Vu la requête présentée le 4 juin 2013 pour M. D...C..., domicilié ... et la SARL Atelier d'Architecture Thierry C...dont le siège est situé à la même adresse ;
M. C...et la SARL Atelier d'Architecture Thierry C...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102109 du Tribunal administratif de Dijon du 2 avril 2013 ;
2°) de condamner la ville de Chalon-sur-Saône à verser d'une part à la SARL Atelier d'Architecture Thierry C...(AATB) la somme de 29 732 euros valeur 2003 à actualiser en valeur 2011, la somme de 5 000 euros au titre du préjudice commercial et d'autre part à M. D... C...la somme de 30 000 euros au titre de ses intérêts patrimoniaux ;
3°) d'enjoindre à la ville de Chalon-sur-Saône d'apposer sur chaque objet signalétique une mention faisant apparaitre la qualité d'auteur de MonsieurC... ;
4°) de condamner la ville de Chalon-sur-Saône à lui verser la somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- la juridiction administrative est bien compétente dès lors que leur action est fondée sur une méconnaissance de leur droit d'auteur, relevant des dispositions du titre I du code de la propriété intellectuelle, et non d'une atteinte aux droits attachés aux dessins et modèles, qui relèvent du titre V du même code ;
- leur action n'est pas prescrite ;
- la ville de Chalon-sur-Saône a mis en place des obélisques, pupitres sur pied et plaque murales bas-relief en méconnaissance de ses droits d'auteur et, pour les deux premiers, de ses droits tirés de leur dépôt à l'Institut national de la propriété industrielle ;
- la ville avait une parfaite connaissance des droits de M. C...qui avait présenté lui-même ses esquisses lors de deux réunions et dont le nom figurait sur les documents établis à ces occasions ;
- ce n'est que postérieurement à ces interventions qu'une convention a été passée entre la ville et la société C Capital ;
- cette convention n'a pu entraîner aucune cession implicite de ses droits à la ville puisque la société C Capital ne détenait aucun droit sur ses oeuvres ;
- la société AATB a droit à l'indemnisation de son manque à gagner et de son préjudice commercial et M. C...à l'indemnisation de l'atteinte à ses droits patrimoniaux ;
Vu, enregistré le 3 juillet 2007, le mémoire en défense présenté pour la commune de Chalon-sur-Saône qui conclut au rejet de la requête de M. D...C...et de la SARL Atelier d'Architecture ThierryC..., et à leur condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente pour se prononcer sur le présent litige portant sur une action en contrefaçon de dessins et modèles enregistrés à l'INPI, M. C...indiquant lui-même qu'il a souhaité protéger les dessins et modèles réalisés pour la société C Capital ;
- elle le serait également si les requérants avaient entendu se placer sur le terrain de la violation de leurs droits d'auteur, compte tenu de la rédaction identique des articles L. 331-1 et L. 521-3-1 du code de la propriété intellectuelle ;
- l'action civile en contrefaçon, qui se prescrit en trois ans, est prescrite depuis le 22 juin 2010, les travaux ayant été réceptionnés le 22 juin 2007 ;
- eu égard à l'objet du contrat passé avec la société C Capital, elle avait tout lieu de croire qu'une cession implicite de droits était intervenue à son bénéfice de sorte qu'elle n'a commis aucune faute ;
- elle ignorait tout des liens qui pouvaient exister entre M. C...ou la société AATB et la société C Capital ;
- les préjudices allégués ne sont pas établis ;
- la signalétique litigieuse a été retirée entre mai 2010 et octobre 2011 ;
Vu l'ordonnance du 19 mars 2004 fixant la clôture de l'instruction au 7 avril 2014 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2014 :
- le rapport de M. Gazagnes, rapporteur ;
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;
- les observations de Me Thirypour la commune de Chalon-sur-Saône ;
1. Considérant que par un marché passé sans formalité préalable en date du 2 février 2004, la commune de Chalon-sur-Saône a confié à la société C Capital une mission d'étude de la signalétique commerciale et patrimoniale de qualité sur un périmètre défini, après la réunion d'un comité de pilotage qui s'est réuni le 16 juin 2003, pour un coût de 26 435,19 euros TTC, avec quatre phases incluant un paiement à chaque fin de phase (contenus, repérage, concept d'harmonisation et création de la charte graphique et enfin, définition d'un objet, préconisation d'habillage) ; que pour cette dernière phase, la société C Capital s'est adjointe les services de M. D...C..., architecte-designer, pour qu'il dessine et mette au point quatre supports urbains (obélisques, pupitres sur pieds, plaques murales avec ou sans bas-reliefs) ;
