Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Rozana a demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
- d'annuler la mise en demeure du 5 mars 2012 de l'inspecteur principal de la direction départementale de la protection des populations du Puy-de-Dôme, lui enjoignant, à partir du 1er septembre 2012, de ne plus utiliser sur l'ensemble de ses étiquetages et films de packs les mentions " source de magnésium, Rozana possède le magnésium le plus élevé des eaux de grande consommation vendues en grandes surfaces ", " Rozana est l'eau minérale qui possède le plus de magnésium des eaux de grande consommation vendues en grandes surfaces ", ensemble la décision du 5 juin 2012 rejetant son recours gracieux formé le 20 avril 2012 ;
- d'annuler la décision du 29 mai 2012 du sous-directeur des produits agricoles et alimentaires à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes refusant la mention, sur l'étiquetage de l'eau minérale naturelle Rozana conditionnée en bouteilles d'un litre, des termes " contient du magnésium ", " source de magnésium " ou " riche en magnésium ".
Par un jugement n° 1201333 du 19 décembre 2013, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 mars 2014, la société Rozana, dont le siège social est 70 avenue des Sources à Saint-Yorre (03270), représentée par son président en exercice, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1201333 du 19 décembre 2013 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur le point de savoir si l'article 5 de l'annexe du règlement CE n° 1924/2006 du 20 décembre 2006 qui renvoie à l'annexe de la directive n° 90/496/CE pour définir les quantités significatives de vitamines ou de sels minéraux pour utiliser les allégations nutritionnelles " source de " " riche en " est conforme, d'une part, aux dispositions de la directive 2009/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 relative à l'exploitation et à la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles et, d'autre part, à l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, relatif à la liberté d'entreprise ;
3°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le jugement attaqué a écarté le moyen tiré de ce que le signataire de la décision du 29 mai 2012 n'aurait pas disposé de la qualité d'agent de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, conformément aux dispositions de l'article
L. 218-5 du code de la consommation, au motif que ladite décision, qui n'était pas prise sur recours hiérarchique, ne constituait pas une des mesures pouvant être prises en vertu des dispositions de cet article, alors que le courrier du 20 avril 2012 constituait bien un recours administratif hiérarchique, adressé à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à laquelle est rattachée la direction départementale du Puy-de-Dôme dont la mise en demeure du 5 mars 2012 était contestée ; en sa qualité de sous-directeur de la DGCCRF le signataire ne disposait pas de l'autorité nécessaire pour signer ladite décision ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que, d'une part, l'eau minérale naturelle gazeuse commercialisée par la société entrait dans le champ d'application du règlement CE n° 1924/2006 du 20 décembre 2006 relatif aux denrées alimentaires et de l'article 2 du règlement CE n° 178/2002 du 28 janvier 2002 définissant les conditions d'utilisation des allégations nutritionnelles et, d'autre part, que la DDPP du Puy-de-Dôme s'était bornée à faire application de la réglementation de l'Union européenne applicable, alors que la directive n° 90/496/CE applique des quantités significatives de nutriment qui ne sont pas adaptées aux caractéristiques des eaux minérales naturelles ; l'application indirecte, par le règlement n° 1924/2006, des dispositions de la directive n° 90/496/CE aux eaux minérales naturelles Rozana pour interdire l'utilisation des allégations nutritionnelles " source de magnésium " et " riche en magnésium " est illégale car elle méconnaît l'article 2 de la directive n° 90/496/CE et l'article 1er du règlement n° 1924/2006 ; l'interprétation de la règlementation européenne à laquelle s'est livré le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est incompatible avec l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui reconnaît la liberté d'entreprise ;
- c'est à tort que le jugement attaqué a décidé que la bouteille d'un litre d'eau minérale naturelle gazeuse Rozana ne constitue pas un emballage contenant une seule portion au sens des dispositions de l'annexe de la directive n° 90/496/CE du 24 septembre 1990.
Par un mémoire enregistré le 1er août 2014, le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- en application de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005, le signataire de la décision du 29 mai 2014, avait compétence, en sa qualité de sous-directeur, en charge de la sous-direction des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires, à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à l'administration centrale du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, pour répondre à la demande de la société Rozana ;
- dès lors que le règlement (CE) n° 1924/2006 s'applique sans préjudice de la directive 2009/54, lorsque des mentions où allégations sont prévues à l'annexe III de l'arrêté du 14 mars 2007, l'emploi de ces mentions ou allégations est soumis au respect des règles énoncées dans cet arrêté et, en revanche, lorsqu'il s'agit d'allégations non prévues par cette réglementation spécifique ou qui n'ont pas le même sens que celles figurant dans l'arrêté, les dispositions du règlement (CE) n° 1924/2006 peuvent s'appliquer ; en l'espèce, l'article 2 du règlement (CE) n° 1924/2006 définit les allégations nutritionnelles dont il fixe une liste exhaustive des seules allégations nutritionnelles autorisées ; le renvoi à la directive 90/496/CEE est un renvoi aux chiffres disponibles dans l'annexe de cette directive permettant de déterminer ce qui constitue une " quantité significative " de sels minéraux, soit 15 % des apports journaliers recommandés pour 100 g ou 100 ml ou par portion ; les allégations " source de magnésium " ou " contient du magnésium " ou toute allégation ayant le même sens sont donc soumises aux dispositions du règlement (CE) n° 1924/2006 ;
- contrairement à ce que soutient la société requérante, un litre d'eau minérale naturelle peut constituer la dose journalière recommandée, mais la notion de litre ne peut convenir pour définir une portion pour l'application de la directive.
