Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...D..., épouseB..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de regroupement familial présentée le 21 décembre 2012 au bénéfice de sa filleE....
Par un jugement n° 1306129 du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 septembre 2014, Mme C...D..., épouseB..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 avril 2014 ;
2°) à titre principal, d'annuler la décision implicite de rejet du préfet de l'Isère ou, à titre subsidiaire, sa décision explicite de rejet du 28 février 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de faire droit à sa demande de regroupement familial dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me A...à charge pour celle-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision explicite de rejet s'était substituée à la décision implicite ;
- le préfet n'ayant pas, malgré une demande en ce sens, communiqué les motifs de sa décision implicite de rejet, celle-ci est entachée d'illégalité ;
- il appartiendra au préfet de justifier de la compétence de l'auteur de la décision explicite du 28 févier 2014 ;
- que le rejet contesté est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis du maire n'a pas été sollicité, en méconnaissance de l'article R. 421-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce rejet méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'il a pour effet de contraindre sa fille à rester éloignée de ses parents et de ses deux frères, menaçant ainsi son équilibre et son état de santé, alors qu'elle peut bénéficier auprès de sa mère de conditions de vie et d'une scolarité convenables ;
- le refus de regroupement familial méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; mère d'un enfant français, elle réside régulièrement depuis 2008 en France, où vivent également son époux et leur deuxième enfant ;
- cette décision, qui emporte séparation des membres de la famille et entraîne des conséquences graves sur l'état de santé de l'enfant, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.
MmeD..., épouseB..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 juillet 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, dans sa rédaction issue du troisième avenant signé le 11 juillet 2001 et publié par le décret nº 2002-1500 du 20 décembre 2002 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boucher, président-rapporteur ;
- et les observations de MeF..., substituant MeA..., pour MmeD....
1. Considérant que MmeD..., épouseB..., ressortissante algérienne, relève appel du jugement du 15 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation d'un refus de faire droit à sa demande de regroupement familial présentée le 21 décembre 2012 au bénéfice de sa filleE..., demande que les premiers juges ont regardée à bon droit comme tendant à l'annulation de la décision explicite du 28 février 2014 qui s'est substituée en cours d'instance à une décision implicite de rejet ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en 2005, Mme D...a épousé en Algérie un compatriote, M.B... ; qu'ils ont donné naissance en Algérie à leur fille E... née le 21 septembre 2006 ; que Mme D...est venue seule en France en 2008 et a bénéficié d'un certificat de résidence délivré le 23 octobre 2010, valable jusqu'au 22 octobre 2020 ; qu'elle a donné naissance en 2009 à un enfant de nationalité française qui vit avec elle ; que, son époux, M. B..., est ensuite venu en France en 2011, selon ses déclarations, de manière irrégulière ; que les deux époux ont déclaré un troisième enfant né en France le 10 septembre 2013 ; que, par jugement du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé, pour erreur manifeste d'appréciation, d'une part, la décision du préfet de l'Isère du 10 juillet 2013 portant refus de délivrer un certificat de résidence à M. B...et obligation pour celui-ci de quitter le territoire français et, d'autre part, une décision du même préfet du 28 février 2014 portant rejet de la demande de regroupement familial présentée par Mme D... au bénéfice de son époux ; que le Tribunal a enjoint au préfet de délivrer à M. B... un certificat de résidence d'un an l'autorisant à travailler ; que, par un arrêt du 12 mai 2015, la Cour a rejeté l'appel formé par le préfet de l'Isère contre ce jugement ; que, dans cette situation, le refus du préfet d'accorder le regroupement familial au bénéfice de la jeuneE..., âgée de sept ans et demi à la date de l'arrêté attaqué, a pour effet de séparer cet enfant de l'ensemble des membres de sa famille la plus proche qui résident en France et avec lesquels elle a vocation à vivre, compte tenu de son âge ; qu'une telle décision porte au droit de l'enfant et de sa mère au respect de leur vie familiale une atteinte disproportionnée au regard de ses motifs ; que la requérante est ainsi fondée à soutenir qu'en refusant de faire droit à sa demande de regroupement familial, le préfet a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ainsi que celle de la décision du préfet de l'Isère du 28 février 2014 ;
4. Considérant qu'eu égard au motif qui la fonde et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait y fasse obstacle, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique que l'administration fasse droit à la demande de regroupement familial présentée par Mme D...au bénéfice de sa fille E... ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de l'Isère de prendre une décision en ce sens dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requête tendant à l'application, au bénéfice de l'avocat de la requérante, des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 avril 2014 est annulé.
Article 2 : La décision du 28 février 2014 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté la demande de regroupement familial présentée par Mme D...au bénéfice de sa filleE..., est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par Mme D...au bénéfice de sa filleE..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., épouseB..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2015 à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2015.
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N° 14LY02896