Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2013, présentée pour la commune d'Aix-en-Diois (26150), représentée par son maire ;
La commune d'Aix-en-Diois demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1103000 du 10 octobre 2013 du Tribunal administratif de Grenoble qui a annulé partiellement, à la demande de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA) de la Drôme, l'arrêté du préfet de la Drôme du 1er avril 2011 approuvant la carte communale de la commune, en tant qu'il concerne la parcelle AE n° 66 au lieudit Le Moulin ;
2°) de rejeter la demande présentée par la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de la Drôme devant le tribunal administratif de Grenoble ;
3°) de mettre à la charge de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de la Drôme une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les conclusions présentées par la FRAPNA devant le tribunal administratif étaient irrecevables car dirigées contre le seul arrêté du préfet alors que la carte communale résulte également d'une délibération ; que la demande de la FRAPNA n'a pas été notifiée au préfet ; que la FRAPNA ne justifie d'aucun intérêt à agir contre l'arrêté du préfet approuvant sa carte communale, les seuls statuts qu'elle a produits étant des statuts régionaux ; que l'ouverture à l'urbanisation de la parcelle cadastrée section AE n° 66 n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que c'est à juste titre que le tribunal administratif a écarté les autres moyens soulevés par la FRAPNA ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 17 octobre 2014 fixant la clôture d'instruction au 25 novembre 2014 ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2014, présenté pour la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de la Drôme, dont le siège est au 38 Avenue de Verdun à Valence (26000), représentée par son président, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Aix-en-Diois en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que le maire de la commune d'Aix-en-Diois n'a pas été régulièrement habilité à interjeter appel du jugement du tribunal administratif ; que la commune n'était pas partie en première instance et que son appel n'est donc pas recevable ; que les moyens soulevés par la commune d'Aix-en-Diois ne sont pas fondés ;
Vu l'ordonnance en date du 24 novembre 2014 reportant la date de la clôture de l'instruction au 11 décembre 2014 et l'ordonnance en date du 11 décembre 2014 rouvrant l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2014, présenté pour la commune d'Aix-en-Diois, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, qui n'a pas produit d'observations ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 février 2015, présentée pour la commune d'Aix-en-Diois ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2015 :
- le rapport de Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- et les observations de Me Plunian, avocat de la commune d'Aix-en-Diois, et celles de Me Bras, avocat de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de la Drôme ;
1. Considérant que, par un jugement du 10 octobre 2013, le Tribunal administratif de Grenoble a partiellement annulé, à la demande de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA) de la Drôme, l'arrêté du préfet de la Drôme du 1er avril 2011 approuvant la carte communale d'Aix-en-Diois, en tant qu'il concerne la parcelle AE n° 66 au lieudit Le Moulin ; que la commune d'Aix-en-Diois relève appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité de la demande présentée par la FRAPNA de la Drôme auprès du Tribunal administratif de Grenoble :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme : " les cartes communales sont approuvées, après enquête publique, par le conseil municipal et le préfet. Elles sont approuvées par délibération du conseil municipal puis transmises pour approbation au préfet, qui dispose d'un délai de deux mois pour les approuver. A l'expiration de ce délai, le préfet est réputé les avoir approuvées. Les cartes communales approuvées sont tenues à la disposition du public. " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'adoption de la carte communale est subordonnée à une double approbation par une délibération du conseil municipal et par un arrêté du représentant de l'Etat ; que, contrairement à ce que soutient la commune d'Aix-en-Diois, ces actes ne constituent pas une seule décision indivisible mais deux actes distincts susceptibles d'être contestés, chacun pour ce qui le concerne, devant le juge de l'excès de pouvoir ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient la commune, la FRAPNA de la Drôme était recevable à ne demander au Tribunal administratif de Grenoble que l'annulation de l'arrêté préfectoral du 1er avril 2011 ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 411-7 du code de justice administrative : " La présentation des requêtes dirigées contre un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol est régie par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ci-après reproduit : article R. 600-1 : En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation " ; qu'à la date à laquelle la FRAPNA a saisi le tribunal d'une demande d'annulation de l'arrêté contesté, les formalités de notification préalable du recours prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et reprises à l'article R. 411-7 du code de justice administrative, ne trouvaient plus à s'appliquer qu'aux seules requêtes dirigées contre les décisions relatives à l'occupation ou l'utilisation du sol, à l'exclusion des documents d'urbanisme, dont les cartes communales en particulier ; que la circonstance que la FRAPNA de la Drôme a informé la commune d'Aix-en-Diois de son recours contre l'arrêté du 1er avril 2011 est, par elle-même, sans la moindre incidence sur l'applicabilité des dispositions précitées ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'accomplissement des formalités de notification prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écartée ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 des statuts de la section Drôme de la FRAPNA : " Cette association a pour buts : - la défense, la sauvegarde, la protection et la valorisation de l'environnement, des sites, des zones agricoles, des écosystèmes, des milieux naturels, de la faune et de la flore qu'ils abritent dans le département de la Drôme (...) - l'action en faveur de l'application et du respect des lois et de la réglementation