Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EURL La Coupole des Anges a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mars 2011 au 31 mai 2011.
Par un jugement n°1300561 du 19 novembre 2013, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 février 2014, L'EURL La Coupole des Anges, représentée par la SELARL Legi conseils Bourgogne, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 19 novembre 2013 ;
2°) de prononcer la décharge de ces droits ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement des dépens.
L'EURL La Coupole des Anges soutient :
- que le jugement est entaché d'irrégularités ; qu'il viole les principes d'indépendance des procédures et d'autorité relative de la chose jugée en se référant à une décision juridictionnelle extérieure à ce présent litige, et ce, alors même que le litige concerne le même impôt établi au nom du même contribuable ;
- que le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée tel que prévu par le b bis de l'article 279 du code général des impôts doit être appliqué sur le chiffre d'affaires correspondant aux entrées pour assister au spectacle dans la mesure où sa pratique habituelle est de ne pas favoriser la consommation pendant le spectacle en s'abstenant de tout service ;
- que l'administration supporte la preuve d'un usage de consommation pendant les séances ;
- que la réponse ministérielle A...du 22 janvier 1972, reprise par l'instruction du 27 octobre 1980 (BOI 3 C- 9-80) et la documentation de base 3 C 224 du 30 mars 2001 relative à l'application de l'article 279 b bis du code général des impôts subordonnant l'application du taux réduit à la double condition que le service des consommations soit totalement interrompu pendant le spectacle et que la consommation ne présente pas un caractère obligatoire peut être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du code général des impôts alors en outre que cette interprétation est également celle de la jurisprudence ;
- que les lettres de la DGFIP concernant deux autres cabarets comportent une appréciation sur une situation de fait, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales qu'elle est fondée à invoquer pour obtenir le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ;
- que l'interprétation de l'article 279 b bis du code général des impôts défendue par l'administration méconnaît le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 et crée une discrimination avec les établissements pour lesquels la consommation est facultative ;
- que l'interprétation par l'administration fiscale de cet article méconnaît également les principes d'effectivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ;
- qu'il y a lieu de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au non-lieu à statuer en ce qui concerne les intérêts de retard et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient :
- que les principes d'indépendance des procédures et d'autorité relative de la chose jugée n'ont pas été méconnus ;
- que le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée tel que prévu par le b bis de l'article 279 du code général des impôts ne peut être appliqué au chiffre d'affaires afférent aux entrées pour assister au spectacle dans la mesure où le caractère non obligatoire des consommations servies n'est pas suffisamment établi ;
- que la comparaison avec d'autres établissements n'est pas envisageable dès lors qu'il n'est pas établi que leur activité est strictement identique à la sienne ;
- que l'administration ne méconnaît ni le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, d'effectivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ni la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ni ne crée une discrimination avec les établissements pour lesquels la consommation est facultative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourion,
- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public.
1. Considérant que l'EURL La Coupole des Anges, qui exploitait à Bussy-en-Othe un établissement de cabaret music-hall, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel elle a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, effectués selon la procédure contradictoire, au titre de la période du 1er mars 2011 au 31 mai 2011, résultant de la remise en cause du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée appliqué, sur le fondement du b bis de l'article 279 du code général des impôts, au chiffre d'affaires correspondant aux entrées donnant accès aux spectacles et de l'imposition de ces sommes au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'EURL La Coupole des Anges relève appel du jugement du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande de décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés à ce titre ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par une décision du 4 avril 2013, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de l'Yonne a prononcé le dégrèvement, à concurrence de 91 euros, des intérêts de retard appliqués aux impositions en litige ; que les conclusions de la requête de l'EURL La Coupole des Anges sont, dans la mesure de ce montant, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 279 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : (...) b bis - Les spectacles suivants : (...) spectacles de variétés, à l'exception de ceux qui sont donnés dans les établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances (...) " ;
