Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 décembre 2013 par télécopie régularisée le 10 décembre suivant, présentée pour M. A...B..., domicilié ... ;
M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200390 du 21 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a retiré un total de quinze points de son permis de conduire à la suite d'infractions au code de la route verbalisées les 12 novembre 2005, 30 avril 2005, 31 mars 2005 et 10 octobre 2003 ;
2°) d'annuler ces décisions de retrait de points ;
M. B...soutient que les décisions de retrait de points attaquées ne lui ont jamais été notifiées ; qu'il en a eu connaissance en consultant son relevé d'information intégral ; que, par courrier électronique du 16 janvier 2012, il a demandé copie de ces décisions ou de tout document faisant état de leur existence ; que cette demande a fait l'objet d'un refus implicite le 17 mars 2012 ; que le Tribunal administratif a jugé que le seul fait que, le 21 février 2007, une décision 48SI, non produite, lui a été expédiée, permettait de considérer que les décisions attaquées lui avait été régulièrement notifiées ; qu'il n'a jamais été informé de l'existence d'un courrier de notification de la décision 48SI et n'a pas reçu d'avis de passage du préposé de la poste puisque l'adresse utilisée est erronée et qu'un tiers a refusé de retirer ce pli recommandé ; que les mentions figurant sur les documents produits par le ministre ne font pas état de ce que, conformément à la réglementation postale, il aurait été avisé de la mise en instance d'un pli recommandé ; qu'ils ne mentionnent pas de dépôt d'un avis de passage postal ; qu'un pli recommandé ne peut être réputé reçu à sa date de présentation que si est acquise la preuve qu'il a été présenté et que l'intéressé, informé de son existence, s'est volontairement abstenu de le retirer ; qu'un pli recommandé non parvenu à son destinataire ne peut-être regardé comme reçu que si la mauvaise foi de l'intéressé est établie par la production des éléments de notification ; qu'en l'espèce, le préposé a omis de déposer un avis de passage l'invitant à retirer le pli recommandé ; qu'alors que les mentions relatives à cet avis doivent claires, précises et concordantes, le document produit par l'administration ne mentionne ni la cause de l'absence de remise du pli, ni l'adresse du bureau de poste où celui-ci pouvait être retiré, ni le délai de quinze jours durant lequel il pouvait l'être ; que l'absence de ces mentions entache d'irrégularité la notification de la décision 48 SI, qui, dès lors, n'emporte aucun effet ; que c'est donc à tort que le Tribunal administratif a estimé que sa demande était irrecevable comme tardive en raison d'une notification du 21 février 2007 ; qu'aucun élément ne permet d'établir que le recommandé dont s'agit contenait bien la décision 48 SI relative à la notification des quatre décisions de retrait de points attaquées ; qu'en s'abstenant de produire cette décision l'administration ne met pas le juge en mesure de contrôler son contenu ; qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que ces quatre décisions auraient été précédemment notifiées ; que leur existence n'étant pas établie, elles ne peuvent produire d'effets et ne sont pas opposables ; qu'il est dès lors recevable à les contester par la voie du recours contentieux ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 7 juillet 2014, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B...à verser à l'Etat une somme de 250 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le ministre soutient que la décision 48 SI, envoyée en recommandé, est revenue avec la mention : "retour à l'envoyeur - non réclamé" et "présentation le 21/02/07" ; que, lorsque le destinataire omet de retirer un pli recommandé, la notification est réputée faite à la date de présentation de ce pli ; que les mentions "non réclamé" et "présentation le" permettent de considérer que la date de présentation portée sur l'avis de réception vaut date de notification ; qu'il résulte de la réglementation postale que doivent être regardées comme précises, claires et concordantes, suffisant à prouver la notification régulière d'un pli recommandé, la mention de la date de vaine présentation, apposée par duplication sur le volet " avis de réception " ; que l'accusé de réception mentionne le numéro du permis de conduire du requérant et la lettre " S " indiquant qu'il s'agit bien d'une décision 48 SI le concernant ; que, par suite, la décision attaquée a été notifiée le 21 février 2007, ainsi que l'atteste le pli recommandé mentionnant cette date de vaine présentation ; que le délai de recours a donc expiré le 22 avril 2007 ; que le recours gracieux du 16 janvier 2012, formé au-delà du délai recours n'a pas pu proroger ce délai ; qu'il ressort de relevé d'information intégral que M. B...a restitué son titre de conduite le 11 avril 2007 ; qu'à cette date, au plus tard, il était donc informé de l'invalidation de son permis de conduire et disposait d'un délai de deux mois pour la contester ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne font pas obstacle à ce qu'une somme réclamée par l'Etat soit mise à la charge de la partie perdante ; que dans un souci d'économie des deniers publics il convient de mettre à sa charge une somme de 250 euros ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 juillet 2014, présenté pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code des postes et des communications électroniques ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision par laquelle le président de la formation du jugement a, sur le fondement de l'article L. 732-1 du code de justice administrative, décidé, sur proposition du rapporteur public, de dispenser celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2014 le rapport de M. Wyss, président de chambre ;
