Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...et Mme F...E...épouse A...ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 22 mai 2014 et M. B...A...a demandé à ce tribunal d'annuler les décisions du 23 mai 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office.
Par un jugement n° 1407255-1407256-1407257 du 13 janvier 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions des 22 et 23 mai 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a obligé M. C...A..., Mme F...E...épouse A...et M. B...A...à quitter le territoire français et les décisions fixant le pays de destination et a rejeté leurs conclusions dirigées contre les refus de titre de séjour.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête enregistrée le 16 février 2015 sous le n° 15LY00522, le préfet du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 janvier 2015 en tant qu'il annule ses décisions des 22 mai et 23 mai 2014 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. C...A..., Mme F...E...épouse A...et M. B...A...devant le tribunal administratif de Lyon.
Il soutient que ses décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire enregistré le 18 novembre 2015, M. C...A...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que le moyen soulevé par le préfet du Rhône n'est pas fondé.
II - Par une requête enregistrée le 16 février 2015 sous le n° 15LY00538, le préfet du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 janvier 2015 en tant qu'il annule ses décisions des 22 mai et 23 mai 2014 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. C...A..., Mme F...E...épouse A...et M. B...A...devant le tribunal administratif de Lyon.
Il soutient que ses décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire enregistré le 18 novembre 2015, Mme F...E...épouse A...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que le moyen soulevé par le préfet du Rhône n'est pas fondé.
III - Par une requête enregistrée le 16 février 2015 sous le n° 15LY00540, le préfet du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 janvier 2015 en tant qu'il annule ses décisions des 22 mai et 23 mai 2014 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. C...A..., Mme F...E...épouse A...et M. B...A...devant le tribunal administratif de Lyon.
Il soutient que :
- ses décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire enregistré le 18 novembre 2015, M. B...A...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que le moyen soulevé par le préfet du Rhône n'est pas fondé.
Par une décision du 24 juin 2015, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. et Mme A...et à leur fils Fatjon.
Par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Lyon du 24 aout 2015, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à M. C...A..., à Mme F... E...épouse A...et à M. B...A....
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique.
- le rapport de Mme Vaccaro-Planchet,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- les observations de Me Drahy, avocat de M. C...A..., Mme F...E...épouse A...et M. B...A....
1. Considérant que, par un jugement du 13 janvier 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions des 22 et 23 mai 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a obligé M. C... A..., Mme F...E...épouse A...et M. B...A...à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office et a rejeté les conclusions de ces derniers dirigées contre les refus de titre de séjour qui leur ont été opposés les mêmes jours ; que par trois requêtes enregistrées sous les n° 15LY00522, 15LY00538 et 15LY00540, le préfet du Rhône relève appel de ce jugement en tant qu'il annule les obligations de quitter le territoire français et les décisions fixant le pays de destination ;
2. Considérant que les trois requêtes susvisées présentées par le préfet du Rhône sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
3. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jeuneD..., fils de M. C... A...et Mme F...A..., ressortissants albanais, né le 12 novembre 1998, est arrivé en France en 2012, plusieurs mois avant ses parents et a été placé à l'aide sociale à l'enfance du département du Rhône par jugement du juge des enfants du tribunal de grande instance de Lyon du 14 décembre 2012 ; que ce placement a été maintenu jusqu'au 30 juin 2014 par deux jugements des 11 avril et 11 décembre 2013 qui ont conféré un droit de visite et d'hébergement à ses parents ; que si M. et Mme A...exercent effectivement ces droits de visite et d'hébergement, il n'est pas établi que le placement de D...devait être poursuivi au-delà de son terme prévu le 30 juin 2014, un mois seulement après l'édiction des décisions contestées des 22 et 23 mai 2014, en cas de retour de ses parents et de son frère dans leur pays d'origine ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions contestées portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination méconnaitraient l'intérêt du jeuneD... ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour annuler ces décisions ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...A..., Mme F... E...épouse A...et M. B...A...à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :
6. Considérant que les décisions de refus de titre de séjour des 22 et 23 mai 2014 par lesquelles le préfet a décidé de ne pas régulariser la situation de M. et Mme A...et à leur fils Fatjon, qui comportent l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent, sont motivées ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A...et leur fils Fatjon ne résidaient sur le territoire national que depuis deux ans et demi à la date des décisions contestées ; que rien ne fait obstacle à ce qu'ils poursuivent leur vie privée et familiale en Albanie, où ils ont nécessairement conservé des attaches ; que, dans ces conditions, et alors même que le jeuneD..., fils de M. et MmeA..., faisait l'objet d'une mesure de placement à l'aide sociale à l'enfance durant encore un mois, jusqu'au 30 juin 2014, les décisions par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et Mme A...et à leur fils Fatjon ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que ces décisions ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elles sont susceptibles de comporter pour la situation personnelle des intéressés ;
9. Considérant que les refus de titre de séjour qui ont été opposés aux requérants n'ont, par eux-mêmes, ni pour objet ni pour effet de séparer Fatjon de son frèreD..., placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département du Rhône par un jugement du juge des enfants du tribunal de grande instance de Lyon, ni d'empêcher les parents du jeune D...de bénéficier de leur droit de visite et d'hébergement défini par ledit jugement ; qu'en conséquence, les refus de titre de séjour n'ont pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions en litige portant obligation de quitter le territoire français seraient illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour doit, en tout état de cause, être écarté ;
11. Considérant que compte tenu des circonstances de l'espèce sus-analysées, et en l'absence de circonstance particulière de nature à faire obstacle à l'éloignement des intéressés, les décisions par lesquelles le préfet du Rhône les a obligés à quitter le territoire français ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
12. Considérant que, compte tenu de ce qui précède, M. et Mme A...et leur fils Fatjon ne sont pas fondés à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité des obligations de quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un Tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;
14. Considérant que si M. et Mme A...et leur fils Fatjon, soutiennent qu'ils craignent pour leur vie en cas de retour en Albanie, où un militant du parti démocrate présent lors d'une manifestation filmée par M. A...et condamné à plusieurs années de prison sur le fondement des images tournées par lui, souhaite se venger, les attestations produites ne permettent pas d'établir l'actualité des risques qu'ils prétendent encourir, ni que leur sécurité pourrait être menacée sur l'ensemble du territoire albanais ou que les autorités albanaises ne seraient pas à même de les protéger ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions des 22 et 23 mai 2014 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
16. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, verse une somme aux consorts A...ou à leur conseil au titre des frais exposés à l'occasion du litige ;
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1407255-1407256-1407257 du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de M. C...A..., Mme F...E...épouse A...et M. B... A...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à Mme F...E...épouseA..., à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Picard, président-assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2015.
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N°s 15LY00522, 15LY00538, 15LY00540
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