Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 mai 2013 par télécopie régularisée le 13 mai suivant, présentée pour M. C...A..., domicilié ... ;
M. A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200311 du 5 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 octobre 2011 du maire de la commune de Pouilly-sur-Loire autorisant Mme E... F... à transférer au n° 65 rue Waldeck-Rousseau le débit de tabac exploité au n° 3 de cette rue, ensemble la décision du 8 décembre 2011 du préfet de la Nièvre rejetant le recours hiérarchique formé par le directeur régional des douanes et droits indirects de Bourgogne ;
2°) d'annuler les décisions du 14 octobre 2011 et du 8 décembre 2011 ;
3°) de condamner solidairement l'Etat et la commune de Pouilly-sur-Loire à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A...soutient que :
- le tribunal a, à tort, écarté par les mêmes motifs ses moyens distincts tirés de l'erreur de droit et du détournement de procédure ;
- le tribunal a à tort estimé que le litige serait relatif à un transfert de débit de tabac et non à un déplacement ;
- le tribunal a à tort mentionné que le débit de tabac serait déplacé au 65 de la rue Waldeck-Rousseau alors que le déplacement est prévu au 68 de la rue ;
- le déplacement autorisé par le maire va déséquilibrer le réseau local existant de vente au détail des tabacs puisque les deux établissements vont se trouver séparés par quelques dizaines de mètres seulement ;
- le motif tiré de la nécessité de conforter la licence IV de Mme F...est sans rapport avec la décision prise, tout comme le motif tiré du développement touristique de la ville ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 26 juin 2013, le mémoire en défense présenté par le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget ;
Il soutient que par courrier du 4 avril 2012 Mme F...a indiqué au directeur régional des douanes de Bourgogne qu'elle renonçait à bénéficier du déplacement intra-communal de son débit ; qu'à ce jour elle exerce toujours son activité au n° 3 de la rue Waldeck-Rousseau ; que les déplacements intercommunaux de débits de tabac ont lieu au sein de la même commune alors que les transferts s'effectuent en dehors de la commune ; que l'autorisation de déplacement est accordée par le maire après avis du directeur régional des douanes et droits indirects alors que les demandes de transferts relèvent de l'autorité de ce directeur régional ; que cet avis n'est pas contraignant et n'est pas susceptible de recours ;
Vu l'ordonnance, en date du 29 août 2013, fixant la clôture de l'instruction au 30 septembre 2013 ;
Vu, enregistré le 24 septembre 2013, le mémoire en défense présenté pour la commune de Pouilly-sur-Loire, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. A...à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune soutient que la décision du 14 octobre 2011 est privée d'effet puisque la cession du fonds de commerce M. et Mme F...n'a pas intervenue ; que celui-ci étant fermé depuis le 27 février 2012, le requérant s'est trouvé en situation de monopole ; que le Tribunal administratif a examiné le moyen tiré du prétendu détournement de pouvoir distinctement de celui tiré de l'erreur de droit et y a répondu de manière motivée ; que le maire n'a commis ni erreur de droit ni détournement de procédure ; que le Tribunal s'est prononcé au regard des textes relatifs au déplacement d'un débit de tabac et non au transfert ; que l'indication dans le point 3 du jugement attaqué que le transfert serait prévu au n° 68 constitue une simple erreur matérielle ; que les décisions attaquées ne sont entachées ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation ; que M. A... se fonde sur des données manifestement erronées ; qu'en effet la zone de chalandise ne s'arrête pas aux limites de la commune, de nombreux villages et hameaux autour de Pouilly-sur-Loire étant dépourvus de débit de tabac ; que cette zone s'étend en réalité à environ 7 000 personnes, hors tourisme ; que le déplacement autorisé ne modifie ni la consistance, ni la nature, ni l'équilibre du réseau existant ; que la commune ne possède qu'une seule rue commerçante où ont toujours été implantés les deux seuls bureaux de tabac de la commune ; que le maintien d'un second bureau de tabac ne peut être examiné sans tenir compte des besoins et des avantages résultant d'une politique touristique forte, notamment l'oenotourisme, cohérente avec le réseau des commerçants et des débits de tabac, y compris leurs activités annexes ; que les éléments produits par M. A...ne démontrent pas qu'une hypothétique perte sur la vente de tabac menacerait la pérennité de son commerce ; que selon ces données, son activité " tabac " ne représente que 10 % de son chiffre d'affaires global ; que le refus d'autoriser le déplacement constituerait une atteinte à l'équilibre du réseau local existant, en entraînant la fermeture définitive de ce point de vente et l'instauration d'un monopole de la vente de tabac au profit de M.A... ; que le déséquilibre du réseau serait renforcé par la disparition de tout point de vente de tabac le dimanche, ce qui obligerait les consommateurs à aller s'alimenter en tabac à plusieurs kilomètres de distance ; qu'un motif surabondant ou inopérant, tel le maintien d'une licence IV sur la commune, ne saurait constituer une erreur d'appréciation du maire, dès lors que sa décision se base sur d'autres motifs propres et suffisants à la fonder ; que l'observation, sur le maintien d'une licence IV, complète les motifs, clairement et distinctement énoncés de sa décision ;
