La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/01/2015 | FRANCE | N°14LY02669

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 08 janvier 2015, 14LY02669


Vu la requête, enregistrée le 14 août 2014, présentée pour la société Boisset - La FamilleJ..., dont le siège est rue des Frères Montgolfier, BP 102 à Nuits-Saint-Georges Cedex (21703) ;

La société Boisset - La Famille J...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204503 du 1er juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juin 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du trav

ail de la 15ème section du Rhône du 21 octobre 2011 autorisant le licenciement ...

Vu la requête, enregistrée le 14 août 2014, présentée pour la société Boisset - La FamilleJ..., dont le siège est rue des Frères Montgolfier, BP 102 à Nuits-Saint-Georges Cedex (21703) ;

La société Boisset - La Famille J...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204503 du 1er juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juin 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 15ème section du Rhône du 21 octobre 2011 autorisant le licenciement de M. E...I..., délégué du personnel, et a refusé d'autoriser ce licenciement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le tribunal administratif a méconnu les articles R. 9 et R. 741-1-2 du code de justice administrative ;

- que le signataire de la décision contestée ne bénéficiait pas d'une délégation régulière ;

- que les droits de la défense et le principe du contradictoire ont été méconnus ;

- que la décision est entachée d'erreur de droit, dès lors que le recours hiérarchique n'était pas recevable et n'a pu proroger le délai de recours contentieux ;

- que la décision est entachée d'erreur de droit, dès lors qu'elle a retiré une décision implicite de rejet du recours hiérarchique, qui n'était pas illégale ; qu'en effet, le tribunal administratif et l'administration ont commis une erreur en jugeant illégale la décision de l'inspecteur du travail, dès lors qu'aucune disposition n'interdit à l'une ou l'autre des parties d'être assistée de plus de deux personnes lors de l'entretien préalable et que l'entretien s'est déroulé sans incident ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 9 octobre 2014 fixant au 31 octobre 2014 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2014 :

- le rapport de M. Clot, président ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que M.I..., salarié de la société Boisset - La FamilleJ..., était affecté à l'établissement de cette société situé à Quincié-en-Beaujolais (Rhône) et investi du mandat de délégué du personnel ; que le 21 octobre 2011, l'inspecteur du travail de la 15ème section du Rhône a autorisé son licenciement ; que, sur recours introduit par l'union locale Villefranche, Beaujolais, Val de Saône de la confédération démocratique du travail (CFDT), le ministre chargé du travail a, le 8 juin 2012, annulé la décision de l'inspecteur du travail et refusé l'autorisation de licencier ce salarié ; que la société Boisset - La Famille J...fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du ministre ;