4. Considérant que lorsque l'administration a eu recours à la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales et que le contribuable a contesté, dans le délai imparti, la proposition de rectification, il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les opérations réalisées relèvent du taux réduit ou du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, eu égard aux conditions dans lesquelles elles sont effectuées ; que l'EURL La Coupole des Anges n'est dès lors pas fondée à soutenir que la charge de la preuve du bien-fondé de l'assujettissement de l'ensemble de ses recettes au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée pèse sur l'administration ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période d'imposition en litige, l'EURL La Coupole des Anges proposait à la clientèle des spectacles de variétés dans une salle panoramique de 450 places permettant aux clients d'assister aux représentations depuis les tables de restaurant ; qu'étaient proposées au public diverses formules associant, sous un prix unique, la fourniture d'un repas à une prestation de spectacle ainsi qu'une formule ne comprenant que le spectacle, la clientèle conservant la possibilité, quelle qu'ait été l'option choisie, de commander des consommations supplémentaires facturées en sus ; qu'alors même que, comme l'affirme la requérante, le service des consommations aurait été interrompu pendant la durée des séances de spectacle, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas soutenu que les clients ayant opté pour l'une des formules associant le repas et le spectacle et s'étant vu servir des consommations mais n'ayant pas achevé de les consommer lors du début du spectacle s'abstiendraient de les consommer ou de continuer à les consommer, ou se verraient interdire de le faire, pendant la durée du spectacle ; qu'il en va de même des clients ayant choisi une formule ne comprenant que le spectacle et commandant, en sus, des consommations ; qu'ainsi, au vu de ces éléments, l'EURL La Coupole des Anges doit être regardée comme ayant exploité un établissement de spectacles de variétés où il est d'usage de consommer pendant les séances ; que c'est dès lors par une exacte application des dispositions du b bis précité de l'article 279 du code général des impôts dont il ne résulte pas que sont exclus du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée les seuls établissements où le service des consommations est maintenu pendant la durée du spectacle, que l'administration a remis en cause l'application du taux réduit aux sommes perçues des clients en contrepartie des entrées permettant l'accès aux spectacles ;
En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ;
7. Considérant que l'EURL La Coupole des Anges se prévaut des énonciations de la réponse ministérielle du 22 janvier 1972 à une question de M.A..., député, reprises dans l'instruction 3 C-9-80 du 27 octobre 1980 et dans la documentation de base 3 C 224 du 30 mars 2001, selon lesquelles l'ensemble des recettes réalisées dans les établissements de spectacles de variétés dans lesquels sont servies des consommations est soumis au taux normal lorsque les spectateurs ont la possibilité de se faire servir des consommations pendant le déroulement des séances et indiquant qu'en revanche, lorsque le paiement d'un prix est exigé à l'entrée en contrepartie du droit d'assister au spectacle de variétés, les recettes provenant de la perception de ce prix peuvent, le cas échéant, être imposées au taux réduit de la taxe si le service des consommations est totalement interrompu pendant toute la durée du spectacle et si le caractère non obligatoire des consommations servies avant ou après le spectacle est établi, en droit comme en fait, de manière certaine ; que, d'une part, le vérificateur a relevé dans la proposition de rectification du 9 août 2011, qu'aucun service n'était effectué pendant la durée des représentations ; que ce fait est corroboré par un constat d'huissier daté du 15 mars 2009 et de nombreuses attestations précises et circonstanciées du personnel de l'établissement établissant que, pendant le déroulement du spectacle, le bar au fond de la salle était fermé, la salle était plongée dans l'obscurité et le personnel de service était affecté à des tâches de vaisselle et de manipulation du décor de sorte que l'EURL La Coupole des Anges doit être regardée comme établissant que le service des consommations était totalement interrompu pendant toute la durée du spectacle ; que, d'autre part, l'EURL La Coupole des Anges, en faisant valoir, sans être sérieusement contestée, que la brochure publicitaire de l'année en litige mentionnait la faculté d'opter pour le spectacle seul et en produisant des factures de ventes de billets donnant droit aux entrées au spectacle, dissociées des consommations ou autres prestations, doit être regardée comme établissant également le caractère non obligatoire des consommations servies avant ou après le spectacle ; que, dans ces conditions, l'EURL La Coupole des Anges est fondée à soutenir qu'elle entre dans les prévisions de la doctrine administrative invoquée et que l'administration ne pouvait remettre en cause l'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée au chiffre d'affaires correspondant aux entrées donnant accès aux spectacles ;
8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle et sous réserve du dégrèvement des intérêts de retard intervenu en cours d'instance, que l'EURL La Coupole des Anges est fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
En ce qui concerne les frais exposés en cours d'instance :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros à verser à l'EURL La Coupole des Anges au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de 91 euros, il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de l'EURL La Coupole des Anges relatives aux intérêts de retard appliqués aux droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mars 2011 au 31 mai 2011.
Article 2 : L'EURL La Coupole des Anges est déchargée des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mars 2011 au 31 mai 2011.
Article 3 : Le jugement du 19 novembre 2013 du tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à l'EURL La Coupole des Anges une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL La Coupole des Anges et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2015 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
Mme Bourion, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 janvier 2016.
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N° 14LY00297