Vu l'ordonnance, en date du 1er octobre 2013, portant réouverture de l'instruction jusqu'au 18 octobre 2013 ;
Vu, enregistré le 17 octobre 2013, le mémoire en réplique présenté pour M.A..., qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que s'il s'est trouvé en situation de monopole, c'est uniquement en raison du changement de projet de Mme F...; qu'en cas de rapprochement des deux bureaux de tabac, leurs zones de chalandise se superposeront alors que pour satisfaire le plus grand nombre de consommateurs il est important d'étendre ces zones afin d'organiser un maillage le plus important possible ; que, si la zone de chalandise est d'environ 7 000 personnes, il est dans l'intérêt des habitants des villages voisins de pouvoir se fournir en tabac dans le commerce le proche de chez eux, sans imposer à tous de se fournir dans une même zone ; que le débit de tabac étant déplacé au sein d'un bar exerçant de multiples activités, toute la clientèle de ce dernier se fournira en tabac sur place au lieu, comme actuellement, de se rendre dans son établissement ;
Vu l'ordonnance, en date du 17 octobre 2013, portant réouverture de l'instruction jusqu'au 4 novembre 2013 ;
Vu, enregistré le 18 octobre 2013, le mémoire en défense présenté par le préfet de la Nièvre qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la décision attaquée ne méconnaît pas les dispositions du décret du 28 juin 2010, notamment son article 9 et participe d'une politique nécessaire au développement du tourisme de la commune ; qu'il s'agit d'un déplacement intra-communal qui ne modifiera pas le nombre de débits de tabac ; qu'eu égard aux activités des commerces du requérant, de Mme F...et de M.B..., éventuel acquéreur du débit de tabac de Mme F..., la consistance, la nature et l'équilibre du réseau ne sont pas destinés à changer ; que, par ailleurs, il peut être estimé que la présence d'un seul bureau de tabac peut perturber la vie touristique de la commune qui en possédait deux ; que, d'autre part, la décision du maire est motivée par la volonté de maintenir un établissement titulaire d'une licence IV et de favoriser sa politique oenotouristique ; que, par courrier du 4 avril 2012, Mme F...a fait connaître notamment qu'elle avait repris son activité et renonçait à bénéficier du déplacement de son établissement au n° 65 de la rue Waldeck Rousseau ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ;
Vu le décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du dateaud :
- le rapport de M. Wyss ;
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;
1. Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 14 octobre 2011 du maire de Pouilly-sur-Loire autorisant le déplacement du débit de tabac exploité par Mme F...au n° 3 de la rue Waldeck-Rousseau vers n° 65 de la même rue où M. et Mme B...exploite un bar et, d'autre part, de la décision du 8 décembre 2011 par laquelle le préfet de la Nièvre a rejeté la demande du 4 novembre 2011 du directeur régional des douanes et droits indirects de Bourgogne tendant à ce que, dans le cadre de son pouvoir hiérarchique, il annule la décision du 14 octobre 2011 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M.A..., soutient que, si le jugement attaqué statue sur le moyen tiré de l'erreur de droit qui aurait entaché la décision du 14 octobre 2011, il aurait omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le maire aurait commis un détournement de procédure en prenant cette décision dans un but de développement du tourisme communal et de maintien d'une licence IV et non pas celui d'assurer un maillage suffisant de nature à satisfaire les besoins du public ; que, toutefois, après avoir cité les dispositions précitées des articles 9 et 13 du décret du 28 juin 2010, les premiers juges ont estimé que si le maire avait fondé sa décision en se fondant notamment sur des considérations qui n'étaient pas au nombre de celles prévues par la réglementation en vigueur, il aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur de tels motifs et a expressément rejeté le moyen tiré du détournement de procédure ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait, sur ce point, entaché d'omission à statuer et de défaut de motivation manque en fait et doit être rejeté ;
