Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la SCEA Domaine VincentD..., dont le siège social est ZA Les Champs Lins à Meursault (21190), par Me E...et MeF..., de la SELAFA CMS Bureau Francis Lefebvre, avocats ;
La SCEA Domaine Vincent D...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601288 du 25 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er septembre 1999 au 31 juillet 2002 ainsi que des majorations correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des rappels contestés et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de vérification, lequel ne portait que sur la période du 1er août 2002 au 30 juin 2003 ;
- qu'elle n'a pas été régulièrement informée de l'engagement à son encontre d'une vérification de comptabilité, conformément à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans la mesure où l'avis de vérification a été adressé à son ancien gérant, M. B... A..., et où l'administration fiscale elle-même s'est méprise sur l'identité de la personne contrôlée ; qu'en outre, les redressements notifiés en matière de taxe sur la valeur ajoutée à la suite de la vérification de comptabilité portent sur une période non visée par l'avis de vérification ;
- que le service a méconnu les dispositions des articles L. 48 et L. 57 du livre des procédures fiscales en adressant la notification de redressements du 23 décembre 2003 à M. A..., qui n'était pas le redevable de la taxe ;
- que l'administration ne pouvait, sans faire porter son contrôle sur des exercices prescrits et méconnaître les dispositions de l'article L 169 du livre des procédures fiscales, réintégrer dans ses stocks des bouteilles dont les millésimes sont antérieurs à la création de la société le 23 décembre 1993 ;
- que les bouteilles prélevées, année après année, par M. A...constituent des prélèvements de l'exploitant au sens de la doctrine administrative et sont devenues, dès leur date de prélèvement, la propriété de ce dernier, qui en avait la possession, conformément à l'article 2276 du code civil ; que ces bouteilles ne faisaient donc pas partie du stock de la société au titre des exercices litigieux ;
- que la reconstitution de son chiffre d'affaires est viciée dans la mesure où, contrairement à ce que prévoit la doctrine administrative, elle ne tient aucun compte des pertes liées à la casse de bouteilles lors de la production, du conditionnement, du stockage et du transport, ainsi qu'aux prélèvements de l'exploitant, aux dégustations et aux cadeaux ;
- que l'appréhension d'excédents de production par M. A...ne caractérise pas une livraison à soi-même au sens du 8° de l'article 257 du code général des impôts dans la mesure où, dès l'origine, les bouteilles concernées étaient destinées à sa cave privée, en vue d'opérations non taxables n'ouvrant pas droit à déduction en application de l'article 236 de l'annexe II à ce code ; qu'en l'absence de déduction de la taxe ayant grevé les dépenses de production de ces bouteilles, aucune livraison à soi-même n'est taxable ;
- que le cumul des différentes amendes douanières et fiscales mises à sa charge présente un caractère disproportionné au regard tant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a donc lieu de décharger la partie des pénalités excédant le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 février 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;
Le ministre fait valoir :
- que l'avis de vérification a bien été adressé à la SCEA Domaine VincentD..., fût-ce sous son ancienne dénomination, et portait bien, y compris en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période ayant donné lieu aux rappels litigieux ;
- que le service a limité son contrôle aux exercices clos en 2000, 2001 et 2002, non couverts par la prescription ; qu'il devait prendre en compte l'ensemble des bouteilles présentes dans le stock, quel que soit leur millésime ; que le principe d'intangibilité s'oppose à la correction du bilan d'ouverture de l'exercice clos en 2000, premier exercice non prescrit ; qu'aucune correction symétrique ne peut être effectuée en raison du caractère volontaire de l'insuffisante valorisation ou de l'omission de comptabilisation en stock des bouteilles anciennes ;
- que la SCEA n'établit pas que le stock occulte découvert par le service des douanes appartenait à M. B...A...avant son départ à la retraite en 2002 ; qu'eu égard aux quantités en cause, il ne peut s'agir de prélèvements de l'exploitant destinés à ses besoins personnels ; que, n'étant pas une entreprise individuelle, la société n'était pas dispensée de soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée les prélèvements de ses dirigeants ; que la SCEA ne peut se prévaloir d'une doctrine administrative applicable en matière de bénéfices agricoles forfaitaires ; que les prélèvements effectués par M. A...étaient donc taxables en tant que livraisons à soi-même ; qu'en l'espèce, les dépenses concourant à la fabrication des bouteilles en cause ont donné lieu à déduction de la taxe les grevant ;
