Vu l'ordonnance n° 373441 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué à la Cour administrative d'appel de Lyon le jugement de l'affaire n° 12MA01235 ;
Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour M. et Mme A...B..., domiciliés chemin des Agassins au Pontet (84130) ;
M. et Mme B...demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100462 du 27 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et condamner l'Etat aux dépens ;
Ils soutiennent :
- que la proposition de rectification du 7 novembre 2007 méconnaît les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et n'est pas motivée en droit en tant qu'elle ne précise pas le fondement légal du redressement ;
- que la condition de la règle dite " du double " pour mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales n'est pas remplie dès lors que l'ensemble des mouvements débiteurs et créditeurs du compte courant global d'associés ne pouvait être pris en compte dans le calcul, puisque M. B...n'est pas le bénéficiaire exclusif de ce compte ;
- que, sur le bien-fondé des impositions, M. B...n'est pas le bénéficiaire exclusif des sommes en cause dès lors qu'il n'était pas le titulaire exclusif du compte courant d'associés et qu'il n'a ainsi acquiescé qu'à trois virements financiers ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que les rectifications relatives aux crédits constatés sur le compte courant d'associés sont suffisamment motivées dans la mesure où le service a précisé la nature des rectifications envisagées, la catégorie de revenus à laquelle elles étaient rattachées, les montants en base desdites rectifications, les années concernées et l'ensemble des motifs de droit et de fait les justifiant ; en citant l'arrêt Boelcke du Conseil d'Etat, la proposition de rectification a suffisamment informé les requérants de ce que, conformément à cette jurisprudence, les sommes en cause étaient imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'en outre, les requérants ont été en mesure de formuler des observations dans leur réponse du 6 décembre 2007 ;
- que le vérificateur était en droit, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, de demander au co-titulaire d'un compte des justifications, au vu des indices sérieux permettant d'établir qu'il avait disposé de revenus plus importants que ceux déclarés ; qu'est sans incidence la circonstance que le compte courant d'associés ait été global dès lors que M. B...était l'un des co-associés ; qu'ainsi, la co-titularité d'un compte courant social permet de présumer de l'existence entre les co-titulaires d'une convention de compte joint ;
- que, sur le bien-fondé des impositions, les sommes portées au crédit du compte courant d'associés, dont l'origine et la nature étaient indéterminées, ont été imposées à bon droit dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'en sa qualité de gérant de la SARL Globals Construction, M. B...disposait des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de l'entreprise et détenait seul la signature sociale ; qu'en outre, il était co-titulaire du compte courant d'associés ; que, par suite, l'administration était fondée à imposer entre ses mains les sommes portées au crédit dudit compte ;
Vu l'ordonnance en date du 25 février 2014, fixant la clôture de l'instruction au 10 mars 2014 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2014 :
- le rapport de Mme Bourion, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;
1. Considérant que la société Globals Construction, qui exerce une activité de réalisation d'opérations de constructions et de travaux de bâtiment et dont M. A...B...est associé à 30 % et gérant majoritaire, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2003 au 31 mars 2006 ; que M. B...a, parallèlement, fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle pour les années 2004 et 2005 ; qu'à l'issue de ces contrôles, des rehaussements lui ont été notifiés par lettre du 7 novembre 2007 en matière d'impôt sur le revenu pour les années 2004 et 2005, d'une part dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, d'autre part dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du Tribunal administratif de Nîmes qui, en date du 27 janvier 2012, a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été ainsi assujettis pour les années 2004 et 2005 et des pénalités correspondantes ;
Sur la procédure :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ; que la motivation de la proposition de rectification, qui a pour objet de permettre au contribuable de comprendre les motifs des redressements et de présenter des objections pertinentes afin d'en obtenir, le cas échéant, l'abandon total ou partiel, doit indiquer les motifs du redressement par chef de redressement et les fondements du redressement afin de permettre au contribuable d'engager valablement une discussion avec l'administration ;
