Vu la requête, enregistrée à la Cour le 21 juin 2013, présentée pour Mme B...A..., veuveC..., domiciliée... ;
Mme A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300334 du 21 mai 2013, par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Puy-de-Dôme, du 28 janvier 2013, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
elle soutient que :
- en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Puy-de-Dôme a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors que le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas respecté le principe du contradictoire tel qu'il résulte de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 30 août 2013 et régularisé le 4 septembre 2013, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme, qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir que Mme A... n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais en qualité de parent d'enfant français ; qu'elle ne remplit pas les conditions de 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'était pas tenu de respecter le principe du contradictoire avant de lui faire obligation de quitter le territoire français ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré à la Cour le 7 octobre 2013, présenté pour Mme A..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête ;
elle soutient qu'elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle avait l'intention de résider en France ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 16 décembre 2013, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ; il fait, en outre, valoir qu'il ressort notamment des démarches effectuées par Mme A...au consulat qu'elle n'a jamais eu l'intention de s'établir durablement en France ;
Vu le mémoire en réponse, enregistré à la Cour le 10 janvier 2014, présenté pour Mme A... qui conclut aux mêmes fins que précédemment ; elle fait observer qu'à supposer qu'elle n'ait pas présenté une demande sur le fondement de l'article L. 313-11-7°, sa situation pouvait faire l'objet d'une régularisation ;
Vu la décision du 4 juillet 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section cour administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à MmeA... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2014 :
- le rapport de M. Martin, président ;
- et les observations de MeD..., représentant Mme A...;
Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il est constant que Mme A..., de nationalité marocaine, est entrée en France le 22 octobre 2012 sous couvert d'un visa de court séjour de type " C ", permettant des entrées multiples et une durée de séjour de 90 jours, portant la mention " ascendant non à charge ", valable du 3 octobre 2012 au 2 octobre 2014, délivré par le consul général de France à Casablanca le 3 octobre 2012 ; que si la requérante a sollicité du préfet du Puy-de-Dôme la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, comme elle l'a indiqué sur le formulaire de demande qu'elle a présenté à l'appui de sa demande, par le dépôt d'un dossier le 11 décembre 2012, elle peut utilement se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet du Puy-de-Dôme a mentionné dans la décision en litige que Mme A... " n'entrait dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. " ;
3. Considérant que Mme A... se prévaut de la présence en France de trois de ses enfants dont deux ont acquis la nationalité française, et de trois petits-enfants qui ont également tous trois la nationalité française, avec lesquels elle entretient des liens importants, de sa qualité de veuve au Maroc où elle n'aurait plus d'attaches dès lors que ses deux filles ne résideraient plus dans ce pays, l'une d'entre elles demeurant aux Etats-Unis d'Amérique avec son époux qui est attaché financier au consulat général du Royaume du Marocà New-York, et l'autre au Canada avec son époux ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces versées au dossier que Mme A... serait isolée au Maroc où, hormis quelques séjours en France pour accompagner son époux souffrant et rendre visite à ses enfants, elle a passé l'essentiel de son existence et s'y est maintenue après le décès de son époux survenu en avril 2007 ; que si Mme A... soutient être prise en charge financièrement par ses trois enfants vivant en France et produit copie de huit versements effectués à son profit par son fils Marouane, entre août 2010 et mai 2012, il ressort des pièces du dossier que Mme A... bénéficie de la pension de réversion de son époux ainsi que de liquidités importantes sur deux comptes bancaires et qu'elle a effectué, après le décès de son époux, depuis son propre compte au Crédit du Maroc, des transferts mensuels d'un montant de 622 euros relatifs aux frais de séjour de son fils Marouane, étudiant en France, au titre des années scolaires 2007-2008, 2008-2009, 2009-2010 et 2010-2011, et qu'au demeurant, comme il a été dit précédemment, Mme A... a sollicité et obtenu un visa portant la mention " ascendant non à charge " ; qu'ainsi, à la date de la décision contestée, Mme A... qui résidait en France depuis moins de quatre mois, ne saurait être regardée comme justifiant d'une intégration qui résulterait de la seule présence sur le territoire national de trois de ses enfants alors, d'ailleurs, que rien ne fait obstacle à ce qu'elle puisse, le cas échéant, revenir ponctuellement en France pour leur rendre visite ; que dans ces conditions, et eu égard notamment à la brève durée de séjour en France de la requérante, la décision de refus de délivrance du titre de séjour ne porte pas au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle ne méconnaît donc pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...). " ;
