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03/06/2014 | FRANCE | N°12LY24560

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 03 juin 2014, 12LY24560


Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2012, présentée pour la société Via Domitia, dont le siège est au 671 ZAC Croix de Tallet à Le Thor (84250) ;

La société Via Domitia demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002984 du 21 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune du Thor à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison des documents d'urbanisme contradictoires qui lui ont été délivrés pour un terrain bâti, cadastré section AE, sous le n° 68, d'un

e contenance de 1 210 m² ;

2°) de condamner la commune du Thor à lui verser une ind...

Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2012, présentée pour la société Via Domitia, dont le siège est au 671 ZAC Croix de Tallet à Le Thor (84250) ;

La société Via Domitia demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002984 du 21 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune du Thor à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison des documents d'urbanisme contradictoires qui lui ont été délivrés pour un terrain bâti, cadastré section AE, sous le n° 68, d'une contenance de 1 210 m² ;

2°) de condamner la commune du Thor à lui verser une indemnité de 300 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Thor une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

Elle soutient que dans les documents remis au géomètre expert, il n'y avait aucune servitude d'alignement ; que le premier certificat d'urbanisme remonte à 2006 ; qu'une note d'urbanisme a été établie en 2009 à la suite de l'annulation du compromis de vente, qui ne précise aucune marge de recul " rue Emile Zola " ; que personne n'a jamais évoqué la nécessité d'une marge de recul ; que la marge de recul de 25 m le long du cours Emile Zola signifiée en 2009 faisait obstacle à la réalisation de son projet ; qu'il n'y a eu aucune imprudence de la société ; que le document graphique du plan d'occupation des sols ne comportait aucune indication claire portant sur la marge de recul ; que le refus tardif tel qu'il ressort des certificats d'urbanisme du 9 juillet 2009 engage la responsabilité de la commune ; que la mise en place d'une règle de recul de 5 m montre le caractère abusif de la situation antérieure ; qu'elle a exposé en pure perte des agios en raison d'un découvert bancaire important ; qu'elle n'a pu vendre les parcelles AE 420 et AE 421 qui ont perdu de leur valeur ; qu'elle est totalement dévalorisée ; que l'évolution du marché, malgré la modification de la marge de recul ramenée à 5 m, n'est pas favorable depuis 2006 ; que les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme sont inopposables ; que le géomètre expert a travaillé sur la base de documents fournis par la commune, cette dernière étant seule responsable ; que la servitude de retrait entraîne l'inconstructibilité des parcelles ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2013, présenté pour la commune du Thor qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Via Domitia ;

Elle expose que les règles d'implantation des constructions par rapport aux voies ou emprises publiques peuvent ne figurer que dans les documents graphiques, comme le rappellent les articles R. 123-9 et R. 123-11 du code de l'urbanisme et UB 6 du plan d'occupation des sols ; que la marge figurant au plan était parfaitement visible, son existence ne pouvant échapper à un géomètre expert ; que cette marge de recul affecte tout autant le cours Victor Hugo que le cours Emile Zola ; que cette servitude préexistait au projet en litige ; que le certificat d'urbanisme délivré en juillet 2009 répond à la demande d'information faite en ce sens ; que jamais la commune n'a donné d'assurance à la société sur la totale faisabilité de son projet ; la note de renseignement d'urbanisme du 14 septembre 2006 établie par le géomètre expert et le courrier de l'adjoint à l'urbanisme du 11 octobre 2006 ne permettent pas d'admettre qu'un renseignement erroné aurait été délivré par la commune ; que la note de renseignement d'urbanisme du géomètre expert, seule jointe à l'acte d'acquisition, n'engage que la seule responsabilité de son auteur ; que le courrier de l'adjoint à l'urbanisme s'est borné à signifier un accord de principe, précisant qu'il ne valait pas autorisation d'urbanisme ; que deux mois avant la vente la commune avait délivré à l'auteur de la requérante deux certificats d'urbanisme en date du 18 avril 2007 mentionnant la marge de recul de 25 m, mais qui n'ont pas été joints à l'acte de vente ; que le vendeur comme le notaire sont seuls responsables de la situation de l'intéressée ; que la délivrance d'un certificat d'urbanisme opérationnel aurait du être demandée avant la vente ; qu'en ne le faisant pas, la société requérante a commis une imprudence ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 juin 2013, présenté pour la société Via Domitia qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, soutenant en outre que le plan graphique n'était pas clairement désigné par le plan d'occupation des sols et inopposable ; qu'elle ne s'est engagée qu'après argumentaire précis de la commune ; que le certificat d'urbanisme du 18 avril 2007 a été obtenu pour la société requérante et mentionnait une marge de recul par rapport à l'avenue Victor Hugo et non la rue Emile Zola ; que le changement de marge de recul survenu en 2010 n'est pas le fruit du seul hasard ;

