Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2013, présentée pour M. et Mme E..., domiciliés 89 chemin des Charretiers à Clermont-Ferrand (63000) ;
M. et Mme E... demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201093 du 13 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 116 658,92 euros, en principal et en intérêts, outre les intérêts moratoires au taux contractuel à compter de cette date, en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait des agissements fautifs de Mme B...épouseD..., ancien contrôleur principal du Trésor public alors en poste à la trésorerie de Billom ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 56 115,56 euros au titre du préjudice susmentionné ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que :
- les pièces qu'ils produisent, et notamment le jugement du tribunal correctionnel condamnant MmeB..., établissent la réalité du préjudice qu'ils ont subi ;
- ils sont fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat, dès lors que la faute commise n'est pas dépourvue de tout lien avec le service ;
- ils n'ont commis aucune faute et ne sont pas complices des agissements de Mme B..., lesquels n'ont d'ailleurs pas été détectés par son administration d'origine alors qu'elle détenait probablement un compte au Trésor public ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir que :
- la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée, dès lors que les actes commis par Mme B...constituent une faute personnelle détachable du service ;
- les époux E...ne sont pas exempts de toute faute et se sont rendus complices des agissements frauduleux de MmeB... ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 août 2013, présenté pour M. et MmeE..., qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 septembre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2013, présenté pour M. et MmeE..., qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 4 novembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 29 novembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 décembre 2014, présentée pour M. et Mme E... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2014 :
- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;
- et les observations de MeC..., représentant M. et Mme E...;
1. Considérant que Mme B...épouseD..., contrôleur principal à la trésorerie de Billom-Saint-Dier exerçant en qualité d'adjointe de la chef de poste, a, sur plainte déposée contre elle par le directeur régional des finances publiques d'Auvergne et du département du Puy-de-Dôme, été condamnée, par jugement du tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand du 10 janvier 2011, à quatre ans d'emprisonnement dont deux avec sursis assortis d'une mise à l'épreuve pendant trois ans et de l'interdiction définitive d'exercer des fonctions publiques, pour abus de confiance par personne recouvrant des fonds de valeur pour le compte de tiers et contrefaçon d'effet émis par le Trésor public avec son timbre ou sa marque ; que Mme B...a été radiée des cadres le même jour ; qu'à la suite du dépôt de nouvelles plaintes, elle a été condamnée une deuxième fois à raison des mêmes faits à une peine d'emprisonnement de douze mois le 25 mars 2012 ; que, sur plainte des époux E...déposée le 7 mars 2012, le tribunal correctionnel l'a jugée coupable des mêmes faits et d'usage d'effet émis par le Trésor avec son timbre ou sa marque contrefaisant et subornation de témoin, par jugement du 25 mars 2013, et l'a à nouveau condamnée à douze mois d'emprisonnement ; que, sur l'action civile, le tribunal correctionnel a déclaré Mme B...entièrement responsable du préjudice subi par les époux E..., auxquels il a accordé 56 115,56 euros à titre de réparation du préjudice matériel et 2 000 euros en réparation du préjudice moral ; que ces condamnations n'ayant pas été contestées en appel, elles sont devenues définitives ; que, parallèlement, M. et Mme E...ont, par courrier du 29 avril 2011, demeuré sans réponse, mis en demeure Mme B...de leur rembourser les sommes qu'ils avaient placées par son intermédiaire ; que, le 17 février 2012, ils ont saisi le directeur régional des finances publiques d'Auvergne et du département du Puy-de-Dôme d'une demande préalable tendant à obtenir réparation du préjudice subi à raison des agissements de MmeB... ; que, par courrier du 2 mai 2012 reçu le 14, le directeur régional a rejeté cette demande au motif que l'administration était étrangère à ces agissements ; que M. et Mme E...relèvent appel du jugement du 13 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 116 658,92 euros, correspondant aux montants versés à MmeB..., majorés des intérêts que leur devait cette dernière, et demandent à la Cour de condamner l'Etat à leur verser une indemnité de 56 115,56 euros ;