- que la SCEA Domaine VincentD..., qui n'a pas été poursuivie pénalement, ne peut invoquer le principe non bis in idem ; que le juge administratif ne peut apprécier la conformité de la loi fiscale au principe de proportionnalité ; qu'au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la majoration appliquée à la société est proportionnée à la gravité des manoeuvres frauduleuses ;
Vu les deux mémoires, enregistrés le 10 février 2015, présentés pour la SCEA Domaine VincentD..., qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
La SCEA Domaine Vincent D...soutient en outre :
- que l'avis de mise en recouvrement mentionne des montants différents de ceux figurant dans la notification de redressements, sans qu'un document ait été adressé au contribuable afin de l'informer de la modification du montant des rappels effectués ; que les dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ont donc été méconnues ;
- que l'autorité de chose jugée s'attachant au jugement du tribunal correctionnel fait obstacle à ce que M. A...soit regardé comme ayant appréhendé l'ensemble des bouteilles au cours de l'exercice clos en 2002 ;
- qu'en tout état de cause, en l'absence d'erreur délibérée ou volontaire, le bilan d'ouverture de l'exercice du dernier exercice non prescrit peut être corrigé, de façon symétrique, de la valeur du stock non comptabilisé ; que le principe d'intangibilité ne peut s'appliquer s'agissant d'erreurs intervenues plus de sept ans avant l'ouverture dudit exercice, ce qui interdit de prendre en considération les bouteilles des récoltes antérieures à 1993 ;
- qu'ayant été constituée en décembre 1993, la société Domaine Henri A...et Fils ne peut, s'agissant des récoltes antérieures, être regardée comme propriétaire d'autres stocks que ceux mentionnés dans l'acte d'apport ;
- qu'en application de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004, les majorations autres que les intérêts de retard ne peuvent être appliquées aux bouteilles correspondant à des récoltes antérieures à 1999 ;
- que le vin détenu par M. A...ayant été détruit, les bouteilles en cause n'ont pu être revendues ;
- que le rappel de 23 373 francs notifié au titre de la sous-période du 1er septembre 1999 au 31 août 2000 ne correspond pas au montant des conséquences financières du contrôle, qui est de 29 373 francs ;
- qu'en ne rattachant pas les rappels notifiés en matière de taxe sur la valeur ajoutée aux exercices correspondants en matière de bénéfices agricoles, l'administration a insuffisamment motivé sa notification de redressements, a méconnu les règles de prescription et a rattaché au mauvais exercice la " cascade TVA " ; qu'en l'espèce, les rappels auraient dû être rattachés aux années civiles au cours desquelles la taxe était devenue exigible ;
Vu le mémoire distinct, enregistré le 10 février 2015, présenté pour la SCEA Domaine VincentD..., qui demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du " 1 de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 51 de la loi n° 2001-1276 de finances rectificative pour 2001 du 28 décembre 2001 " ;
Vu l'ordonnance du 4 mars 2015 par laquelle le président de la 5ème chambre de la Cour administrative d'appel de Lyon n'a pas transmis au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SCEA Domaine Vincent D...;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2015 :
- le rapport de M. Meillier, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B...A..., viticulteur, a créé le 23 décembre 1993 l'EARL Domaine Henri A...et fils, dont il est devenu gérant et unique associé, et lui a fait apport de son exploitation viticole ; qu'il a cédé le 27 mars 2002 la nue-propriété de ses titres à la SARL Vincent D...et à M. C...D..., en se réservant l'usufruit de ses parts jusqu'au 31 juillet 2002 ; que l'EARL Domaine Henri A...et fils lui a cédé le 26 juillet 2002 un stock de vin de 240,45 hectolitres ; que les 31 juillet et 1er août 2002, l'EARL Domaine Henri A...et fils a été transformée en SCEA Domaine Henri A...et fils, M. D...est devenu le gérant de la société et le siège social de celle-ci a été transféré au lieu-dit Les Champs Lins à Meursault (21190) ; qu'au 15 septembre 2003, la société a changé de dénomination et est devenue la SCEA Domaine VincentD... ;