Vu l'ordonnance en date du 20 janvier 2014 fixant la clôture d'instruction au 19 février 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête à la Cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2014 :

- le rapport de M. Picard, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Via Domitia relève appel du jugement du 21 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande de condamnation pour faute de la commune du Thor à réparer le préjudice résultant pour elle de l'impossibilité de réaliser un projet immobilier du fait de l'existence d'une servitude de recul profonde de 25 m sur un terrain cadastré AE n° 68, dont elle a acquis la propriété par un acte authentique en date du 3 juillet 2007 ;

2. Considérant en premier lieu que la société requérante soutient que la commune du Thor l'aurait induite en erreur sur la constructibilité de son terrain ; que si l'acte d'acquisition de ce terrain, situé au n° 121 du cours Victor Hugo, à l'angle de la rue Naquet, ne mentionnait rien à cet égard, comportant seulement en annexe une note de renseignements du 14 septembre 2006 qui émanait du cabinet de géomètre Rémy Gondouin, laquelle indiquait, au titre des servitudes d'urbanisme particulières, l'existence d'une " zone de bruit située dans la bande des nuisances créées par la proximité d'une voie de circulation à fort trafic " mais sans jamais faire état d'une servitude de reculement, ajoutant que cette note était établie " sous la seule responsabilité du signataire " et ne saurait " engager la responsabilité de l'administration ", il résulte de l'instruction que, par deux certificats d'urbanisme, datés du 18 avril 2007, le maire du Thor avait clairement informé la SCP Arnal Pitrat, cabinet de géomètres experts précisément mandaté par la société requérante, qu'une " marge de recul de 25 m par rapport à l'axe de l'avenue (le cours) Victor Hugo est à respecter pour l'implantation de la construction " ; que, dans un certificat d'urbanisme du 9 juillet 2009 délivré à la société Via Domitia, le maire du Thor a réitéré cette information ; que le courrier du 11 octobre 2006 par lequel le maire avait manifesté son " avis favorable de principe " à l'esquisse présentée pour la réalisation d'un ensemble immobilier de 6 logements sur le terrain en cause, mais indiqué que ce courrier ne valait pas autorisation de construire, ne saurait être regardé comme constituant un engagement ferme de la commune sur la constructibilité de ce terrain, d'autant qu'aucune information n'est fournie sur l'implantation exacte de l'opération alors envisagée et que, par ailleurs, l'existence d'une servitude de reculement a été justement rappelée par les certificats d'urbanisme ultérieurs des 18 avril 2007, antérieurs à l'achat du terrain ; que, dans ces conditions, et même si la marge de recul de 25 m a été ramenée à 5 m à la faveur d'une modification du plan d'urbanisme en date du 25 novembre 2011, la société Via Domitia n'est pas fondée à soutenir que la commune du Thor aurait commis une faute tenant à la divulgation d'informations erronées sur la constructibilité du terrain en litige ;

3. Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut comprendre tout ou partie des règles suivantes : (...) 6° L'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques ; 7° L'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives ; (...) Les règles mentionnées aux 6° et 7° relatives à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques et par rapport aux limites séparatives, qui ne sont pas fixées dans le règlement, doivent figurer dans les documents graphiques. " ; que selon l'article UB 6 du règlement du plan d'occupation des sols intitulé " implantation des constructions par rapport aux voies publiques et privées et emprises publiques ": " 1- A défaut d'indication figurant au plan (...), les constructions doivent être édifiées à l'alignement des voies publiques existantes, prévues, modifiées ou a créer, ou à la limite de la marge de recul qui s'y substitue (...) " ; qu'il en résulte que les règles d'implantation par rapport aux voies publiques en particulier peuvent ne figurer que dans les documents graphiques du plan d'urbanisme ; qu'il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du plan de la zone UB, que la propriété de la société Via Domitia était, lors de son acquisition, incluse en partie dans la marge de recul de 25 m bordant les cours Victor Hugo et Emile Zola, matérialisée au plan par une ligne de tirets clairement identifiable ; qu'il s'ensuit que la société requérante ne saurait soutenir que cette servitude, du seul fait qu'elle était seulement mentionnée dans les documents graphiques du plan d'urbanisme, était inopposable et que, en s'en prévalant, la commune du Thor aurait commis une faute ;

4. Considérant que, compte tenu des développements ci-dessus, la société Via Domitia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

5. Considérant que la contribution pour l'aide juridique que la société Via Domitia a acquittée doit être laissée à sa charge ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la société Via Domitia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de la société Via Domitia le paiement à la commune du Thor d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Via Domitia est rejetée.

Article 2 : La société Via Domitia versera à la commune du Thor une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Via Domitia et à la commune du Thor.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2014, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juin 2014.

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N° 12LY24560

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY24560
Date de la décision : 03/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Faits n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP COUDURIER et CHAMSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-06-03;12ly24560 ?
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