Vu, I, sous le n °14LY03288, la requête enregistrée le 28 octobre 2014, présentée pour Mme C...B..., domiciliée ...;
Mme B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1404753 du 24 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône en date du 28 janvier 2014 qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, sous astreinte, de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour temporaire avec autorisation de travail, ou, à titre subsidiaire, dans l'attente du réexamen de sa situation, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve des dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient qu'aucun traitement n'existe pour son enfant au Kosovo ; que les documents sur lesquels s'appuie le préfet ne sont pas à jour ; que les médicaments prescrits à sa fille ne sont pas commercialisés au Kosovo ; que l'enfant ne peut voyager en direction du Kosovo, ce que ne conteste pas le préfet ; que l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ; qu'il y a violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'elle vit en France depuis 2008, a six enfants scolarisés, son mari ayant bénéficié de contrats d'insertion ; qu'ils parlent Français et sont insérés ; qu'ils ont de la famille en France ; que l'obligation de quitter le territoire français est sans base légale et méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que 3-1 de la convention des droits de l'enfant ; que la communauté Rom, à laquelle elle appartient, est marginalisée dans son pays ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 décembre 2014, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il expose qu'un traitement approprié pour son enfant est disponible au Kosovo ; qu'elle ne peut donc bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour au titre de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le L-Thyroxine est disponible au Kosovo et ce médicament est enregistré dans ce pays comme cela ressort de la liste actualisée tenue par l'agence de médicaments du Kosovo ; que l'indication selon laquelle l'état de santé du demandeur lui permet de voyager n'est pas substantielle, ne devant être portée que dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, ce qui n'est pas le cas ici ; que les pièces médicales ne font pas état de l'incapacité pour l'enfant de voyager sans risque vers son pays d'origine ; qu'il n'y a pas d'atteinte portée à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou à l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant ; que l'exception d'illégalité des refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée ; qu'il n'y a aucun risque avéré de mauvais traitement au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu, II, sous le n° 14LY03289, la requête enregistrée le 28 octobre 2014, présentée pour Mme C...B..., domiciliée ...;
Mme B...demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1404753 du 24 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône en date du 28 janvier 2014 qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, sous réserve des dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Elle fait valoir que le sursis à exécution du jugement est justifié sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ; que l'exécution de l'arrêté risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ; que les moyens énoncés dans la requête n° 14LY03288 sont sérieux ;
Vu le jugement dont le sursis à exécution est demandé ;
Vu les deux décisions du 5 novembre 2014, par lesquelles le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à l'intéressée ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 décembre 2014, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Il indique que les conditions posées par l'article R. 811-7 du code de justice administrative ne sont pas remplies ;
Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 2015 :
- le rapport de M. Picard, président-assesseur,
- et les observations de Me D...substituant Me Matari, avocat de MmeB... ;
1. Considérant que les requêtes susvisées de Mme B...sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
2. Considérant que MmeB..., ressortissante kosovare née en 1985 à Mitrovica (ex-République fédérative socialiste de Yougoslavie) et entrée en France, selon elle, en novembre 2008 avec son époux, M.A..., et leurs enfants, relève appel d'un jugement du Tribunal administratif de Lyon du 24 septembre 2014 qui a rejeté sa demande d'annulation d'un arrêté du préfet du Rhône du 28 janvier 2014 portant refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obligation pour elle de quitter le territoire français et désignation du pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;
3. Considérant que selon l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313- 11, sous réserve qu'il justifie résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...), dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 (...) " ; que cette dernière disposition intéresse " l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) " ; que l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé prévoit que, au vu d'un " rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. (...) " ;
4. Considérant que, dans son avis rendu le 9 septembre 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, que l'état de santé de la fille de MmeB..., Skurta, née en 2010, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine, que les soins nécessaires, qui présentent un caractère de longue durée, doivent être poursuivis pendant 12 mois et qu'elle ne peut voyager sans risque vers son pays d'origine ;
5. Considérant que si l'intéressée fait valoir que le traitement de l'enfant, constitué de L-Thyroxine, ne serait pas disponible sous forme de gouttes au Kosovo, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la liste des médicaments actualisée du 2 décembre 2014 de l'agence de médicaments du Kosovo, que ce produit existe dans ce pays, rien dans les pièces fournies ne permettant d'affirmer que son administration à des enfants, autrement que sous forme de gouttes, serait absolument impossible et que, de ce fait, Skurta ne pourrait bénéficier du moindre traitement approprié au Kosovo ; que, toutefois, le préfet, qui devait s'en assurer, n'apporte aucun élément qui permettrait de remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé sur l'impossibilité pour Skurta de voyager sans risque vers le Kosovo ; qu'il n'est ni allégué ni établi que Mme B...ne résiderait pas habituellement en France avec son enfant ni qu'elle ne subviendrait pas à son entretien ou à son éducation ; que, dans ces conditions, le préfet ne pouvait pas, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser à Mme B...l'autorisation de séjourner à ce titre sur le territoire ; qu'elle est ainsi fondée à demander l'annulation du refus de séjour qui lui a été opposé mais également, par voie de conséquence, l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français dont elle a fait l'objet et de la décision fixant le pays de destination ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
8. Considérant que, eu égard au motif retenu, le présent arrêt n'implique pas nécessairement que l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soit délivrée à l'intéressée ; qu'il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'intéressée et de statuer à nouveau sur son cas dans un délai d'un mois ;
9. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 24 septembre 2014, les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont sans objet ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par le préfet du Rhône sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocat de Mme B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à celui-ci, sur le fondement des mêmes dispositions combinées avec celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par MmeB....
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 24 septembre 2014 est annulé.
Article 3 : L'arrêté du préfet du Rhône du 28 janvier 2014 est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme B...une autorisation provisoire de séjour et de statuer à nouveau sur son cas dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à l'avocat de Mme B...une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2014, à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de la formation de jugement,
M. Chenevey, premier conseiller,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 février 2015.
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N° 14LY03288,...
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