Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2013 au greffe de la Cour, présentée pour M. A... B..., domicilié ... ;
M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1208154 du 14 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2012 du préfet du Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
M. B...soutient que :
- le préfet a entaché sa décision portant refus de titre de séjour d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'accord franco-tunisien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation dès lors qu'il est marié avec une ressortissante française dont il attend un enfant ;
- le préfet a commis une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et de l'article L. 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision litigieuse a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par exception de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par exception de l'illégalité des décisions lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 août 2013, présenté par le préfet du Rhône qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B...d'une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le préfet du Rhône soutient que :
- contrairement à ce que soutient le requérant, il a été procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle, la décision litigieuse comportant les considérations de droit et de fait détaillées qui la fondent ;
- M.B..., qui a demandé un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française et en produisant une promesse d'embauche, sans se prévaloir de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels d'admission au séjour, ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le requérant n'est pas fondé à se prévaloir des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien dès lors qu'il est entré irrégulièrement en France sans être muni d'un visa et ne justifie d'aucun contrat de travail visé par les autorités compétentes ;
- la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à un étranger marié avec un ressortissant français est subordonnée aux conditions énoncées par les dispositions combinées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 311-7 du même code qui exigent notamment la production par l'étranger d'un visa d'une durée supérieure à trois mois ;
- M. B...n'est pas fondé à se prévaloir de la méconnaissance par l'autorité administrative des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'à la date de la décision contestée, l'intéressé ne justifiait que d'une durée de mariage de quatre mois et ne justifie d'aucune communauté de vie antérieure, qu'il ne s'est pas prévalu, durant l'instruction de sa demande, de l'état de grossesse de son épouse, au demeurant postérieure à l'arrêté contesté, que la circonstance qu'il se serait constitué un groupe d'amis en France, nullement établie, ne saurait caractériser l'existence d'une atteinte disproportionnée au sens desdites stipulations, que l'intéressé justifiait, à la date de la décision contestée, d'une présence en France inférieure à deux ans alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans et où résident ses parents, ses deux soeurs et ses trois frères ;
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent utilement être invoquées dans le cas d'un enfant à naître ;
Vu la décision du 7 mai 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 avril 2014 :
- le rapport de Mme Samson, président-assesseur ;
Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement ;
1. Considérant que M.B..., ressortissant de nationalité tunisienne, né le 10 mai 1985, entré irrégulièrement en France le 8 janvier 2011, a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 28 juin 2011 ; qu'après s'être marié le 22 juin 2012 avec une ressortissante française, il a sollicité un titre de séjour en se prévalant de sa vie privée et familiale ainsi que d'une promesse d'embauche ; qu'il relève appel du jugement du 14 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2012 du préfet du Rhône lui refusant un droit au séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination en cas de renvoi ;
Sur le refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié". / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans. / Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1er du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit. " ;
3. Considérant qu'il est constant que M. B...ne bénéficiait pas d'un visa de long séjour, l'intéressé étant entré irrégulièrement en France et n'a jamais été titulaire d'un premier titre de séjour ; que, par suite, le préfet du Rhône a pu légalement refuser la délivrance d'un titre de séjour " mention salarié " en se fondant sur les motifs tirés de ce que M. B...n'était titulaire ni d'un visa de long séjour, ni d'un contrat visé favorablement par les autorités compétentes ;
4. Considérant que bien que l'accord franco-tunisien ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance ; qu'il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Rhône, qui a procédé à un examen particulier de la situation de M.B..., n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer, à titre dérogatoire, un titre de séjour en qualité de salarié ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " ;
7. Considérant que M. B...ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français ; que, par suite, le préfet du Rhône était fondé à lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité de conjoint d'une ressortissante française ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
9. Considérant que si M.B..., qui avait fait l'objet le 28 juin 2011, d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, se prévaut d'une vie privée et familiale stable en France où il a épousé une ressortissante française le 22 juin 2012, il ne le démontre pas alors que la durée de son séjour sur le territoire est inférieure à deux ans ; qu'il n'établit pas être isolé en Tunisie où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans et où résident ses parents, deux soeurs et trois frères ; que l'intéressé a la possibilité de revenir séjourner en France en sollicitant un visa long séjour auprès des autorités consulaires françaises ; que, dans ces conditions, eu égard notamment au caractère très récent de son mariage, la décision contestée du 14 novembre 2012 du préfet du Rhône n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de ses motifs et n'a pas, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ;
11. Considérant qu'au regard de ce qui précède M. B...ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions combinées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L. 313-11 du même code ; que, par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;
12. Considérant que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne pouvant être utilement invoquées dans le cas d'un enfant à naître à l'appui de conclusions dirigées contre un refus de titre de séjour, la circonstance qu'à la date de la décision contestée l'épouse de M. B...attende un enfant est sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour litigieux ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
14. Considérant que, pour les motifs exposés ci-dessus, les moyens tirés de ce que la décision obligeant M. B...à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
15. Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être exposé, M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions lui refusant le séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse au conseil de M. B...une somme au titre des frais non compris dans les dépens ; que si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge le bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services et doit faire état précisément des frais qu'elle aurait exposés pour défendre à l'instance ; que le préfet du Rhône ne faisant état d'aucun frais précis, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au remboursement de ses frais d'instance non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet du Rhône présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Tarek B...et au ministre l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de du Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 avril 2014 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Samson, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 mai 2014.
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N° 13LY01023