2. Considérant que, dans le courant de l'année 2006, la commune de Chalon-sur-Saône a signé un marché avec une autre entreprise, Polymobil pour la réalisation des obélisques, des pupitres sur pieds et des plaques murales, à partir des dessins et modèles réalisés par M.C... ; que, saisi par M.C..., le Tribunal administratif de Dijon, après avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence de la juridiction administrative soulevée par la commune de Chalon-sur-Saône, a reconnu la faute de celle-ci, du fait de la protection industrielle due, mais l'a exonérée totalement, d'une part, du fait du comportement de la société C Capital, qui ne lui a jamais précisé l'existence des droits de M.C..., ce qui avait conduit la commune, de bonne foi, à croire ainsi à la cession implicite des dessins et plans en rémunérant les études de C Capital et, d'autre part, du fait également du comportement même de M. C..., son nom n'apparaissant sur aucun des dessins et modèles, et ne s'étant pas présenté lui-même lors de la présentation de ces dessins et modèles au cours d'une réunion de présentation ; que M. C...et la SARL Atelier d'Architecture Thierry C...relèvent appel de ce jugement par lequel le Tribunal administratif de Dijon a, pour ces motifs, rejeté leurs demandes indemnitaires ;
3. Considérant que, si la responsabilité qui peut incomber à l'Etat ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est en principe soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative, il résulte de l'article L. 331-1 du code du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mai 2011, selon lequel : " Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire " et de l'article L. 521-3-1 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi, selon lequel : " Les actions civiles et les demandes relatives aux dessins et modèles, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire. ", que le législateur a entendu, par dérogation aux principes gouvernant la responsabilité des personnes publiques, faire relever de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire la recherche de la responsabilité des personnes morales de droit public en raison d'une atteinte aux droits de propriété littéraire ou artistique ou en contrefaçon de dessins et modèles qui leur serait imputée ; que, par suite, la mise en jeu de la responsabilité de la commune de Chalon-sur-Saône en raison des fautes qu'elle aurait commises en installant, dans son centre-ville, des obélisques, des pupitres sur pieds ou des plaques murales avec ou sans bas relief en méconnaissance des droits que M. D...C...détiendrait sur ces éléments de mobilier urbain, relève de la compétence de la juridiction judiciaire ; que dès lors la commune de Chalon-sur-Saône est fondée à prétendre que c'est à tort que le Tribunal administratif de Dijon s'est prononcé au fond sur la demande présentée le 13 septembre 2011 par M. C...et la société Atelier d'Architecture ThierryC... ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et, statuant par voie d'évocation, de rejeter la dite demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
4. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Chalon-sur-Saône, qui n'est pas la partie perdante, verse une somme quelconque à M. C...et de la SARL Atelier d'Architecture ThierryC... ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. C...et la SARL Atelier d'Architecture Thierry C...à verser à la commune de Chalon-sur-Saône la somme qu'elle réclame en application de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 2 avril 2013 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D...C...et la SARL Atelier d'Architecture Thierry C...devant le Tribunal administratif de Dijon est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties devant la Cour est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M.C..., à la SARL Atelier d'Architecture Thierry C...et à la commune de Chalon-sur-Saône.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2014, où siégeaient :
- M. Wyss, président,
- M. Gazagnes et M. B...E..., présidents-assesseurs.
Lu en audience publique, le 22 mai 2014.
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N° 13LY01409 2