Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 juin 2013, présentée pour la société Saxotel Suisse SA, dont le siège social est In Riaux 1726 Farvagny le Grand ;
La société Saxotel Suisse demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903764 du 12 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution à cet impôt et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 à 2003 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société Saxotel Suisse soutient que :
- la société l'Equipement Hôtelier dont le siège social est situé à Annecy ne constitue pas un établissement stable au sens des dispositions de l'article 209-I du code général des impôts et de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 ;
- elle a été taxée en Suisse sur ses résultats ;
- la majoration de 80 %, prévue par l'article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte n'est pas motivée ni fondée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui conclut au rejet de la requête ;
Le ministre de l'économie et des finances soutient que :
- la société Saxotel Suisse dispose d'un établissement stable en France dans les locaux de la société l'Equipement Hôtelier au sens des dispositions de l'article 209-I du code général des impôts et de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 ;
- la majoration de 80 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts est fondée, la société Saxotel Suisse ayant exercé une activité occulte au cours des exercices vérifiés ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 décembre 2014, présenté pour la société Saxotel Suisse qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;
La société Saxotel Suisse soutient, en outre, qu'elle doit bénéficier d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt qu'elle a acquitté en Suisse pour chacune des années concernées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 55 ;
Vu la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, modifiée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2015 :
- le rapport de Mme Bouissac, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;
1. Considérant que la société l'Equipement Hôtelier et sa filiale de droit suisse, la société Saxotel Suisse, dont l'objet est la vente de produits manufacturés dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration, ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant respectivement sur les exercices clos les 31 mars 2000, 2001 et 2002 et les 30 juin 2001, 2002 et 2003 ; qu'à l'issue de ces contrôles et au regard des éléments recueillis lors de l'exercice de son droit de visite et de saisie dans les locaux de la société l'Equipement Hôtelier, l'administration fiscale a considéré que la société Saxotel Suisse disposait à Annecy, dans les locaux de la société l'Equipement Hôtelier, d'un établissement stable dont les bénéfices ont été regardés comme imposables en France en application de l'article 209-I du code général des impôts et de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 ; qu'il en est résulté des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales au titre des exercices 2001 à 2003 ; que la société Saxotel Suisse relève appel du jugement du 12 avril 2013, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge desdites impositions ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
2. Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des pièces saisies par l'administration fiscale le 6 juillet 2004 lors du droit de visite effectué par la direction nationale d'enquêtes fiscales en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, que si le siège social de la société Saxotel était, au cours des années d'imposition en litige, installé à l'adresse du cabinet d'expertise comptable ECA situé 37 boulevard de Perolles à Fribourg (Suisse), aucun document ne permettait d'attribuer un quelconque rôle au dirigeant statutaire, M. A... dans la gestion de ladite société, lequel était également administrateur de nombreuses sociétés suisses et notamment du cabinet ECA alors que M. Jean-Luc Saxod, président de la société l'Equipement Hôtelier, disposait de nombreux pouvoirs afin d'engager la société suisse et notamment signer les offres de prix, les confirmations de commandes et les correspondances avec les clients suisses, d'effectuer du compte bancaire de la société l'Equipement Hôtelier ouvert auprès de l'établissement financier Coop à Genève des virements au profit de la société Saxotel Suisse et de procéder au recrutement d'un salarié de la société Saxotel Suisse, dont le contrat et le suivi de ses missions étaient assurés par la société l'Equipement Hôtelier ; que le service a relevé en outre que la société française l'Equipement Hôtelier gérait la facturation pour le compte de la société suisse et que cette dernière n'avait pas employé de personnel au cours des exercices 2002 et 2003, les comptes de résultats mentionnant des charges de personnel de 414 et 708 francs suisses au titre desdits exercices ; qu'il ressort de divers documents saisis que le suivi des marchandises, des clients douteux ainsi que la gestion commerciale étaient également assurés par des salariés depuis les locaux de la société l'Equipement Hôtelier ; qu'ainsi, l'administration établit l'existence d'une entreprise exploitée en France à partir de laquelle s'exerçait l'activité de la société Saxotel Suisse ; qu'il en résulte que les bénéfices tirés de cette activité sont imposables à l'impôt sur les sociétés en application de la loi fiscale française ;
En ce qui concerne l'application de la convention fiscale franco-suisse :
5. Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 7 de la convention franco-suisse susvisée du 9 septembre 1966 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices industriels et commerciaux de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement " ; qu'aux termes de l'article 5 de la même convention: "1. Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. - 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : (...) c) un bureau (...) - 3. On ne considère pas qu'il y a établissement stable si : a) il est fait usage d'installations aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l'entreprise ; b)des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison ; c) des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de transformation par une autre entreprise ; d) une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins d'acheter des marchandises ou de réunir des informations pour l'entreprise ; e) une installation fixe d'affaires est utilisée, pour l'entreprise, aux seules fins de publicité, de fourniture d'informations, de recherches scientifiques ou d'activités analogues qui ont un caractère préparatoire ou auxiliaire (...)7. Le fait qu'une société qui est un résident d'un Etat contractant contrôle ou est contrôlée par une société qui est un résident de l'autre Etat contractant ou qui y exerce son activité (que ce soit par l'intermédiaire d'un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-même, à faire de l'une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l'autre (...) " ;
6. Considérant que la société requérante soutient que les locaux situés à Annecy ne sauraient être qualifiés d'établissement stable dans la mesure où elle réalise son activité à partir de la Suisse, pays dans lequel se situe son fonds de commerce et à partir duquel elle démarche sa clientèle suisse et rémunère ses salariés ; que, toutefois, compte tenu de l'ensemble des éléments ci-dessus décrits, la société Saxotel Suisse doit être regardée comme ayant eu au cours des trois exercices litigieux une installation fixe d'affaires dans les locaux d'Annecy caractérisant l'existence d'un établissement stable localisé en France au sens des stipulations de la convention fiscale franco-suisse lesquelles ne s'opposent pas à l'imposition en France des bénéfices qu'elle a tirés de l'activité dudit établissement au cours de la période litigieuse alors qu'en tout état de cause, par les pièces qu'elle produit, la requérante n'établit pas avoir acquitté l'impôt en Suisse sur les bénéfices litigieux ;
Sur l'application de la majoration de 80 % sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 p. 100. 2. Le décompte de l'intérêt de retard est arrêté soit au dernier jour du mois de la notification de redressement, soit au dernier jour du mois au cours duquel la déclaration ou l'acte a été déposé. 3. La majoration visée au 1 est portée à : (...) 80 p. 100 en cas de découverte d'une activité occulte. " ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. (...) " ; que ces dispositions imposent à l'administration d'énoncer les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision d'infliger une sanction fiscale ; que si la proposition de rectification du 22 mars 2005 précise les dispositions applicables, elle ne comporte pas les considérations de fait retenues par l'administration pour justifier l'application des majorations ; qu'elle est, par suite, insuffisamment motivée ;
9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Saxotel Suisse est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en ce qu'elle tendait à la décharge de la pénalité prévue à l'article 1728 du code général des impôts dont ont été assortis les droits rappelés ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Saxotel Suisse présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La société Saxotel Suisse est déchargée de la pénalité de 80 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts.
Article 2 : Le jugement n° 0903764 du 12 avril 2013 du Tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Saxotel Suisse et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2015 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Bouissac, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 janvier 2015.
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N° 13LY01475
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