1. Considérant que M. B...a demandé au Tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a retiré quatre, quatre, trois et quatre points de son permis de conduire, à la suite d'infractions commises respectivement les 12 novembre 2005, 30 avril 2005, 31 mars 2005 et 10 octobre 2003 ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté cette demande comme irrecevable pour tardiveté au motif qu'elle aurait été présentée au-delà du délai de recours de deux mois à partir de la notification de la décision 48 S devant être regardée comme régulièrement effectuée le 21 février 2007, date la présentation par les services de la Poste au domicile du requérant du pli recommandé contenant cette notification ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que la notification d'une décision 48 S portant invalidation d'un permis de conduire pour solde de points nul fait courir le délai de recours, non seulement contre cette décision, mais également à l'encontre des décisions de retrait de points qu'elle récapitule ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 1-1-6 du code des postes et communications électroniques : " Lorsque la distribution d'un envoi postal recommandé relevant du service universel est impossible, le destinataire est avisé que l'objet est conservé en instance pendant quinze jours calendaires. A l'expiration de ce délai, l'envoi postal est renvoyé à l'expéditeur (...) " ;
4. Considérant qu'il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé ; qu'en cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste ;
5. Considérant qu'il résulte du relevé d'information intégrale de la situation du permis de conduire de M. B...qu'une décision 48 S, expédiée par envoi avec accusé de réception postal n° RA804265478FR, a été présentée le 21 février 2007 au domicile du requérant qui en aurait été avisé ; que le ministre de l'intérieur a produit la copie du recto de l'enveloppe d'expédition d'une lettre expédiée le 20 février 2007, émanant du fichier national du permis de conduire et adressée à M. B...et, d'autre part, de l'avis de réception postal d'un pli recommandé, portant le numéro du permis de conduire de M. B...et le même numéro que celui figurant sur le relevé intégral ; que cet avis indique " présenté le 21/02/07" ; que ces deux documents portent un tampon "non réclamé - retour à l'envoyeur" ; que, toutefois, il n'est fait mention sur ces documents ni du motif pour lequel ce pli n'a pas été remis à son destinataire lors du passage du facteur le 21 février 2007, ni de ce que le requérant a été avisé de la mise à sa disposition du pli au bureau de poste, ni du bureau où il pouvait être retiré ; que, dans ces conditions, la notification de la décision 48 S ne peut être regardée comme régulièrement intervenue ; que, dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a estimé que le demande de M.B..., enregistrée le 19 janvier 2012, était irrecevable comme tardive ; que, par suite, ce jugement doit être annulé ;
6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Lyon ;
Sur légalité des décisions de retrait de points attaquées :
7. Considérant que M. B...soutient que les quatre décisions de retrait de points dont il demande l'annulation sont illégales aux motifs, d'une part, que la réalité des infractions des 12 novembre 2005, 30 avril 2005, 31 mars 2005 et 10 octobre 2003 n'est pas établie et, d'autre part, que, lors de la verbalisation de ces infractions, l'information requise par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ne lui a pas été délivrée ;
En ce qui concerne la réalité des infractions des 12 novembre 2005, 30 avril 2005, 31 mars 2005 et 10 octobre 2003 :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. / (...) Lorsque le nombre de points est nul, le permis perd sa validité. / La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive (...) " ; qu'aux termes de l'article 529-1 du code de procédure pénale : " Le montant de l'amende forfaitaire peut être acquitté soit entre les mains de l'agent verbalisateur au moment de la constatation de l'infraction, soit auprès du service indiqué dans l'avis de contravention dans les quarante-cinq jours qui suivent la constatation de l'infraction ou, si cet avis est ultérieurement envoyé à l'intéressé, dans les quarante-cinq jours qui suivent cet envoi. " ; qu'aux termes de l'article 529-2 du même code : " Dans le délai prévu par l'article précédent, le contrevenant doit s'acquitter du montant de l'amende forfaitaire, à moins qu'il ne formule dans le même délai une requête tendant à son exonération auprès du service indiqué dans l'avis de contravention (...) / A défaut de paiement ou d'une requête présentée dans le délai de quarante-cinq jours, l'amende forfaire est majorée de plein droit (...) " et qu'aux termes de l'article 530 du même code : " (...) Dans les trente jours de l'envoi de l'avis