Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 3 juin 2013 et régularisée le 7 juin 2013, présentée pour Mme B...C...néeA..., domiciliée ... ;
Mme C...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300837 du 16 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 8 janvier 2013, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée et que le préfet du Rhône a méconnu l'étendue de sa compétence en n'usant pas de son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel ; que le refus de séjour a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 13 septembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 4 octobre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2013 présenté par le préfet du Rhône qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme C...à lui verser la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la requête semble irrecevable dès lors qu'elle n'est pas accompagnée de la décision attaquée ;
- les moyens ne sont pas fondés ;
Vu l'ordonnance en date du 2 octobre 2013 reportant la clôture d'instruction au 21 octobre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu la décision du 18 juin 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme C...;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2013 le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
1. Considérant que Mme C..., ressortissante turque née en 1982, est entrée, selon ses déclarations, le 15 décembre 2010 sur le territoire français, afin d'y rejoindre son époux, titulaire d'une carte de résident ; qu'elle a présenté le 27 juillet 2012, une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par des décisions en date du 8 janvier 2013, le préfet du Rhône a refusé à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays dont elle a la nationalité, ou tout autre dans lequel elle serait légalement admissible, comme pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office ; que Mme C...relève appel du jugement du 16 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...). " et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
3. Considérant que la décision en litige, qui énonce les considérations de droit et les raisons de fait justifiant le rejet de la demande de titre de séjour de Mme C...présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 précité ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de la décision de refus de séjour contestée, notamment de ses motifs de fait relatifs à la situation familiale de la requérante, que le préfet du Rhône a procédé à un examen particulier de la situation de Mme C... et a envisagé la possibilité de régulariser sa situation pour en conclure qu'aucune mesure dérogatoire n'a paru justifiée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence en ne procédant pas à un examen particulier de la situation de Mme C...au regard notament de son pouvoir de régularisation doit être écarté ;
5. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'enfin, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
6. Considérant que Mme C...fait état de son mariage, le 2 octobre 2010 en Turquie, avec un compatriote titulaire d'une carte de résident, d'un emploi en France et de la naissance de leur enfant le 4 janvier 2012 ; qu'elle soutient en outre qu'elle est bien insérée en France, qu'elle s'occupe de l'enfant que son mari a eu d'un premier mariage et qui est à la charge de ce dernier, et qu'elle attend un enfant ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme C...est entrée en France dans des conditions indéterminées, que son mariage et son séjour en France sont relativement récents, qu'elle a vécu la majeure partie de sa vie, entre 6 et 28 ans, en Turquie, pays où elle n'est pas dépourvue d'attaches, l'intéressée ne contestant pas qu'un de ses parents et deux de ses frères et soeurs y résident ; que, par ailleurs, la circonstance, postérieure à la décision en litige, qu'elle est de nouveau enceinte est sans incidence sur la légalité de ce refus laquelle s'apprécie à la date à laquelle la décision a été prise ; que, par ailleurs, il ne ressort des pièces du dossier ni qu'en raison de ce refus la requérante serait dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale autour de son époux, de leur jeune fils et de l'enfant de son mari qui est également de nationalité turque, ni que cette décision impliquerait une séparation de la famille d'une durée excessive notamment d'avec son époux et de leur enfant, titulaire d'un document de circulation ; que, dans ces conditions, et nonobstant ses efforts d'intégration dans la société française et la bonne intégration professionnelle de son époux, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour le même motif, elle ne peut davantage invoquer une méconnaissance de l'intérêt supérieur de son jeune fils et de la fille de son mari, en raison de l'impossibilité pour ces derniers, du fait de cette décision, de résider auprès d'elle ; qu'en outre, compte tenu de ce qui précède, Mme C...ne justifie pas de l'existence de motifs exceptionnels d'admission au séjour au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, dans les circonstances de l'espèce, la décision de refus de titre n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de MmeC... ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du préfet du Rhône, du 8 janvier 2013 ; qu'ainsi, à la date de la décision d'éloignement contestée du même jour, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
9. Considérant que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas illégale, Mme C...n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le préfet, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens, dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, doivent être rejetées par voie de conséquence ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions du préfet du Rhône présentées sur le fondement de ces dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...et les conclusions du préfet du Rhône présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...née A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2013 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
MM. Segado etD..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 28 novembre 2013.
Le rapporteur,
J. Segado
Le président,
Ph. Seillet
Le greffier,
J. Billot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 13LY01375
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