2. Considérant, en premier lieu, que si la société Boisset - La Famille J...soutient que le tribunal administratif a méconnu " les prescriptions des articles R. 9 et R. 741-1-2 du code de justice administrative ", ce code ne comporte pas de tels articles ; que si elle a, en réalité entendu, invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 9, selon lesquelles les jugements sont motivés, le jugement attaqué satisfait à cette exigence ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la société Boisset - La Famille J...reprend en appel le moyen tiré de ce que M.A..., chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique, n'était pas compétent pour prendre la décision en litige ; que ce moyen doit être écarté par les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal administratif, qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail, qui est relatif aux modalités d'exercice d'un recours hiérarchique contre une décision de l'inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licencier un salarié protégé : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet./ Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail du 21 octobre 2011, reçu par le ministre chargé du travail le 16 décembre 2011, a été introduit par M.D..., délégué syndical de la section de la CFDT de l'entreprise, qui disposait d'un mandat de M.I... du 12 novembre 2011 ; que si ce recours n'était pas signé, M. I...y a apposé sa signature le 5 janvier 2012 ; qu'ainsi, le ministre a été régulièrement saisi par ce recours, présenté dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision de l'inspecteur ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'en excluant les décisions prises sur demande de l'intéressé du champ d'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, le législateur a entendu dispenser l'administration de recueillir les observations de l'auteur d'un recours gracieux ou hiérarchique ; que, toutefois, il n'a pas entendu pour autant la dispenser de recueillir les observations du tiers au profit duquel la décision contestée par ce recours a créé des droits ; qu'il suit de là qu'il ne peut être statué sur un tel recours qu'après que le bénéficiaire de la décision créatrice de droits a été mis à même de présenter ses observations dans un délai suffisant ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du mémoire en défense de l'administration devant le tribunal administratif que la société Boisset - La Famille J...a eu connaissance du recours de M. I...contre la décision de l'inspecteur du travail du 21 octobre 2011 dès le mois de janvier 2012, dans le cadre de l'instruction de ce recours par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) ; que par lettre du 31 mai 2012, le ministre chargé du travail a avisé la société Boisset - La Famille J...de ce qu'il envisageait le retrait de la décision implicite de rejet du recours et lui a demandé de faire connaître ses observations ; que le rapport des services de la Direccte a été communiqué par courrier électronique du 5 juin 2012 à la société, qui a fait connaître ses observations au ministre par courrier du 6 juin 2012, envoyé par voie électronique ; qu'ainsi, la société requérante a été mise à même de présenter ses observations dans un délai suffisant ; que, s'il est vrai que ses observations n'ont pas été visées dans la décision du 8 juin 2012 statuant sur le recours, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'auteur de cette décision n'en a pas pris préalablement connaissance ;

8. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable (...) " ; que l'article L. 1232-3 du même code dispose que : " Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié " ; que l'article L. 1332-1 de ce code ajoute que : " Aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui " ;

9. Considérant que si la présence de cadres de la direction lors de l'entretien préalable n'est pas, en elle-même, de nature à vicier la procédure, c'est à condition que l'entretien ne soit pas, quant à son organisation ou son déroulement, détourné de son objet et transformé en procédure d'enquête ;

10. Considérant que pour annuler la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. I...et pour refuser cette autorisation, le ministre chargé du travail s'est fondé sur le motif tiré de ce que lors de l'entretien préalable au licenciement, M. C..., directeur de l'établissement, s'est fait assister de deux membres de l'encadrement, dont M. B..., supérieur hiérarchique direct du salarié, présent lors des incidents survenus le 26 juillet 2011, ce qui avait eu pour effet de porter atteinte à l'équilibre devant exister dans l'expression et les droits des parties, d'où il résulte une irrégularité substantielle de la procédure ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.H..., directeur logistique, et M.B..., supérieur hiérarchique direct de M.I..., ont assisté le directeur de l'établissement lors de l'entretien préalable du 23 août 2011 ; que selon le rapport du directeur de l'unité territoriale du Rhône de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Rhône-Alpes du 27 janvier 2012, la présence de ces personnes a, selon les explications fournies par l'employeur, servi à " préciser les griefs " à l'encontre de M.I... ; que, selon les termes mêmes de la lettre par laquelle la société requérante a présenté ses observations sur le recours hiérarchique au ministre, en date du 6 juin 2012, la présence des deux cadres accompagnant le directeur de l'établissement était nécessaire pour " avoir une explication très exhaustive et très détaillée des différents faits qui pouvaient conduire à la mesure de licenciement envisagée " ; que, dès lors, cet entretien a, en réalité constitué, un complément d'enquête, ce qui a entaché la procédure d'irrégularité, alors même que, comme le fait valoir en appel la société Boisset - La FamilleJ..., aucune disposition n'interdit à l'une ou l'autre des parties d'être assistée de plus de deux personnes et que l'entretien préalable s'est déroulé sans incident ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Boisset - La Famille J...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Boisset - La Famille J...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Boisset - La FamilleJ..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. E... I....

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. F...et MmeG..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2015.

''

''

''

''

N° 14LY02669 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02669
Date de la décision : 08/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Procédure préalable à l'autorisation administrative. Entretien préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS F. LEVEQUE et C. VALLEE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-01-08;14ly02669 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award