3. Considérant que si, en son point 3, le jugement attaqué mentionne que le déplacement autorisé s'effectuerait au n° 68 de la rue Waldeck-Rousseau, cette erreur purement matérielle est sans incidence sur la régularité du jugement ;
4. Considérant que le jugement attaqué cite les textes relatifs au déplacement intra-communal et est motivé par des considérations relatives à ce type de déplacement ; que, par suite, alors même que le terme " transfert " a été utilisé par les premiers juges, le moyen soulevé par M. A...selon lequel les premiers juges auraient commis une erreur de droit en considérant que le litige porte sur un transfert de débit de tabac alors qu'il s'agit d'un déplacement, doit être rejeté ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 568 du code général des impôts : " Le monopole de vente au détail est confié à l'administration qui l'exerce, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret, par l'intermédiaire de débitants désignés comme ses préposés et tenus à droit de licence (...) " ; qu'aux termes de l'article 70 de la loi du 12 mai 2009 susvisée : " Le déplacement, dans la même commune, d'un débit de tabac ordinaire permanent est autorisé par le maire, après avis du directeur régional des douanes et de l'organisation professionnelle représentative sur le plan national des débitants de tabac. " ; qu'aux termes de l'article 9 du décret du 28 juin 2010 relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés : " L'implantation d'un débit de tabac ne doit pas avoir pour effet de déséquilibrer le réseau local existant de vente au détail des tabacs. " et qu'aux termes de l'article 13 du même décret : " Un débit de tabac ordinaire permanent peut être déplacé à l'intérieur d'une même commune dans les conditions prévues à l'article 70 de la loi du 12 mai 2009 susvisée. Les dispositions des articles 9 et 11 s'appliquent aux déplacements intracommunaux (...)" ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le commerce exploité par M. et MmeF..., comprenant bar et débit de tabac, se situe actuellement à environ 320 mètres du commerce de tabac-presse-loto exploité par M.A..., dans la même rue ; que les décisions attaquées auront pour effet le déplacement du débit de tabac de M. et Mme F...dans le bar-loto-rapido-PMU et restauration rapide de M. et Mme B...et ainsi de rapprocher les deux débits de tabac, qui sont les seuls de la commune de Pouilly-sur-Loire, à environ 55 mètres l'un de l'autre ; que les éléments produits par M.A..., notamment des études réalisées par la confédération des buralistes et l'expert-comptable du requérant, ne permettent pas d'établir que, du fait du rapprochement des deux débits de tabac, la modification de leur zone de chalandise risquerait de mettre en péril l'exploitation du requérant et ainsi déséquilibrer le réseau local existant de vente de tabac au détail, compte tenu des conditions d'ouverture des deux commerces, de leurs activités respectives, de l'étendue de la zone de chalandise qui comprend plusieurs communes alentours dépourvues de débit de tabac et environ 7 000 habitants et de la circonstance que la rue Waldeck-Rousseau est la seule rue commerçante de la commune de Pouilly-sur-Loire ; que la circonstance que le maire ait également motivé sa décision par le souhait de conforter l'exploitation d'une licence IV ou le tourisme agro-oenologique, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges, l'autorité administrative aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur le motif tiré de l'absence de déséquilibre du réseau local de vente de tabac ;
7. Considérant que M. A... ne démontrant pas que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le déplacement du débit de tabac autorisé par la décision du 14 octobre 2011 aura pour effet de déséquilibrer le réseau local existant de vente de tabac au détail à Pouilly-sur-Loire, il n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées auraient été prises en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 9 du décret du 28 juin 2010 ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
Sur les conclusions présentées au titre des frais non compris dans les dépens :
9. Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune de Pouilly-sur-Loire, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions de condamner M. A...à verser à la commune de Pouilly-sur-Loire une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...A...est rejetée.
Article 2 : M. C...A...versera la somme de 1 500 euros à la commune de Pouilly-sur-Loire au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à la commune de Pouilly-sur-Loire, à Mme E...F..., au préfet de la Nièvre et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2014, où siégeaient :
- M. Wyss, président de chambre,
- M. Gazagnes, président-assesseur,
- M. D...G...,
Lu en audience publique, le 13 février 2014.
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N° 13LY01223