Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2014, présentée pour Mme B...A..., demeurant "... ;
Mme A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401011-1401012 du 18 février 2014 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 11 décembre 2013 par lesquelles le préfet de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination, et de l'arrêté du 27 janvier 2014 par lequel le préfet de l'Ain l'a assignée à résidence ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'elle peut exciper de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que son mari est affecté d'un état anxio-dépressif et doit être soigné en France ; que la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle justifiait de plus de trois années de séjour régulier en France et pouvait de ce fait bénéficier d'un certificat de résidence de dix ans en vertu de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ; que sa situation justifiait une admission exceptionnelle au séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ; qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence ; qu'elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 28 juillet 2014, présenté pour le préfet de l'Ain, qui conclut au rejet de la requête en soutenant qu'aucun des moyens n'est fondé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du 27 mars 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) a refusé le bénéfice de l'aide juridictionnelle à Mme A...;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2015 :
- le rapport de M. Besse, premier conseiller ;
1. Considérant que MmeA..., de nationalité algérienne, né en 1986, est entré en France avec son mari en janvier 2011 ; qu'elle a déposé une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 25 juillet 2011 ; que Mme A... a bénéficié de certificat de résidence, pour accompagner son mari, au regard de l'état de santé de ce dernier, du 27 septembre 2011 au 26 septembre 2012, renouvelé jusqu'au 26 septembre 2013 ; que, par décisions du 11 décembre 2013, le préfet de l'Ain a refusé de renouveler son titre de séjour et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par arrêté du 27 janvier 2014, le préfet de l'Ain a ordonné son assignation à résidence ; que, par jugement du 18 février 2014, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation des décisions du 11 décembre 2013 par lesquelles le préfet de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination, et de l'arrêté du 27 janvier 2014 par lequel le préfet de l'Ain l'a assignée à résidence ; que Mme A...relève appel de ce jugement ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus(...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que Mme A...fait valoir qu'elle résidait en France depuis plus de deux années à la date de la décision attaquée, que son troisième enfant est né en France, et qu'elle doit demeurer en France aux côtés de son époux, compte tenu de l'état de santé de ce dernier ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que ce dernier peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie ; que, dans ces conditions, et compte tenu du caractère récent du séjour en France de l'intéressée, dont le mari a fait l'objet d'un refus de titre de séjour le même jour, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations précitées ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. / Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande.(...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) :(...) h) Au ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", lorsqu'il remplit les conditions prévues aux alinéas précédents ou, à défaut, lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France. " ; que Mme A...ne justifiant pas d'une résidence ininterrompue en France depuis plus de trois années à la date de la décision de refus de titre de séjour, elle ne peut en tout état de cause se prévaloir des stipulations précitées ;
4. Considérant que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés ; qu'il suit de là que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance, ne sont, à l'exception de certaines dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers et qui n'ont pas été écartées par une stipulation contraire expresse contenue dans ledit accord, pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent des règles fixées par ledit accord ; que, dès lors, Mme A...n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas, non plus, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; que, par décision du même jour, le préfet de l'Ain a obligé le mari de Mme A...à quitter le territoire français ; que la décision litigieuse n'a, ainsi, pas pour effet, ni pour objet, de séparer les enfants d'un de leurs parents ; que, si la requérante fait valoir que ses trois enfants sont bien intégrés, deux étant scolarisés, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que l'intérêt supérieur de ces enfants aurait été méconnu par la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que Mme A...soutient qu'elle serait exposée à des risques de torture et traitement inhumain en Algérie en raison de la qualité d'ancien agent secret de ce pays de son mari ; qu'elle produit par ailleurs des pièces attestant que ce dernier a été entendu, du fait de ses anciennes fonctions, en janvier 2015 en qualité de témoin au pôle antiterroriste du Tribunal de grande instance de Paris ; que le préfet de l'Ain, auquel ces documents ont été communiqués, n'a pas contesté les éléments ainsi avancés par la requérante ; que, dans ces conditions, Mme A...établit qu'elle serait susceptible d'être exposée, en cas de retour en Algérie, à des peines ou traitements inhumains ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance des stipulations précitées et doit être annulée ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MmeA..., qui ne soulève aucun moyen distinct contre l'arrêté du 27 janvier 2014 par lequel le préfet de l'Ain l'a assignée à résidence, est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;
11. Considérant que, si l'arrêt, qui annule la décision fixant le pays de destination, n'implique pas que le préfet du Rhône délivre un titre de séjour à MmeA..., il implique qu'il réexamine sa situation, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Ain de réexaminer la situation de l'intéressée dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour ;
Sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme A...au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 11 décembre 2013 du préfet de l'Ain fixant le pays à destination duquel Mme A...serait susceptible d'être reconduite est annulée.
Article 2 : Le jugement n° 1401011-1401012 du 18 février 2014 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Il est fait injonction au préfet de l'Ain de réexaminer la situation de Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2015 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Bouissac, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 avril 2015.
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N° 14LY00932