne justifie d'aucune attache familiale en France où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans et où vivent ses parents et ses quatre frères ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 décembre 2012, présenté pour M. A...qui maintient ses conclusions précédentes par les mêmes moyens ;
M. A...fait valoir en outre que les articles 5 et 7 c) de l'accord franco-algérien, la circulaire du 29 octobre 2007 et le guide de l'agent d'accueil des ressortissants étrangers en préfecture excluent pour les ressortissants algériens la condition de vérification de la viabilité économique et des conditions de ressources ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du 26 juin 2012 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal de grande instance de Lyon accordant l'aide juridictionnelle totale à M. A...;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 2013 :
- le rapport de Mme Samson, rapporteur,
- et les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public ;
1. Considérant que M. A...relève appel du jugement du 23 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 17 novembre 2011 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence " commerçant ", lui a fait obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de destination, ensemble la décision du 3 janvier 2012 rejetant son recours gracieux ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
2. Considérant que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés ; qu'aux termes de l'article 5 dudit accord : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis " ; qu'aux termes du c) de l'article 7 du même accord : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant algérien, entré en France le 26 septembre 2008, a bénéficié d'un certificat de résidence portant la mention " étudiant " renouvelé jusqu'au 25 septembre 2010 puis a sollicité son changement de statut en qualité de commerçant ; qu'il a alors été mis en possession de récépissés de titres de séjour l'autorisant à exercer une activité professionnelle autre que salariée ; que par décisions du 17 novembre 2011, le préfet du Rhône a refusé de délivrer à M. A...le titre de séjour sollicité, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de destination au motif que durant la première année d'exploitation de son commerce, M. A...n'a fourni aucun document attestant de l'existence de son activité ;
4. Considérant que M. A...remplissait à la date de sa demande de titre de séjour comme à celle de la décision de refus qui lui a été opposée le 17 novembre 2011, les conditions d'obtention d'un certificat de résidence en qualité de commerçant dont il sollicitait la première délivrance dès lors que, titulaire d'un visa de long séjour, il justifiait de son inscription au registre du commerce et des sociétés, seules formalités auxquelles est soumise l'activité commerciale qu'il a déclaré exercer ; que, dès lors, en fondant sa décision sur le défaut d'existence de son activité commerciale sur une période d'une année, le préfet du Rhône a commis une erreur de droit et entaché ses décisions du 17 novembre 2011 et du 3 janvier 2012 d'illégalité ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre les décisions des 17 novembre 2011 et du 3 janvier 2012 du préfet du Rhône ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
7. Considérant que compte tenu des motifs de l'annulation des décisions du 17 novembre 2011 et alors qu'il n'est fait état d'aucune circonstance ni d'aucun autre motif qui s'y opposerait, il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " commerçant " à M. A...dans un délai maximum de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Mahdjoub, avocat de M. A...A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mahdjoub de la somme de 1 200 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1201103 du 23 mai 2012 du Tribunal administratif de Lyon et les décisions des 17 novembre 2011 et 3 janvier 2012 du préfet du Rhône sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " commerçant " à M. A... dans un délai maximum de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Mahdjoub, avocat de M.A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Lyon.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2013 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
Mme Samson, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2013.
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N° 12LY02081