2. Considérant que le 10 octobre 2002, l'EARL Domaine Henri A...et fils et M. B... A...ont fait l'objet d'un contrôle de l'administration des douanes et des droits indirects au cours duquel cette administration a constaté que M. A...détenait, dans les locaux de l'exploitation de son fils Laurent, un stock de vins total de 509 hectolitres, comprenant notamment les bouteilles acquises le 26 juillet 2002 auprès de l'EARL Domaine Henri A...et fils, et que les vins en cause correspondaient en partie à des excédents de production de cette exploitation, non déclarés ou déclarés sous de fausses appellations ;
3. Considérant que la SCEA Domaine Vincent D...a fait l'objet entre le 9 octobre 2003 et le 4 mai 2004 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 1999 au 31 août 2002, étendue, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, du 1er septembre 2002 au 31 juin 2003 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale, après avoir écarté comme non sincère et non probante la comptabilité tenue par l'EARL Domaine Henri A...et fils, a procédé, à partir du nombre de bouteilles vides utilisées, à la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé au titre des sous-périodes du 1er septembre 1999 au 31 août 2000, du 1er septembre 2000 au 31 juillet 2001 et du 1er août 2001 au 31 juillet 2002 ; qu'elle a également estimé que M. B...A...avait appréhendé, au moment de son départ en retraite et du changement de gérant en juillet 2002, un stock occulte de 268,55 hectolitres, constitué de vins non déclarés, et que ce prélèvement, constitutif d'une livraison à soi-même au sens du a du 1 du 8° de l'article 257 du code général des impôts, était taxable au titre de la sous-période du 1er août 2001 au 31 juillet 2002 ; qu'en conséquence la SCEA Domaine VincentD..., venant aux droits de l'EARL Domaine Henri A...et fils, s'est vu assigner des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er septembre 1999 au 31 juillet 2002, assortis d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ;
4. Considérant que, par jugement du 25 juin 2009, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de la SCEA Domaine Vincent D...tendant à la décharge des impositions litigieuses ; que la SCEA Domaine Vincent D...relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. Considérant que dans son mémoire en réplique enregistré le 26 mai 2008 devant le Tribunal administratif de Lyon, la SCEA Domaine Vincent D...a soulevé un moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales en faisant valoir que l'avis de vérification aurait été adressé à son ancien gérant et que l'administration fiscale se serait ainsi méprise sur l'identité de la personne contrôlée ; qu'il résulte du jugement attaqué, et n'est d'ailleurs pas contesté, que les premiers juges ont répondu à ce moyen ; que ce n'est, en revanche, que dans une note en délibéré enregistrée le 2 juin 2009, quelques heures après la tenue de l'audience, que la société a, pour la première fois, soutenu que la vérification de comptabilité ayant conduit aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés, relatifs à la période du 1er septembre 1999 au 31 juillet 2002, aurait porté sur une période non visée par l'avis de vérification, dans la mesure où cet avis n'aurait visé la taxe sur la valeur ajoutée que pour la période du 1er août 2002 au 30 juin 2003 ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que cette note en délibéré contenait l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la SCEA Domaine Vincent D...n'était pas été en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction ; que, dans ces conditions, et alors que le Tribunal administratif n'était pas tenu de tenir compte de cette note en délibéré et, pour ce faire, de rouvrir l'instruction et de soumettre cette note au débat contradictoire, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient entaché d'irrégularité leur jugement en ne répondant pas au moyen tiré de ce que la vérification de comptabilité a porté sur une période non couverte par l'avis de vérification ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) " ;
7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'avis de vérification en date du 23 septembre 2003 a été adressé à " Monsieur le gérant de la SCEA Domaine Henri A...et fils, ZA Les Champs Lins, 21190 Meursault " ; que, compte tenu des termes de cet avis, et alors que M. D...est devenu gérant de la société lors de la transformation de celle-ci en SCEA le 1er août 2002, il ne peut être sérieusement soutenu que ledit avis était adressé à M. B... A..., ancien gérant, pris personnellement, et non à la société elle-même ; que le pli contenant l'avis a d'ailleurs été envoyé à l'adresse du nouveau siège social de la SCEA, effectif depuis le 1er août 2002 et, dès lors, à M.D..., en sa qualité de nouveau gérant ; que si l'avis de vérification ne fait pas état de la nouvelle dénomination de la société, devenue SCEA Domaine Vincent D...