Par un mémoire enregistré le 5 mai 2015, la société Rozana maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le traité sur l'Union européenne, notamment son article 6, paragraphe 1 ;
- le règlement (CE) n° 1924/2006 du Conseil des Communautés européennes du 20 décembre 2006 ;
- la directive n° 90/496/CE du Conseil du 24 septembre 1990 ;
- la directive 2009/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 ;
- le code de la consommation ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- l'arrêté du 14 mars 2007 relatif aux critères de qualité des eaux conditionnées, aux traitements et mentions d'étiquetage particuliers des eaux minérales naturelles et de source conditionnée ainsi que de l'eau minérale naturelle distribuée en buvette publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 21 mai 2015 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Vermersch, avocat de la société Rozana.
1. Considérant que par une décision du 5 mars 2012, l'inspecteur principal de la direction départementale de la protection des populations du Puy-de-Dôme a mis en demeure la société Rozana, qui assure la vente et la distribution de l'eau minérale gazeuse " Rozana ", de ne plus utiliser au départ d'usine les mentions " source de magnésium, Rozana possède le magnésium le plus élevé des eaux de grande consommation vendues en grandes surfaces ", " Rozana est l'eau minérale qui possède le plus de magnésium des eaux de grande consommation vendues en grandes surfaces ", sur l'ensemble de ses étiquetages et films de packs ; que par une décision du 5 juin 2012, le recours gracieux formé le 20 avril 2012 par la société Rozana contre cette mise en demeure a été rejeté ; que par une décision du 29 mai 2012, le sous-directeur des produits agricoles et alimentaires à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a rejeté la demande de ladite société de mentionner, sur l'étiquetage de l'eau minérale naturelle Rozana conditionnée en bouteilles d'un litre, des termes " contient du magnésium ", " source de magnésium " ou " riche en magnésium " ; que la société Rozana fait appel du jugement du 19 décembre 2013 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 215-1 du code de la consommation : " Sont qualifiés pour procéder dans l'exercice de leurs fonctions à la recherche et à la constatation des infractions au présent livre : 1° Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de la direction générale des douanes et de la direction générale des finances publiques ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 218-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque les agents mentionnés à l'article L. 215-1 constatent qu'une prestation de services n'est pas conforme à la réglementation en vigueur prise en application du présent livre, ils peuvent en ordonner la mise en conformité, dans un délai qu'ils fixent. (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le signataire de la décision du 29 mai 2012 appartient a un corps d'agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, en sa qualité de sous-directeur, en charge de la sous-direction des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires, à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à l'administration centrale du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; que, par suite, et alors qu'il relevait en outre du 2° de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé, relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, en sa qualité de sous-directeur, lui donnant compétence pour signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité, il était compétent pour répondre à la demande de la société Rozana ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, aux termes de l'article 2 du règlement CE n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relatif aux allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires : " Aux fins du présent règlement: a) les définitions des termes "denrée alimentaire", (...) figurant à l'article 2 (...) du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, sont applicables " ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du règlement CE n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 : " Aux fins du présent règlement, on entend par "denrée alimentaire" (ou "aliment"), toute substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d'être ingéré par l'être humain. / Ce terme recouvre les boissons, les gommes à mâcher et toute substance, y compris l'eau, intégrée intentionnellement dans les denrées alimentaires au cours de leur fabrication, de leur préparation ou de leur traitement. Il inclut l'eau au point de conformité défini à l'article 6 de la directive 98/83/CE, sans préjudice des exigences des directives 80/778/CEE et 98/83/CE " ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement CE n° 1924/-2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 : " 1. L'emploi d'allégations nutritionnelles et de santé n'est autorisé que si les conditions suivantes sont remplies : / (...) / e) les conditions spécifiques énoncées, selon le cas, au chapitre III (...) sont remplies " ; qu'aux termes de l'article 8 du même règlement : " 1. Les allégations nutritionnelles ne sont autorisées que si elles sont énumérées dans l'annexe et conformes aux conditions fixées dans le présent règlement " ; qu'aux termes de l'annexe audit règlement, relative aux allégations nutritionnelles et conditions applicables à celles-ci : " Une allégation selon laquelle une denrée