communautaire, nationale et internationale dans le domaine de la protection de la nature, de l'environnement, de l'urbanisme et du cadre de vie (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de ces statuts : " la zone d'action privilégiée de l'association est le département de la Drôme. L'association a vocation à traiter de tout objet, question, projet ayant une incidence directe ou indirecte sur le statut des écosystèmes drômois et des équilibres auxquels ils participent, sur les milieux urbains, naturels, agricoles et forestiers " ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la commune d'Aix-en-Diois, la FRAPNA-Drôme, qui est agréée au titre du code de l'environnement, n'a pas un objet social régional mais départemental ; que, eu égard aux effets produits par la carte communale en litige, qui emporte notamment l'ouverture à l'urbanisation d'espaces naturels d'une commune drômoise, la FRAPNA-Drôme dispose d'un intérêt lui donnant qualité à contester ce document ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la FRAPNA serait dépourvue d'intérêt pour agir doit être écartée ;
Sur la légalité du classement de la parcelle cadastrée section AE n° 66 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme : " I. - Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières sont préservées (...).II.-Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard. III. - (...) l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants. Lorsque la commune est dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale, ce document peut délimiter les hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants en continuité desquels il prévoit une extension de l'urbanisation, en prenant en compte les caractéristiques traditionnelles de l'habitat, les constructions implantées et l'existence de voies et réseaux (...). Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas dans les cas suivants : a) Lorsque le schéma de cohérence territoriale ou le plan local d'urbanisme comporte une étude justifiant, en fonction des spécificités locales, qu'une urbanisation qui n'est pas située en continuité de l'urbanisation existante est compatible avec le respect des objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux I et II ainsi qu'avec la protection contre les risques naturels ; l'étude est soumise, avant l'arrêt du projet de schéma ou de plan, à la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites dont l'avis est joint au dossier de l'enquête publique ; le plan local d'urbanisme ou la carte communale délimite alors les zones à urbaniser dans le respect des conclusions de cette étude ; b) En l'absence d'une telle étude, le plan local d'urbanisme ou la carte communale peut délimiter (...) à titre exceptionnel et après accord de la chambre d'agriculture et de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, des zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées, si le respect des dispositions prévues aux I et II ou la protection contre les risques naturels imposent une urbanisation qui n'est pas située en continuité de l'urbanisation existante (...) " ;
6. Considérant qu'à la date d'approbation de la carte communale, la commune n'était pas couverte par un plan d'urbanisme et ne se trouvait pas dans le périmètre d'un schéma de cohérence territoriale ; que, dans ces conditions, les dispositions du a) du III de l'article L. 145-3 ci-dessus étaient inapplicables ;
7. Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section AE n° 66, située au lieu-dit " Le Moulin ", d'une superficie de 5 000 m², est rattachée à une vaste zone agricole non constructible ; que si elle se trouve à proximité d'un secteur qui comprend un groupe d'une quinzaine d'habitations, elle en est séparée par une voie publique et se situe dans un compartiment de terrains différent, ne pouvant être regardée comme située en continuité de cette urbanisation ;
8. Considérant que si la commune soutient que le projet de lotissement existant sur la parcelle en litige serait nécessaire pour maintenir ou développer les activités agricoles ou pastorales situées dans le secteur du Pont de Quart, la chambre d'agriculture et la commission départementale de la nature ayant estimé que la valeur agronomique des sols dans ce secteur était d'une qualité supérieure à celle du secteur du Moulin, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport de présentation, que les auteurs de la carte envisagent, à terme, d'ouvrir le secteur du Pont de Quart à l'urbanisation et d'y instituer, dans un premier temps, un droit de préemption, tandis qu'aucun des documents constitutifs de la carte n'apporte de précisions sur les conditions exactes de préservation de ce secteur ; qu'il apparaît en outre, et n'est pas sérieusement contesté, que l'extension de l'urbanisation demeure possible dans des parties de la commune autres que le seul secteur du " Moulin " ; qu'ainsi, l'ouverture à l'urbanisation de la parcelle cadastrée section AE n° 66 ne se justifiait pas en application des prescriptions du b) du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme ; qu'il s'ensuit que, faute pour cette parcelle d'être en continuité avec une zone urbanisée, son classement en zone constructible méconnait le III de cet article ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la FRAPNA à la requête de la commune d'Aix-en-Diois, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a partiellement annulé l'arrêté du préfet de la Drôme du 1er avril 2011 approuvant la carte communale de la commune, en tant qu'il concerne la parcelle AE n° 66 au lieudit Le Moulin ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la commune d'Aix-en-Diois au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la FRAPNA, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la commune d'Aix-en-Diois à ce titre ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune d'Aix-en-Diois est rejetée.
Article 2 : La commune d'Aix-en-Diois versera une somme de 1 500 euros à la FRAPNA Drôme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aix-en-Diois, à la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de la Drôme et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 3 février 2015, à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de la formation de jugement,
M. A...et Mme Vaccaro-Planchet, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 24 février 2015.
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N° 13LY03215
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