5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 28 janvier 2013 ; qu'ainsi, à cette date, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
6. Considérant, d'autre part, que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressée, ni même d'inviter cette dernière à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, elle soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;
7. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien en France, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement, d'autant que, selon l'article R 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger auquel est refusé la délivrance d'un titre de séjour est, en principe, tenu de quitter le territoire national ; qu'à cette occasion, il est appelé à préciser les motifs qui, selon lui, sont susceptibles de justifier que lui soit accordé un droit au séjour en France, et donc à faire obstacle à ce qu'il soit tenu de quitter le territoire français ; qu'il doit produire, à l'appui de sa demande, tous éléments susceptibles de venir à son soutien ; qu'il lui est également possible, lors du dépôt de cette demande, lequel doit, en principe, faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter toutes les précisions qu'il juge utiles à l'agent de préfecture chargé d'enregistrer sa demande, voire de s'informer des conséquences d'un éventuel refus opposé à sa demande ; qu'enfin, il lui est loisible, tant que sa demande est en cours d'instruction, de faire valoir des observations écrites complémentaires, au besoin en faisant état de nouveaux éléments, ou de solliciter, auprès de l'autorité préfectorale, un entretien afin d'apporter oralement les précisions et compléments qu'il juge utiles ; qu'ainsi, la seule circonstance que le préfet qui refuse la délivrance ou le renouvellement du titre sollicité par l'étranger en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'ait pas, préalablement à l'édiction de cette mesure d'éloignement, et de sa propre initiative, expressément informé l'étranger qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, alors que l'intéressé, qui ne pouvait pas l'ignorer, n'a pas été privé de la possibilité de s'informer plus avant à ce sujet auprès des services préfectoraux ni de présenter utilement ses observations écrites ou orales sur ce point au cours de la procédure administrative à l'issue de laquelle a été prise la décision d'éloignement, n'est pas de nature à permettre de regarder l'étranger comme ayant été privé de son droit à être entendu au sens du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
8. Considérant que si Mme A... doit être regardée comme faisant valoir qu'elle n'a pas été informée par le préfet du Puy-de-Dôme qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et mis en mesure de présenter ses observations sur l'éventualité d'une telle décision ainsi que sur ses modalités d'exécution, avant qu'il ne lui soit fait obligation de quitter le territoire français, le 28 janvier 2013, ladite mesure d'éloignement faisait suite au rejet d'une demande de titre de séjour du même jour ; qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune obligation d'information ne pesait sur le préfet ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A...ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'elle ait été empêchée de s'exprimer avant que ne soit prise la décision ; qu'en outre, il ne ressort pas des écritures devant la Cour, par lesquelles Mme A... se borne à soutenir que son droit d'être entendue a été méconnu, sans autre précision, que cette dernière disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle, qu'elle aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, si elles avaient été communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ; que, dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée du droit d'être entendu qu'elle tient du principe général du droit de l'Union ;
9. Considérant aussi que les dispositions susrappelées de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile garantissent à l'étranger la possibilité d'être entendu par un juge avant que la décision d'éloignement ne puisse être exécutée d'office par l'administration ; que la décision d'éloignement ne peut donc pas trouver son plein effet sans que l'étranger ait pu, préalablement, faire valoir, devant un Tribunal, ses observations sur la décision elle-même et ses modalités d'exécution ; que la garantie dont il dispose de ce chef est de nature à assurer pleinement le respect des droits de la défense, au sens du principe fondamental qui sous-tend les articles 41, 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dont le respect du droit d'être entendu fait partie intégrante, avant que la décision l'obligeant à quitter le territoire ne soit susceptible de l'affecter défavorablement, par son exécution d'office ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., veuve C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2014 à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Courret, président-assesseur,
M. Clément, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 juin 2014.
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N° 13LY01584