à compter du 15 septembre 2003, il n'est pas contesté que ce changement de dénomination, publié au Bodacc le 21 novembre 2003, n'avait pas été porté à la connaissance de l'administration fiscale à la date de l'envoi de cet avis ; que la société requérante n'établit pas, en se référant au déroulement des opérations de vérification auxquelles ont participé tant M. A...que M. D...ainsi qu'aux termes de la demande de documents et de renseignements à nouveau adressée le 17 novembre 2003 au " gérant de la SCEA Domaine Henri A...et fils ", que le service se serait mépris quant à l'identité du contribuable contrôlé et qu'il l'aurait à cet égard elle-même induite en erreur ; qu'en outre, l'avis de vérification informait expressément la société de la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix ;
8. Considérant, d'autre part, que l'avis précise qu'il a pour objet " la vérification : / - de l'ensemble de vos déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées et portant sur la période du 01.09.1999 au 31.07.2002 / - des déclarations fiscales relatives aux impôts, droits ou taxes désignés ci-après et portant sur les périodes suivantes : TVA : 01.08.2002 au 30.06.2003 " ; que, compte tenu de ses termes, cet avis annonçait, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, un contrôle portant non seulement sur la période du 1er août 2002 au 30 juin 2003, mais aussi sur celle du 1er septembre 1999 au 31 juillet 2002, qui a donné lieu aux rappels litigieux ;
9. Considérant, dès lors, que la SCEA Domaine Vincent D...n'est pas fondée à soutenir que la vérification de sa comptabilité a été engagée au titre de la période litigieuse sans qu'elle en ait été régulièrement informée par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 48 du même livre, dans sa version alors applicable : " A l'issue (...) d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de redressement contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai (...) " ;
11. Considérant que, comme l'avis de vérification, la notification de redressements du 23 décembre 2003 a été adressée à " Monsieur le gérant de la SCEA Domaine Henri A...et fils, ZA Les Champs Lins, 21190 Meursault " ; qu'il résulte tant de l'identité du destinataire et de l'adresse utilisée que du contenu même de cette notification qu'elle concernait non la personne physique de M.A..., ancien gérant, mais la société elle-même, prise en qualité d'assujetti et de redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, et ce quand bien même le service a utilisé l'ancienne dénomination de la société ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la notification de redressements du 23 décembre 2003 et l'indication des conséquences financières qui y était jointe n'auraient pas été adressées à la société mais seulement à son ancien associé doit être écarté ;
12. Considérant, par ailleurs, que la circonstance, alléguée par la société requérante, selon laquelle les rappels de taxe sur la valeur ajoutée n'auraient pas été rattachés aux exercices ou années civiles au cours desquels la taxe est devenue exigible, est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation des notifications de redressements, qui résulte des termes mêmes de celles-ci ;
13. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de redressement contradictoire, il fait référence soit à la notification prévue à l'article L. 57 et, le cas échéant, aux différentes pièces de procédure adressées par le service informant le contribuable d'une modification des rehaussements, soit au document adressé au contribuable qui comporte l'information prévue au premier alinéa de l'article L. 48. " ;
14. Considérant que tant la notification de redressements du 23 décembre 2003 et la notification de redressements rectificative du 19 juin 2004 que les annexes de ces notifications relatives aux conséquences financières du contrôle indiquent que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée envisagé au titre de la sous-période du 1er septembre 1999 au 31 août 2000 s'élève à 29 373 francs, soit 4 478 euros, en droits, et 9 370 euros en y incluant les pénalités et intérêts de retard ; que ces sommes correspondent à celles portées sur l'avis de mise en recouvrement du 6 octobre 2005 au regard de la créance n° 0518570 ; que, de même, le total des sommes mentionnées dans la notification de redressements du 25 mai 2004 ainsi que dans les conséquences financières qui y sont annexées, relatives aux sous-périodes du 1er septembre 2000 au 31 juillet 2001 et du 1er août 2001 au 31 juillet 2002, correspond aux sommes figurant dans l'avis de mise en recouvrement au regard de la créance n° 0518560 ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que les montants mentionnés dans les notifications de redressements, dans