2. Considérant qu'en appel, M. et Mme E...produisent des pièces, et notamment des relevés bancaires ainsi qu'un talon de chèque, démontrant qu'ils ont, en 1997 et 1998, souscrit, par l'intermédiaire de MmeB..., à des taux attractifs censément réservés aux agents du Trésor, des produits présentés comme des bons du Trésor anonymes, à hauteur de cinquante bons au porteur de 5 000 francs, soit une valeur totale de 250 000 francs (38 112,25 euros), puis, en janvier 2002, à hauteur de dix-huit titres de 1 000 euros chacun ; que ces transactions, effectuées auprès de personnes de son entourage, ont eu lieu au domicile de l'intéressée et les paiements réalisés en espèces en 1997-1998, par chèque bancaire libellé au nom de Mme B...en 2002 ; que cette dernière, qui utilisait les fonds ainsi récoltés à des fins personnelles, a, dans un premier temps, employé des bulletins de souscription vierges " pré-tamponnés " pris à la trésorerie, puis a fabriqué ses propres documents en utilisant l'en-tête du Trésor public ; qu'elle a, en outre, apposé sur ces documents le cachet du Trésor public au moyen d'anciens tampons administratifs qu'elle avait rapportés chez elle ; que, même si les faits se sont produits en dehors du service, c'est avec l'autorité et les moyens que lui conféraient ses fonctions que Mme B...a fait souscrire des placements fictifs aux époux E...et causé le préjudice qu'ils ont subi ; que la faute ainsi commise, alors même que sa gravité lui conférerait le caractère d'une faute personnelle détachable du service, n'est donc pas dépourvue de tout lien avec celui-ci ; que M. et Mme E...sont, par suite, fondés à soutenir que les agissements fautifs de Mme B...sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
3. Considérant, toutefois, que M. et Mme E...ont accepté de souscrire sans aucune précaution à des placements d'un montant significatif, dans des conditions qui auraient dû être de nature à susciter de leur part des interrogations sur leur authenticité et sur la bonne foi de Mme B..., alors qu'un minimum de contrôle aurait fait apparaître le caractère frauduleux de ces opérations ; qu'ils ont ainsi fait preuve d'une légèreté fautive de nature à exonérer l'Etat pour moitié de sa responsabilité ;
4. Considérant qu'il appartient au juge administratif, s'il estime qu'il y a une faute non dépourvue de tout lien avec le service de nature à engager la responsabilité de la personne publique, de prendre, en déterminant la quotité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires, en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu'elle a pu ou qu'elle peut obtenir devant d'autres juridictions à raison du même accident, une réparation supérieure à la valeur totale du préjudice subi ;
5. Considérant qu'il n'est pas contesté que les époux E...n'ont rien perçu de la somme de 56 115,56 euros que Mme B...a été condamnée à leur verser par le tribunal correctionnel ; que les requérants sont fondés, eu égard au partage de responsabilité retenu ci-dessus, à demander que la somme de 28 057,78 euros soit mise à la charge de l'Etat en réparation du préjudice qu'ils ont subi à raison des agissements fautifs de MmeB... ; qu'il y a lieu, en conséquence, de subroger le ministre des finances et des comptes publics à concurrence de cette somme, dans les droits à la percevoir détenus par M. et Mme E...sur la personne de MmeB..., épouseD..., aux termes du jugement correctionnel sus-rappelé ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande ;
7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1201093 du 13 mars 2013 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme E...la somme de 28 057,78 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme E...est rejeté.
Article 4 : L'Etat est subrogé dans les droits de M. et Mme E...à l'encontre de Mme B... à concurrence des sommes versées en exécution du présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... E...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2014, à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Dèche, premier conseiller,
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 janvier 2015.
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N° 13LY01122
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