Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... Hadjadja demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions en date du 18 avril 2014 par lesquelles le préfet de l'Isère a retiré le titre de séjour qui lui avait été délivré pour la période du 10 mai 2013 au 9 mai 2014, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire pendant une durée de trois ans.
Par un jugement n° 1402733 du 15 septembre 2014, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2014, Mme F...Hadjadjdemande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 septembre 2014 ;
2°) " d'ordonner la suspension " desdites décisions ;
Elle soutient que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York ont été méconnues, que le préfet a violé les stipulations de l'article 6-4 de l'accord franco-algérien le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité n'étant pas établie, que le préfet a ainsi méconnu le principe de la présomption d'innocence et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Mme Hadjadj a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 novembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique, et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Segado.
1. Considérant MmeB..., ressortissante algérienne née le 1er janvier 1985, a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 20 mai 2011 avec ses deux enfants mineurs, nés respectivement en 2006 et 2008 ; qu'elle a sollicité le 24 juillet 2012 la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de mère d'un enfant français sur le fondement du 4. de l'article 6 de l'accord franco-algérien à la suite de la naissance le 5 juillet 2012 de son enfant Abdelrahim A...reconnu le 10 avril 2012 par M.A..., ressortissant français ; que le préfet de l'Isère a fait droit à cette demande en lui délivrant un certificat de résidence algérien valable du 10 mai 2013 au 9 mai 2014 ; que, par décisions en date du 18 avril 2014, le préfet de l'Isère, estimant que la reconnaissance de cet enfant était entachée de fraude et avait été effectuée aux seules fins d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou d'acquérir ou de faire acquérir la nationalité française, a décidé de retirer ce certificat de résidence, a assorti ce retrait d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel l'intéressée sera éloignée et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire pour une durée de trois ans ; que Mme Hadjadjrelève appel du jugement du 15 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4. au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an. " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). / Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. / Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée ". ;
3. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 4. de l'article 6 de l'accord franco-algérien, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un certificat de résidence, de faire échec à cette fraude et de retirer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, le certificat de résidence délivré sur le fondement du 4. de l'article 6 de l'accord franco-algérien à la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français et de lui refuser ainsi la délivrance de ce titre ;
4. Considérant qu'à la suite de la naissance, le 5 juillet 2012 de son enfant AbdelrahimA..., Mme Hadjadja demandé, dès le 24 juillet 2012, un certificat de résidence sur le fondement du 4. de l'article 6 de l'accord franco-algérien en qualité d'ascendant d'un enfant français en faisant valoir que l'enfant avait fait l'objet d'une reconnaissance de paternité le 10 avril 2012 par un ressortissant français, M. E... A...résident à La Rochelle (Charente Maritime) ; qu'elle a obtenu du préfet de l'Isère la délivrance de ce titre au vu de ces éléments ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A...a déclaré aux services de police de La Rochelle lors de son audition du 24 juin 2013 qu'il n'était pas être le père de cet enfant et avait effectué une reconnaissance mensongère de paternité à la demande de M.D..., beau-frère de MmeC..., et de cette dernière, qu'il n'avait jamais rencontré la requérante avant de faire cette reconnaissance de paternité et qu'il ne l'a plus revue après cette déclaration ; que la requérante se prévaut d'une attestation rédigée le 3 avril 2014 par M. A...indiquant qu'il a effectué ces déclarations par crainte d'être placé en garde à vue ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A..., qui avait au début de sa première audition, avant de reconnaître le caractère frauduleux de sa déclaration de paternité et l'absence de relation intime avec la requérante, mentionné des dates concernant sa relation avec Mme Hadjdajqui ne correspondaient pas avec la date de naissance de l'enfant, a confirmé une seconde fois ses affirmations, le 12 juillet 2013, concernant sa déclaration de paternité mensongère ; qu'en outre, lors de son audition du 4 juillet 2013, M. D...a encore confirmé aux services de police les déclarations de M. A... quant au caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité et quant à l'absence de relation entre ce dernier et MmeC... ; que la requérante n'a produit aucune pièce probante et circonstanciée concernant l'existence d'une relation proche qu'elle déclare avoir entretenue avec M. A...; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme le prétend MmeC..., M. A...a, lors de ces deux auditions qui se sont déroulées à dix-huit jours d'intervalle, fait des déclarations sous la pression des agents de police ou que M. D...aurait éprouvé à son égard une animosité à l'origine de ses déclarations ;
5. Considérant qu'au regard de ces éléments précis et concordants, et alors que Mme Hadjdaj ne fournit aucun élément permettant de retenir que M. A...serait effectivement le père de son fils Abdelrahim, le préfet de l'Isère doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité souscrite par M. A...à l'égard de l'enfant Abdelrahim avait un caractère frauduleux ; que, par suite, le préfet, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, a pu légalement, sans entacher sa décision d'erreur de fait ou d'erreur d'appréciation et sans méconnaître les stipulations du 4. de l'article 6 de l'accord franco-algérien, retirer, pour ce motif, le certificat de résidence délivré à Mme Hadjdajalors même qu'à la date de ce refus, cet enfant n'avait pas été déchu de la nationalité française ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que le principe de la présomption d'innocence ne fait pas obstacle à ce que le préfet de l'Isère prenne en compte le caractère frauduleux de la déclaration de paternité pour retirer un certificat de résidence délivré au vu de ce document, alors même que cette circonstance est susceptible de fonder une action répressive et que le juge pénal ne s'est pas prononcé à ce sujet ;
7. Considérant qu'en dernier lieu, que la requérante soutient que ses trois soeurs résident en France, dont deux ont la nationalité française et la troisième est titulaire d'un certificat de résidence, que ses deux enfants aînés sont arrivés jeunes en France et sont scolarisés, que M. A...est le père de son plus jeune enfant ; que toutefois, dans les circonstances sus-décrites, et eu égard au motif qui les fonde, les décisions contestées n'ont pas porté au respect de la vie privée et familiale de Mme Hadjdajune atteinte excessive au regard des buts poursuivis ; que le préfet de l'Isère n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ni celles de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'intérêt supérieur des trois enfants de la requérante n'ayant pas été méconnu alors notamment qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait un obstacle à la poursuite de la scolarité des deux enfants aînés hors de France, et notamment en Algérie, pays dont ils ont la nationalité ; que ces décisions ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Hadjdajn'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme Hadjadj est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...Hadjadjet au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 octobre 2015.
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N° 14LY03364