l'indication des conséquences financières et dans l'avis de mise en recouvrement ne seraient pas identiques et de ce qu'aucun document n'aurait été adressé à la société afin de l'informer de la modification du montant des rappels effectués doit être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ; que la SCEA Domaine Vincent D...ne conteste plus en appel le caractère non sincère et, par suite, irrégulier et non probant de sa comptabilité, lequel résulte notamment de la non-comptabilisation d'importants achats de bouteilles vides et d'incohérences dans les consommations de " matières sèches " ; que les impositions ont été établies conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires à la suite de sa séance du 29 avril 2005 ; que, par suite, il incombe à la société requérante d'apporter la preuve du caractère exagéré des redressements ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
16. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le service, après avoir écarté la comptabilité tenue par l'EARL Domaine Henri A...et fils, a procédé, à partir du nombre de bouteilles vides utilisées, à la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé au titre des sous-périodes du 1er septembre 1999 au 31 août 2000, du 1er septembre 2000 au 31 juillet 2001 et du 1er août 2001 au 31 juillet 2002 ; que, constatant une consommation anormalement élevée de bouteilles vides au regard des ventes de bouteilles pleines retracées sur le registre de cave, il a estimé que l'écart inexpliqué, corrigé des bouteilles utilisées pour constituer le stock occulte appréhendé par M.A..., correspondait à des ventes non déclarées des millésimes 1999, 2000 et 2001 ;
17. Considérant, en premier lieu, que la SCEA Domaine Vincent D...ne conteste pas le principe même de la méthode de reconstitution mise en oeuvre par le service, mais se borne à soutenir que cette reconstitution serait " viciée " dans la mesure où elle ne tient pas compte des pertes liées à la casse de bouteilles lors de la production, du conditionnement, du stockage et du transport ainsi qu'aux prélèvements de l'exploitant, aux dégustations et aux cadeaux ; qu'ainsi que la commission départementale des impôts a pu le relever, la société n'apporte toutefois aucun élément tendant à établir la réalité et l'importance des pertes qu'elle allègue ; qu'elle ne justifie notamment pas que ses conditions d'exploitation et de stockage étaient " particulièrement propices à la casse " ainsi qu'elle l'affirme ; que, dans ces conditions, la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que, du fait de l'absence de prise en compte des pertes précitées, la méthode de reconstitution serait radicalement viciée ou excessivement sommaire ;
18. Considérant, par ailleurs, que, pour revendiquer l'application d'une perte ou décote, la société requérante ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 302 D du code général des impôts, relatives aux droits indirects sur les alcools, les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés et non à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, pour les mêmes raisons, la SCEA ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du bulletin officiel des douanes 02-028 du 2 juillet 2002 commentant ledit article 302 D ;
19. Considérant que la société requérante ne peut davantage utilement invoquer, sur le même fondement, les prévisions de l'instruction 5 E-7-71 du 20 décembre 1971 prévoyant sous certaines conditions, dans le cadre de l'application du régime réel des bénéfices agricoles, une dispense de comptabilisation des prélèvements de l'exploitant ou encore celles de la documentation de base 5 E-3135, à jour au 15 mai 2000, fixant, dans le cadre du régime des bénéfices agricoles forfaitaires, le montant de la consommation familiale ;
20. Considérant, en second lieu, que si la SCEA Domaine Vincent D...relève, sans expliciter la portée de son moyen, que l'ensemble du vin détenu par M. A...a été détruit, de sorte que les écritures du ministre relatives à la revente des bouteilles ne sont pas fondées, il est constant que les bouteilles correspondant au stock appréhendé par M. A...n'ont pas été prises en compte aux fins de la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé par la société au titre des trois sous-périodes en litige ;
En ce qui concerne la livraison à soi-même :
21. Considérant qu'ainsi qu'il a déjà été dit plus haut, l'administration fiscale a estimé que M. A...avait appréhendé, au moment de son départ en retraite et du changement de gérant au 31 juillet 2002, un stock occulte de 268,55 hectolitres, appartenant jusque là à l'EURL Domaine Henri A...et fils et constitué de vins non déclarés, issus d'excédents de récoltes des millésimes 1999, 2000 et 2001 ainsi que de millésimes antérieurs ; qu'elle a considéré que ce prélèvement constituait une livraison à soi-même au sens du a du 1 du 8° de l'article 257 du code général des impôts, taxable au titre de la sous-période du 1er août 2001 au 31 juillet 2002 ;
22. Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 8° Les opérations suivantes assimilées, selon le cas, à des livraisons de biens ou à des prestations de services effectuées à titre onéreux. / 1. Sont assimilés à des livraisons de biens effectuées à titre onéreux : / a) Le prélèvement par un assujetti d'un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu'il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu'il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée (...) " ; qu'aux termes de l'article 173 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa version alors applicable : " Les prélèvements, utilisations et affectations de biens prévus au 8° de l'article 257 du code général des impôts, lorsqu'ils sont faits pour des besoins autres que ceux de l'entreprise, ne sont imposables que dans le cas où la taxe qui a grevé l'acquisition ou l'importation de ces biens ainsi que des biens et services utilisés pour leur fabrication était partiellement ou totalement déductible " ;
23. Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient qu'année après année M. A...a prélevé, en qualité d'exploitant et pour les besoins de sa cave personnelle, les vins non déclarés litigieux, de telle sorte que ces vins, devenus dès leur prélèvement la propriété personnelle de M. A..., ne faisaient plus partie du stock de l'entreprise au cours de la période vérifiée et qu'ils n'ont pu faire l'objet d'une appréhension et, par suite, d'une livraison à soi-même au moment du départ en retraite de l'intéressé et de son retrait de la société en juillet 2012 ; qu'elle n'apporte toutefois aucun élément permettant de justifier de la date à laquelle M. A...est effectivement entré en possession des bouteilles litigieuses, dont la présence dans des locaux autres que ceux de l'entreprise n'a été constatée par l'administration des douanes qu'en octobre 2002 ; qu'alors que sa comptabilité n'était ni sincère ni probante et que les excédents de vins en cause avaient été dissimulés afin d'échapper à ses obligations en matière d'appellations d'origine et de droits indirects, la société ne peut se prévaloir du fait que les bouteilles litigieuses n'avaient pas été comptabilisées dans son stock pour soutenir qu'elle n'en était plus propriétaire ;
24. Considérant que, compte tenu de l'importance des volumes de vins en cause, la SCEA ne peut sérieusement soutenir que leur appréhension par M. A... correspondrait à des prélèvements progressivement effectués par l'exploitant pour les besoins de sa consommation personnelle et familiale, alors au demeurant que les vins en cause n'ont pas été consommés mais ont été conservés ; qu'elle ne peut davantage utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les prévisions relatives aux prélèvements de l'exploitant figurant dans la documentation de base 4 A-211 (n° 31 et suivants) du 1er septembre 1993, à jour du 9 mars 2001, la réponse Authié du 10 janvier 1985 (Sénat, p. 85, n° 17270), la documentation de base 5 E-3135 (à jour au 15 mai 2000) et la documentation de base 5 E-332 (n° 14) (à jour du 15 mai 2000), dès lors que les extraits invoqués de ces différentes doctrines administratives sont relatifs, les uns à la détermination du bénéfice industriel et commercial, les autres à la détermination du bénéfice agricole selon les régimes forfaitaire et simplifié, et non à la taxe sur la valeur ajoutée ;
25. Considérant que la société requérante soutient encore que, dans la mesure où elle n'a été constituée, en tant qu'EARL Domaine Henri A...et Fils, qu'en décembre 1993, elle ne pouvait, s'agissant des récoltes antérieures à sa création, être propriétaire d'autres stocks que ceux mentionnés dans l'acte d'apport de l'exploitation individuelle de M. A...à cette EARL ; que, faute de produire ce dernier acte, elle ne démontre toutefois pas que le stock occulte de 268,55 hectolitres dont le service a considéré qu'il avait fait l'objet en juillet 2002 d'une livraison à soi-même comprendrait des millésimes anciens qui n'auraient pas été compris dans l'apport effectué par M. A...lors de sa création ; qu'il est au demeurant constant que l'EARL Domaine Henri A...et fils détenait une importante quantité de millésimes anciens, antérieurs à sa création, puisqu'elle a cédé à M. A...le 26 juillet 2002 un stock de vin de 240,45 hectolitres, comprenant notamment 93,99 hectolitres de vins non fiscalisés millésimés 1972 à 1989 ;