alimentaire est une source de vitamines et/ou de substances minérales, ou toute autre allégation susceptible d'avoir le même sens pour le consommateur, ne peut être faite que si le produit contient au moins la quantité significative définie à l'annexe de la directive 90/496/CEE ou une quantité prévue au titre de dérogations accordées conformément à l'article 7 du règlement (CE) n° 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant l'adjonction de vitamines, de substances minérales et de certaines autres substances aux denrées alimentaires. / (...) / Une allégation selon laquelle une denrée alimentaire est riche en vitamines et/ou en substances minérales, ou toute autre allégation susceptible d'avoir le même sens pour le consommateur, ne peut être faite que si le produit contient au moins deux fois la teneur requise pour l'allégation "source de [NOM DES VITAMINES] et/ou [NOM DES SUBSTANCES MINÉRALES]" " ; qu'aux termes de l'annexe de la directive susvisée n° 90/496/CE du Conseil du 24 septembre 1990 : " Vitamines et sels minéraux pouvant être déclarés et apport journalier recommandé (AJR) / (...) / Magnésium (mg) / 300 / (...) / De manière générale, la quantité à prendre en considération pour décider de ce qui constitue une quantité significative correspond à 15 % de l'apport recommandé spécifié à la présente annexe pour 100 g ou 100 ml ou par emballage si celui-ci ne contient qu'une seule portion " ;
7. Considérant que, d'autre part, aux termes de l'article R. 1322-44-13 du code de la santé publique, qui transpose la directive 2009/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 relative à l'exploitation et à la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles : " Est interdite toute indication attribuant à une eau minérale naturelle des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d'une maladie humaine, à l'exception des mentions, établies sur la base d'analyses physico-chimiques officiellement reconnues, dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la consommation. " ;
8. Considérant que l'annexe III de l'arrêté du 14 mars 2007 du ministre de la santé et des solidarités, relative aux mentions d'étiquetage de l'eau minérale naturelle conditionnée, pris pour l'application de l'article R. 1322-44-13 du code de la santé publique, soumet la mention " magnésienne " à une condition de teneur en magnésium supérieure à 50 mg/l (en Mg++) et la mention " riche en sels minéraux " à la teneur en sels minéraux, calculée comme résidu fixe (à 180 °C) supérieure à 1 500 mg/l ;
9. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, d'une part, l'emploi de l'une des mentions d'étiquetage de l'eau minérale naturelle conditionnée, établies sur la base d'analyses physico-chimiques officiellement reconnues, et dont la liste est fixée par l'annexe III de l'arrêté du 14 mars 2007 du ministre de la santé et des solidarités, telles les mentions " magnésienne " ou " riche en sels minéraux ", est soumis au respect des règles énoncées dans cet arrêté pris pour l'application des dispositions du code de la santé publique qui transposent la directive 2009/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 relative à l'exploitation et à la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles ;
10. Considérant qu'il en résulte également, d'autre part, que l'emploi d'allégations nutritionnelles d'une eau minérale naturelle, autres qu'une mention d'étiquetage figurant sur la liste fixée par l'annexe III de l'arrêté du 14 mars 2007 ne peut être faite, s'agissant d'une allégation nutritionnelle selon laquelle ladite eau est une source de substances minérales, ou de toute autre allégation susceptible d'avoir le même sens pour le consommateur, que si elle contient au moins la quantité significative définie à l'annexe de la directive 90/496/CEE et, s'agissant d'une allégation selon laquelle cette eau est riche en substances minérales, ou toute autre allégation susceptible d'avoir le même sens pour le consommateur, que si elle contient au moins deux fois la teneur requise pour l'allégation " source de " ; que s'agissant du magnésium, la quantité à prendre en considération pour décider de ce qui constitue une quantité significative correspond à 45 mg pour 100 g ou 100 ml ou par emballage si celui-ci ne contient qu'une seule portion ;
11. Considérant qu'il n'est pas soutenu que les dispositions de l'article R. 1322-44-13 du code de la santé publique et de l'arrêté ministériel du 14 mars 2007 pris pour l'application dudit article autorisent les mentions d'étiquetage " source de magnésium, Rozana possède le magnésium le plus élevé des eaux de grande consommation vendues en grandes surfaces ", " Rozana est l'eau minérale qui possède le plus de magnésium des eaux de grande consommation vendues en grandes surfaces " que la société Rozana a été mise en demeure de supprimer de l'étiquetage des bouteilles qu'elle commercialise ; que la société requérante, qui affirme qu'une eau minérale contenant plus de 45 mg de magnésium pour 100 ml ne serait pas consommable, n'allègue pas davantage que la teneur en magnésium de l'eau minérale naturelle Rozana correspondrait, pour 100 ml, à la quantité significative définie par référence à l'annexe de la directive susvisée n° 90/496/CE du Conseil du 24 septembre 1990 ; que la seule circonstance que l'application du règlement du 20 décembre 2006, renvoyant à l'annexe de la directive n° 90/496/CE, ferait obstacle à l'emploi des allégations nutritionnelles " riche en magnésium " ou " source de magnésium " sur l'emballage des eaux minérales naturelles, alors que les informations relatives aux minéraux sont apportées par la mention de leur " composition analytique " prévue à l'article 7.2 de la directive n° 2009/54 relative aux eaux minérales, n'est pas de nature, par elle-même, à démontrer l'illégalité des décisions en litige prises sur ce fondement ;