invitant le contrevenant à payer l'amende forfaitaire majorée, l'intéressé peut former auprès du ministère public une réclamation motivée qui a pour effet d'annuler le titre exécutoire en ce qui concerne l'amende contestée. Cette réclamation reste recevable tant que la peine n'est pas prescrite, s'il ne résulte pas d'un acte d'exécution ou de tout autre moyen de preuve que l'intéressé a eu connaissance de l'amende forfaitaire majorée. S'il s'agit d'une contravention au code de la route, la réclamation n'est toutefois plus recevable à l'issue d'un délai de trois mois lorsque l'avis d'amende forfaitaire majorée est envoyé par lettre recommandée à l'adresse figurant sur le certificat d'immatriculation du véhicule, sauf si le contrevenant justifie qu'il a, avant l'expiration de ce délai, déclaré son changement d'adresse au service d'immatriculation des véhicules (...) "
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, selon les mentions portées sur le relevé d'information intégral relatif à la situation du permis de conduire de M.B..., les infractions des 12 novembre 2005, 30 avril 2005, 31 mars 2005 ont fait l'objet de l'émission de titres exécutoires d'amende forfaitaire majorée et que l'infraction du 10 octobre 2003 a donné lieu, le 14 novembre 2003, au paiement d'une amende forfaitaire ; que M. B...n'avance aucun élément de nature à mettre en doute l'exactitude de ces mentions ;
10. Considérant que, pour l'infraction du 10 octobre 2003, M. B...ne peut utilement se prévaloir d'une réclamation formée le 16 janvier 2012 auprès de l'officier du ministère public et fondée sur les dispositions précitées de l'article 530 du code de procédure pénale relatives aux réclamations tendant à l'annulation des titres exécutoires d'amende forfaitaire majorée ; qu'en effet, ainsi qu'il est dit ci-dessus, l'infraction du 10 octobre 2003, a fait l'objet d'une amende forfaitaire et non d'une amende forfaitaire majorée ; que, d'autre part, M. B...ne justifie pas avoir formé la requête en exonération prévue à l'article 529-2 du code de procédure pénale, relative à la contestation des amendes forfaitaires ; que, par suite, la mention au relevé d'information intégral du paiement de l'amende forfaitaire établit la réalité de l'infraction du 10 octobre 2003, dans les conditions requises par l'article L. 223-1 du code de la route ;
11. Considérant qu'en ce qui concerne les infractions des 12 novembre 2005, 30 avril 2005 et 31 mars 2005, M. B...se prévaut de la réclamation susmentionnée du 16 janvier 2012 par laquelle il a saisi l'officier du ministère public, sur le fondement de l'article 530 du code de procédure pénale ; que toutefois, le requérant ne justifie pas que cette réclamation ait été suivie de l'annulation des titres exécutoires d'amende forfaitaire majorée émis à son encontre les 8 septembre 2006, 1er mars 2006 et 27 juin 2005 ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire de rechercher si M. B...a reçu notification des avis d'amende forfaitaire majorée, l'émission de ces titres exécutoires établit la réalité des trois infractions dont s'agit, dans les conditions prévues par l'article L. 223-1 du code de la route ;
En ce qui concerne la délivrance de l'information requise par le code de la route :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-3 du code de la route : " Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé des dispositions de l'article L. 223-2, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9. / Lorsqu'il est fait application de la procédure de l'amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale, l'auteur de l'infraction est informé que le paiement de l'amende ou l'exécution de la composition pénale entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée, dont la qualification est dûment portée à sa connaissance ; il est également informé de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès. /Le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif. " ;
13. Considérant qu'à l'appui du moyen selon lequel ne lui aurait pas été délivrée l'information requise par l'article L. 223-3 précité, reprise à l'article R 223-3 du même code, M. B...se borne, sans plus de précisions, à énumérer les informations prévues par lesdits articles ; qu'ainsi, il ne peut être regardé comme apportant des éléments permettant au juge d'apprécier le bien fondé de sa demande d'annulation ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur portant retrait de points de son permis de conduire, à la suite d'infractions commises les 12 novembre 2005, 30 avril 2005, 31 mars 2005 et 10 octobre 2003 ; que sa demande devant le Tribunal administratif de Lyon doit être rejetée ;
15. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du ministre de l'intérieur tendant à ce que M. B...soit condamné à verser une somme à l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1200390 du Tribunal administratif de Lyon du 21 novembre 2013 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B...devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du ministre de l'intérieur présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2014, où siégeaient :
- M. Wyss, président de chambre,
- M. Mesmin d'Estienne, président assesseur,
- Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 octobre 2014.
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N° 13LY03382