26. Considérant, enfin, que la société n'établit pas que le Tribunal correctionnel de Dijon, dont le jugement du 19 septembre 2006 n'est pas produit dans la présente instance, ait jugé que M. A...était devenu propriétaire du stock litigieux avant le début de la sous-période au titre de laquelle le redressement litigieux a été notifié ; qu'ainsi, la SCEA Domaine Vincent D...n'est pas fondée à invoquer l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache aux constatations de faits fondant ce jugement de condamnation ;
27. Considérant, dans ces conditions, que la SCEA Domaine Vincent D...n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que le stock occulte de 268,55 hectolitres était déjà devenu la propriété de M. A... avant le début de la sous-période du 1er août 2001 au 31 juillet 2002 au titre de laquelle le redressement litigieux a été notifié ;
28. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante ne peut utilement invoquer à l'encontre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux le principe de correction symétrique des bilans ainsi que les exceptions au principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, lesquels ne pouvaient s'appliquer qu'à son bénéfice agricole ;
29. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 23 à 27 du présent arrêt que l'EARL Domaine Henri A...et Fils doit être regardée comme ayant transmis à titre gratuit à M.A..., peu avant le 31 juillet 2002, le stock occulte de 268,55 hectolitres dont elle était jusque là restée propriétaire ; que ce transfert a été effectué pour les besoins personnels de M. A...et non pour ceux de l'entreprise ; que la société ne démontre pas que la taxe ayant grevé les dépenses exposées pour la réalisation, le conditionnement et le vieillissement de ce vin n'aurait pas été déduite, alors que le ministre relève, sans être contredit, que les achats de bouteilles, d'étiquettes et de bouchons ont bien donné lieu à déduction de la taxe ; que la SCEA Domaine Vincent D...ne peut utilement invoquer la circonstance, au demeurant non établie, que le stock de vin détenu par M. A...aurait été détruit postérieurement à la période litigieuse ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'aucune livraison à soi-même n'a été effectuée au cours de la sous-période du 1er août 2001 au 31 juillet 2002 doit être écarté ;
En ce qui concerne la période de rattachement et la prescription du droit de reprise :
30. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison (...) du bien (...) est effectué (...) / 2. La taxe est exigible : / a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 (...) lors de la réalisation du fait générateur (...) " ; qu'aux termes de l'article 175 de l'annexe II au même code, dans sa version alors applicable : " La taxe due en application du 8° de l'article 257 du code général des impôts est exigible à la date de la première utilisation du bien (...) " ;
31. Considérant qu'en se bornant à relever que les exercices de l'EARL Domaine Henri A...et Fils ne coïncidaient pas avec les années civiles, la société requérante n'établit aucune erreur de rattachement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en l'espèce, le service pouvait rattacher ces rappels à la période du 1er septembre 1999 au 31 juillet 2002, elle-même subdivisée en trois sous-périodes mentionnées plus haut ; que la société ne conteste pas sérieusement que les droits rappelés sont devenus exigibles au cours de cette période et de ces sous-périodes ; que, s'agissant d'impositions distinctes, elle ne peut utilement invoquer, à l'encontre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, une erreur de rattachement de ces rappels aux exercices concernés en matière de bénéfices agricoles et les conséquences induites en ce qui concerne la " cascade TVA " ;
32. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, seul applicable en matière de taxe sur la valeur ajoutée : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 189 du même code : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement (...) " ;
33. Considérant que le service n'a reconstitué le chiffre d'affaires, correspondant à la vente des millésimes 1999, 2000 et 2001, de l'EARL Domaine Henri A...et Fils qu'au titre de la période du 1er septembre 1999 au 31 juillet 2002, qui n'était pas prescrite lors de l'envoi des notifications de redressements des 23 décembre 2003, 28 mai 2004 et 18 juin 2004 ; que s'il a, par ailleurs, considéré que des bouteilles portant des millésimes antérieurs à 1993 avaient fait l'objet d'une livraison à soi-même au sens du 8° de l'article 257 du code général des impôts, il ne peut être regardé comme ayant ainsi fait porter son contrôle sur une période prescrite dès lors que le rappel correspondant à cette livraison à soi-même a été notifié au titre de la sous-période du 1er août 2001 au 31 juillet 2002, qui n'était pas prescrite ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions relatives à la prescription du droit de reprise de l'administration doit être écarté ;