3. Considérant que, s'agissant des rectifications relatives aux crédits constatés sur le compte courant d'associés dans les comptes de la société Globals Construction, l'administration fiscale a précisé la nature des rectifications envisagées, la catégorie de revenus à laquelle elles étaient rattachées, les années concernées ainsi que les motifs de droit et de fait les justifiant ; qu'en outre, le vérificateur a rappelé aux contribuables qu'ils avaient été invités par lettre n° 2172 à justifier au moyen d'éléments probants l'origine, la nature et le montant des sommes inscrites au crédit du compte courant social dont M. B...avait eu la disposition ; que, par suite, alors même que l'administration n'a pas mentionné les articles du code général des impôts dont elle a fait application, lesquels étaient mentionnés dans le paragraphe précédent portant sur la requalification d'une partie des revenus d'origine indéterminée en revenus distribués provenant de la société, la proposition de rectification était suffisamment motivée pour permettre aux requérants de formuler utilement leurs observations ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés " ; que la différence constatée entre les sommes portées au crédit du compte courant global d'associés et des comptes bancaires personnels ouverts au nom d'"B..." d'une part, et les revenus bruts qu'il a déclarés d'autre part, dont l'importance doit justifier la mise en oeuvre de la procédure de demande de justifications, s'entend de celle que l'administration a constaté avant tout examen critique préalable à cette mise en oeuvre des crédits qu'elle a recensés, quelles que soient les premières justifications que les contribuables ont pu spontanément apporter postérieurement à l'engagement de la vérification et qui pouvaient être de nature à réduire le montant des crédits sur lesquels ils ont été effectivement interrogés ; qu'il résulte de l'instruction que la somme des crédits recensés par le vérificateur en dehors des virements de l'un à l'autre des comptes examinés s'élevait à un montant total de 89 912 euros en 2004 et de 42 365 euros en 2005, alors que M. B...avait déclaré des revenus bruts s'élevant, respectivement à 9 695 euros et 11 831 euros ; que si M. et Mme B...soutiennent que la procédure est irrégulière dès lors que l'ensemble des mouvements débiteurs et créditeurs du compte courant global d'associés ne pouvait être pris en compte puisque M. B...n'était pas le bénéficiaire exclusif de ce compte, il résulte de l'instruction que la somme des crédits figurant sur les seuls comptes bancaires s'élevait, en tout état de cause, à des montants de 33 362 euros en 2004 et 37 545 euros en 2005, soit plus du triple des revenus déclarés ; que c'est ainsi à bon droit que l'administration a pu demander des justifications aux requérants dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Considérant que les requérants ne contestent que les redressements afférents à la réintégration dans leur revenu imposable des sommes inscrites au crédit du compte courant global d'associés figurant dans la société Globals Construction, au titre de revenus distribués ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) " ; que les sommes réintégrées par l'administration dans le résultat imposable d'une société ayant fait l'objet d'un redressement ne peuvent être regardées comme des revenus distribués au sens de ces dispositions que dans la mesure où elles ont été effectivement appréhendées par leur bénéficiaire ; qu'il appartient à l'administration, lorsque le contribuable a refusé les redressements qui lui ont été notifiés, de justifier de l'existence et du montant des revenus réputés distribués, ainsi que de leur appréhension ;
7. Considérant que l'administration a regardé comme des revenus distribués les sommes d'un montant total de 77 113 euros et de 14 478 euros inscrites au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom d'"B..." dans la société Globals Construction, au titre des années 2004 et 2005 ; que, pour contester les redressements ainsi mis à sa charge, M. B... fait valoir qu'il n'a acquiescé qu'à trois prélèvements en date des 6 janvier 2004, 28 juin 2004 et 9 juillet 2004, pour un montant total de 4 500 euros, et qu'il n'a pas eu la disposition des autres sommes qui figurent au crédit de ce compte courant global d'associés qui intègreraient l'ensemble des mouvements débiteurs et créditeurs intéressant les associés de la société et qui auraient été inscrites en compensation de règlements effectués par lesdits associés pour le compte de la SARL Globals Construction ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que M.B..., en sa qualité de gérant associé à hauteur de 30 % de la SARL Globals Construction, était investi des pouvoirs les plus étendus en toutes circonstances au nom de la société et était seul à détenir la signature sociale ; qu'il s'est ainsi comporté en maître de l'affaire ; que M.B..., qui ne conteste pas qu'il disposait seul de la signature sociale, n'apporte de son côté aucun élément de nature à établir que les autres associés co-titulaires du compte-courant global d'associés auraient appréhendé les revenus inscrits au crédit dudit compte courant ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qu'il a lui-même appréhendé les crédits figurant sur ce compte courant d'associé dans la société Globals Construction et que c'est à bon droit qu'il a été imposé sur ces sommes en tant que revenus distribués par cette société ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté la totalité de sa demande ;
Sur les dépens :
9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;
10. Considérant que la présente instance ne comporte pas de dépens autres que le droit de timbre ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser cette contribution à la charge de M. et Mme B...;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est ni la partie tenue aux dépens ni la partie perdante dans la présente instance ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2014 à laquelle siégeaient :
M. Montsec, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Bourion, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 avril 2014.
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N° 12LY21235
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