Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 novembre 2013, présentée pour M. A...D..., domicilié ... ;
M. D...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1206030 du 17 septembre 2013 en tant que le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur retirant un point de son permis de conduire pour chacune des infractions commises les 7 mai 2005 et 16 octobre 2005, ensemble la décision 48SI du 2 mars 2012 portant invalidation de son permis de conduire pour solde de points nul et lui enjoignant de le restituer aux services préfectoraux de son département de résidence ;
2°) d'annuler les décisions portant retrait de point consécutives aux infractions verbalisées les 7 mai et 16 octobre 2005 et la décision 48SI du 2 mars 2012 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de procéder à la reconstitution des douze points de son permis de conduire et à la restitution de son titre de conduite, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision juridictionnelle à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. D...soutient que le ministre de l'intérieur affirme à tort que les infractions des 7 mai et 16 octobre 2005 ont fait l'objet d'un paiement d'amende forfaitaire, alors qu'elles ont donné lieu au paiement d'amendes forfaitaires majorées de 180 et 375 euros ; que ceci ressort du bordereau de situation des amendes dont il a fait l'objet ; que les mentions du relevé d'information intégral sont donc erronées ; que ces retraits de point sont illégaux puisque l'information préalable n'a pas été délivrée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 12 mars 2014 portant clôture de l'instruction au 2 avril 2014 ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er avril 2014, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;
Le ministre soutient que M. D...n'apporte aucun élément de fait ni de droit nouveau par rapport au litige porté devant le Tribunal administratif ; que les infractions des 16 octobre et 7 mai 2005 ont été constatées par radar automatique ; que le requérant s'est acquitté du montant des amendes forfaitaires majorées y afférent ; qu'il n'établit pas avoir formé une réclamation recevable ayant entraîné l'annulation des titres exécutoires ; qu'en payant ces amendes, M. D...est réputé avoir bénéficié de cette information, au moyen de l'avis de contravention puis dudit avis d'amende forfaitaire majorée, et avoir renoncé à contester la réalité desdites infractions ; qu'il ne peut donc soulever l'illégalité des deux retraits de point ;
Vu l'ordonnance en date du 8 avril 2014 reportant la clôture de l'instruction au 23 avril 2014 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2014 :
- le rapport de M. Wyss, président de chambre ;
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;
1. Considérant que M. D...a saisi le Tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles ont successivement été retirés un, deux, un, deux, trois, un, deux et un points de son permis de conduire à la suite d'infractions constatées les 7 mai 2005, 6 octobre 2005, 16 octobre 2005, 24 janvier 2006, 12 décembre 2006, 24 novembre 2007, 14 janvier 2009 et 17 décembre 2011, ensemble la décision 48 SI du 2 mars 2012 du ministre de l'intérieur portant invalidation de son titre de conduite pour solde de points nul et lui a enjoint de le restituer aux services préfectoraux de son département de résidence, et la décision du 11 juillet 2012 de rejet de son recours gracieux ; que M. D...fait appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses demandes en annulation des décisions de retraits de point consécutives aux infractions des 7 mai 2005 et 16 octobre 2005 et la décision 48 SI du 2 mars 2012 ;
Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance par le ministre de l'intérieur :
2. Considérant que le juge d'appel, auquel est déféré un jugement ayant rejeté au fond des conclusions sans que le premier juge ait eu besoin de statuer sur une fin de non-recevoir opposée devant lui, ne peut faire droit à ces conclusions qu'après avoir écarté expressément cette fin de non-recevoir, alors même que le défendeur, sans pour autant les abandonner, ne les aurait pas reprises en appel ;
3. Considérant que, devant le Tribunal administratif de Lyon, le ministre de l'intérieur a, à titre principal, opposé une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de M.D..., au motif que le délai de recours aurait expiré le 3 mai 2012, la décision 48 SI attaquée ayant été notifiée le 2 mars 2012 ; que M. D...soutient ne pas avoir réceptionné cette notification dès lors qu'il n'a pas été avisé qu'un pli était à sa disposition au bureau de poste ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 1-1-6 du code des postes et communications électroniques : " Lorsque la distribution d'un envoi postal recommandé relevant du service universel est impossible, le destinataire est avisé que l'objet est conservé en instance pendant quinze jours calendaires. A l'expiration de ce délai, l'envoi postal est renvoyé à l'expéditeur (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du relevé d'information intégral de la situation du permis de conduire de M.D..., que la notification de la décision 48 SI, expédiée par pli avec accusé de réception postal n° 2C04048226002, aurait été présentée au domicile du requérant le 8 mars 2012, qui aurait été avisé de cette présentation le même jour ; que M. D...a versé au dossier de première instance la copie du recto d'une enveloppe d'expédition, le 7 mars 2012, d'un courrier émanant du fichier national du permis de conduire et la copie d'un avis de réception postal, portant tous les deux le numéro de recommandé susmentionné ; que cet avis indique " Présenté / Avisé le 8/3 " et le tampon : " pli non distribuable ", dont la case " non réclamé " est cochée ; que, toutefois, il n'est fait mention sur ces documents ni du bureau de poste où le pli pouvait être retiré, ni du motif pour lequel ce pli n'a pas été remis à son destinataire lors du passage du facteur le 8 mars 2012 ; que, dans ces conditions, la notification de la décision 48 SI attaquée ne pouvant être regardée comme régulièrement intervenue, aucun délai de recours, à l'encontre de cette décision 48 SI et des décisions de retraits la fondant, ne peut être opposé au requérant ; que, par suite, sa demande, enregistrée le 4 septembre 2012 et tendant à l'annulation desdites décisions, n'est pas tardive ; que la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur ne peut donc être accueillie ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-3 du même code : " (...) Lorsqu'il est fait application de la procédure de l'amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale, l'auteur de l'infraction est informé que le paiement de l'amende ou l'exécution de la composition pénale entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée, dont la qualification est dûment portée à sa connaissance ; il est également informé de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès. / Le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif. " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les infractions des 7 mai 2005 et 16 octobre 2005 ont été relevées au moyen d'un radar automatique et que, contrairement aux mentions du relevé d'information intégral, ces infractions n'ont pas fait l'objet du paiement d'amendes forfaitaires mais de l'émission de titres exécutoires d'amende forfaitaire majorée, lesquelles amendes ont été acquittées ; que, si ces paiements sont de nature à établir que le requérant a reçu les titres exécutoires émis à son encontre et la réalité des infractions des 7 mai 2005 et 16 octobre 2005, ils ne suffisent toutefois pas à démontrer la délivrance de l'information préalable prévue par les dispositions précitées de l'article L. 223-3 du code de la route, reprises à l'article R. 223-3 du même code ;
8. Considérant d'une part, que si le ministre de l'intérieur a produit un modèle d'avis de contravention, le paiement de l'amende forfaitaire majorée ne suffit pas à établir que M. D... a reçu un avis similaire ; que, d'autre part, le modèle d'avis d'amende forfaitaire majorée versé au dossier par le ministre ne comporte pas l'information selon laquelle, si ce titre devient définitif, faute d'être contesté dans le délai requis, cela entraînera le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée ; que l'information contenue dans cet avis, selon laquelle l'émission même du titre exécutoire peut entraîner le retrait de points du permis de conduire, est insuffisante à cet égard ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de la délivrance à M. D... de l'information requise par le code de la route ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que les retraits d'un point opérés sur son permis de conduire pour les infractions des 7 mai 2005 et 16 octobre 2005 sont illégaux car intervenus au terme d'une procédure irrégulière ;
10. Considérant que la décision 48 SI du 2 mars 2012 est fondée sur le retrait d'un total de treize points du permis de conduire de M.D..., consécutif à huit infractions au code la route ; qu'eu égard à la restitution, par décision du 5 février 2009, d'un point retiré à la suite de l'infraction du 24 novembre 2007 et à l'illégalité des retraits susmentionnés relatifs aux infractions des 7 mai 2005 et 16 octobre 2005, le capital de points du titre de conduite du requérant, initialement affecté de douze points, n'était pas nul ; que, par suite, M. D...est fondé à soutenir que cette décision 48 SI portant invalidation de son titre de conduite est illégale ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. D...tendant à l'annulation des décisions de retrait de point opérées sur son permis de conduire consécutives aux infractions des 7 mai 2005 et 16 octobre 2005 et de la décision 48 SI du 2 mars 2012 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonctions :
12. Considérant que le présent arrêt implique qu'il soit enjoint à l'administration de créditer le permis de conduire de M. D...de deux points, correspondant au point retiré pour chacune des infractions des 7 mai 2005 et 16 octobre 2005 et, sous réserve de la commission d'autres infractions ayant entrainé des retraits de points, de restituer son permis à M.D... ; qu'à cet effet un délai d'un mois, à compter de la notification du présent arrêt, est fixé à l'administration ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de condamner l'Etat à verser à M. D...la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1206030 du Tribunal administratif de Lyon en date du 17 septembre 2013 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. D... tendant à l'annulation des décisions de retrait de point de son permis de conduire consécutives aux infractions constatées les 7 mai 2005 et 16 octobre 2005 et de la décision 48 SI du 2 mars 2012 portant invalidation de ce titre de conduite.
Article 2 : Les décisions de retrait d'un et un point du permis de conduire de M.D..., consécutives aux infractions constatées les 7 mai 2005 et 16 octobre 2005, ainsi que la décision 48 SI du 2 mars 2012 portant invalidation de ce titre de conduite, sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de créditer de deux points le permis de conduire de M. D...et, sous réserve de la commission d'autres infractions, de lui restituer son titre de conduite, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2014, où siégeaient :
- M. Wyss, président de chambre,
- MM. C...et B...E..., présidents-assesseurs.
Lu en audience publique, le 12 juin 2014.
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N° 13LY02982