Sur les pénalités :
34. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses (...) " ;
35. Considérant que la SCEA Domaine Vincent D...ne conteste pas que l'EARL Domaine Henri A...et Fils s'est rendue coupable de manoeuvres frauduleuses, du fait notamment de la dissimulation d'une partie de sa récolte, du recours à de fausses appellations et de la rédaction de déclarations de stocks erronées ; qu'ainsi, elle pouvait faire l'objet d'une majoration de 80 % sur le fondement du 1 de l'article 1729 du code général des impôts ;
36. Considérant, en deuxième lieu, que la SCEA Domaine Vincent D...fait valoir que les mêmes faits ont donné lieu à la confiscation et à la destruction de l'ensemble des bouteilles par le service des douanes, à l'application d'une amende douanière et à la mise en oeuvre par l'administration fiscale d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ; qu'elle conteste le montant cumulé de ces différentes sanctions en se prévalant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel a jugé à plusieurs reprises que " lorsqu'une sanction administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues " et " qu'il appartiendra donc aux autorités administratives et judiciaires compétentes de veiller au respect de cette exigence " ; qu'elle demande à la Cour de prononcer la décharge de la partie des pénalités litigieuses dépassant " le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues " ;
37. Considérant, toutefois, que la société requérante ne peut se prévaloir de l'éventuelle confiscation et destruction des bouteilles en cause dans la mesure où une telle sanction, dont le prononcé et l'exécution ne sont pas établis, présente un caractère non pécuniaire et ne concerne, au demeurant, que M.A..., propriétaire de ces bouteilles ; qu'elle ne justifie pas davantage, dans le cadre de la présente instance, de la réalité, de la nature et du montant des amendes " douanières " qui lui auraient été infligées ; que, dans ces conditions et en l'absence d'autres précisions, la SCEA Domaine Vincent D...ne justifie pas s'être vu infliger d'autres sanctions qu'une majoration pour manoeuvres frauduleuses ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines, découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ne peut qu'être écarté ;
38. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ;
39. Considérant que, compte tenu de ce qui a été précédemment et en l'absence d'argumentation spécifique, la SCEA Domaine Vincent D...n'est pas fondée à soutenir que le " montant cumulé des différentes sanctions douanières et fiscales " mises à sa charge présenterait un caractère disproportionné au regard des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
40. Considérant, en dernier lieu, qu'en vertu du III de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004, les dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, introduites par le I dudit article 43 et relatives à l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, s'appliquent également aux impositions établies à compter du 1er janvier 2005 ; que le même III précise toutefois que lorsque lesdites dispositions " conduisent à imposer des sommes qui, en leur absence, auraient été atteintes par la prescription, les impositions correspondantes ne peuvent être assorties que des intérêts de retard " ;
41. Considérant que, pour contester l'application de la majoration de 80 % assortissant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux à raison des bouteilles correspondant à des millésimes antérieurs à 1999, la SCEA Domaine Vincent D...ne saurait utilement invoquer les dispositions précitées du III de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004, lesquelles, étant relatives à l'application des nouvelles dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, ne sont susceptibles de concerner que des majorations assortissant des impositions établies en matière d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés ;
42. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCEA Domaine Vincent D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
43. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SCEA Domaine Vincent D...doivent, dès lors, être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCEA Domaine Vincent D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Domaine Vincent D...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Mear, président,
Mme Bourion, premier conseiller,
M. Meillier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2015.
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N° 09LY02282