12. Considérant, en troisième lieu, que pour l'application des dispositions de l'annexe de la directive n° 90/496/CE du Conseil du 24 septembre 1990, selon lesquelles la quantité à prendre en considération pour décider de ce qui constitue une quantité significative correspond à 15 % de l'apport recommandé pour 100 g ou 100 ml ou " par emballage si celui-ci ne contient qu'une seule portion ", doit être regardée comme une portion la quantité d'une denrée ou d'une boisson consommée par une seule personne en une occasion de consommation unique ou au cours d'un repas ; que, dès lors, la société Rozana ne peut soutenir que, pour l'emploi de l'allégation nutritionnelle selon laquelle l'eau minérale naturelle qu'elle commercialise est une source de magnésium, doit être prise en compte la quantité significative de cet élément correspondant à 15 % de l'apport recommandé par rapport à une bouteille d'eau minérale d'un litre, en ce qu'elle constituerait une portion au sens de ladite directive ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'inspecteur principal de la direction départementale de la protection des populations du Puy-de-Dôme a pu, sans erreur de droit, mettre en demeure la société Rozana de ne plus utiliser au départ d'usine les mentions " source de magnésium, Rozana possède le magnésium le plus élevé des eaux de grande consommation vendues en grandes surfaces ", " Rozana est l'eau minérale qui possède le plus de magnésium des eaux de grande consommation vendues en grandes surfaces " ;
14. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du premier alinéa du paragraphe 1 de l'article 6 du traité sur l'Union européenne, dans sa rédaction applicable à compter du 1er décembre 2009 : " L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000 (...), laquelle a la même valeur juridique que les traités " ; qu'il résulte de ces dispositions que la légalité d'actes de droit dérivé de l'Union européenne, même entrés en vigueur avant le 1er décembre 2009, peut être examinée au regard des droits, libertés et principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux, dès lors qu'ils produisent des effets de droit au-delà de cette date ; qu'aux termes du paragraphe 3 du même article : " Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux " ;
15. Considérant qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen tiré de la méconnaissance par une directive des stipulations de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de rechercher si la directive est compatible avec les droits fondamentaux garantis par ces stipulations ; qu'il lui revient, en l'absence de difficulté sérieuse, d'écarter le moyen invoqué, ou, dans le cas contraire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, dans les conditions prévues par l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
16. Considérant, d'une part, qu'il résulte clairement des dispositions précitées de l'article 5 du règlement susvisé CE n° 1924/-2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 et de son annexe que la référence à l'annexe de la directive 90/496/CEE ne porte que sur la définition de la quantité significative qu'elle comporte, pour autoriser l'emploi d'une allégation selon laquelle une denrée alimentaire est une source de vitamines et/ou de substances minérales ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, la société Rozana ne peut soutenir que l'annexe du règlement CE n° 1924/2006 du 20 décembre 2006 en tant qu'elle renvoie à l'annexe de la directive n° 90/496/CE pour définir les quantités significatives de vitamines ou de sels minéraux pour utiliser les allégations nutritionnelles " source de " " riche en " n'est pas conforme aux dispositions de la directive 2009/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 relative à l'exploitation et à la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles, alors même qu'aux termes de l'article 2 de la directive 90/496/CEE elle ne s'applique pas "aux eaux minérales naturelles ni aux autres eaux destinées à la consommation humaine" ;
17. Considérant, d'autre part, qu'il résulte aussi clairement des dispositions précitées, et sans qu'il soit davantage besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la restriction à la liberté d'entreprendre, prévue à l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui résulterait de l'interdiction faite à un distributeur d'eau minérale naturelle de porter, sur les emballages et bouteilles de cette eau, la mention " source de magnésium " lorsque cette eau ne contient pas une quantité significative de cet élément, ou toute autre mention non réglementée par ces dispositions, est nécessaire et proportionnée au regard notamment de l'exigence de garantir un niveau élevé d'information des consommateurs ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Rozana n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Rozana est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Rozana et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2015 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2015.
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N° 14LY00760