Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de la commune de Bluffy à réparer le préjudice résultant pour lui de la préemption illégale de parcelles sur lesquelles il envisageait de bâtir une maison d'habitation, d'un refus de permis de construire illégal et de décisions illégales prises dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis de construire.
Par un jugement n° 1104797 du 13 mars 2014, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Bluffy à verser à M. E... une somme de 2 337, 20 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire non communiqué, enregistrés les 13 mai 2014 et 10 juillet 2015, M. E...demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 mars 2014 ;
2°) de porter à 97 000 euros le montant de l'indemnité allouée, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2011 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bluffy le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le Tribunal ne pouvait tenir compte de ce qu'il n'aurait pas disposé du financement nécessaire ; que les attestations d'un établissement bancaire situé à Monaco suffisaient ; que le Tribunal a omis des avoirs ; qu'il détient des fonds importants ; que le financement des travaux ne soulevait aucune difficulté ; qu'il a été privé d'un levier de financement.
Par un mémoire, enregistré le 22 avril 2015, la commune de Bluffy conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la demande de condamnation pour préemption illégale est irrecevable faute pour M. E...de justifier d'un droit à l'acquisition des parcelles en question et de sa qualité d'acquéreur évincé ; qu'il n'y a pas de lien de causalité entre le dommage allégué et la préemption ; que le compromis était caduc à la date de délivrance du permis de construire de 2007 ; que l'intéressé ne disposait d'aucun droit à construire en application de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction antérieure ; que le compromis s'est trouvé frappé de caducité le 15 février 2007 au plus tard ; que la demande de second permis est intervenue le 28 février 2007, postérieurement à cette dernière date ; que le maire ne pouvait que refuser le second permis ; que l'intéressé ne disposait pas des fonds pour réaliser l'opération ; que le bénéfice escompté est hypothétique.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Picard,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant M.E..., et de Me B..., représentant la commune de Bluffy.
1. Considérant que M. E...a signé les 5 janvier et 2 août 2006 avec les consorts A...et Germain des compromis de vente portant sur l'acquisition de deux parcelles contiguës cadastrées A 1105 et A 1530 situées sur le territoire de la commune de Bluffy, en vue d'y construire une maison d'habitation destinée à être revendue ; que par deux délibérations du 14 novembre 2006, le conseil municipal de Bluffy a décidé d'exercer son droit de préemption urbain afin d'acquérir ces parcelles ; que par un jugement du 4 décembre 2008, confirmé par arrêt de la cour du 8 juin 2010, aujourd'hui définitif, le Tribunal a annulé ces délibérations ; que par un arrêté du 27 mars 2007, le maire de Bluffy a retiré son précédent arrêté du 11 décembre 2006 rejetant la demande de permis que M.E... avait déposée le 29 septembre 2006 pour la réalisation de son projet et, par un arrêté du même jour, a refusé ce permis sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que M.E... a présenté le 28 février 2007 une nouvelle demande de permis de construire que le maire a classée sans suite le 20 août 2007 faute pour l'intéressé d'avoir produit le titre ou l'autorisation justifiant de son habilitation à réaliser les travaux, dont la production lui avait été demandée le 29 mars 2007 ; que l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble pour évaluer le montant des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de ces différentes décisions a rendu son rapport le 4 avril 2011 ; que M. E...a demandé au Tribunal de condamner la commune de Bluffy à lui verser des sommes de 82 000 euros correspondant à la perte de bénéfices attendus de l'opération de commercialisation de l'immeuble qu'il projetait d'édifier et 15 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de faire fructifier le produit de cette opération, ainsi que les frais d'expertise pour un montant de 8 432,64 euros ; que, par un jugement du 13 mars 2014, dont M.E... relève appel, le Tribunal a retenu la responsabilité pour faute de la commune, condamné celle-ci à lui verser une indemnité 2 337,20 euros en remboursement des dépenses engagées en pure perte pour la constitution du dossier de demande de permis de construire, mis à la charge de la commune les frais d'expertise et rejeté le surplus des conclusions indemnitaires ;
Sur le principe de la responsabilité de la commune :
2. Considérant, en premier lieu, que l'illégalité des délibérations du 14 novembre 2006 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Bluffy à l'égard de M.E..., en sa qualité d'acquéreur évincé de l'achat des parcelles A 1105 et A 1530 ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la surélévation par l'intéressé de son projet d'habitation de 50 cm par rapport au terrain naturel figure dans sa demande de permis présentée en mairie le 28 février 2007 sous le n° PC7403607X003 ; qu'il n'est donc pas fondé à s'en prévaloir pour soutenir que le refus de permis opposé le 27 mars 2007 à sa demande initialement enregistrée sous le n° PC7403606X0005, qui ne prévoyait pas cette surélévation, procéderait d'une erreur d'appréciation et serait donc fautif ;
4. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, malgré la demande présentée en ce sens par le maire de Bluffy, M. E...n'a pas justifié de la qualité qui l'habilitait à réaliser les travaux pour lesquels il avait sollicité le 28 février 2007 une autorisation présentée sous le n° PC7403607X003 ; que, par suite, c'est sans méconnaître l'article L. 421-1-1 du code de l'urbanisme et donc sans commettre une faute que le maire lui a opposé, le 20 août 2007, une décision de classement sans suite de sa demande ;
5. Considérant en conséquence que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, seule la faute résultant de l'édiction de décisions de préemption illégales est susceptible d'entraîner la mise en jeu de la responsabilité de la commune de Bluffy ;
Sur le préjudice :
6. Considérant que les préjudices tenant aux pertes de bénéfices escomptés et à l'impossibilité d'en disposer pendant trois années, qui ont pour origine l'impossibilité de bâtir et de commercialiser la maison projetée, sont sans lien direct avec l'illégalité fautive des décisions de préemption du 14 novembre 2006 ; que les conclusions indemnitaires présentées à ce titre par M. E...ne peuvent donc qu'être rejetées ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a condamné la commune de Bluffy, qui n'a saisi la cour d'aucun appel incident, à lui payer qu'une somme de 2 337, 20 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Bluffy verse une somme à M. E... au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés à l'occasion du litige ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Bluffy tendant à l'application de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Bluffy tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...et à la commune de Bluffy.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Picard, président-assesseur,
M. Levy Ben Cheton, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 janvier 2016.
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N° 14LY01496
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