Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 11 avril 2014 du préfet de l'Allier refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 1401095 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a refusé, à titre provisoire, d'admettre Mme C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2014, MmeC..., représentée par Me Boukoulou, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 septembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 avril 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cet arrêté, en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, est intervenu en violation les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a déposé une demande d'aide juridictionnelle le même jour que sa requête introductive d'instance ; c'est donc à tort que le tribunal administratif a refusé de l'admettre à l'aide juridictionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2014, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- il n'a pas refusé d'accorder un délai de départ volontaire à MmeC....
Par lettre du 19 novembre 2015, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 novembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Meillier.
1. Considérant que Mme B...C..., ressortissante congolaise (République du Congo), est entrée en France le 11 novembre 2011, munie d'un passeport revêtu d'un visa C Schengen en cours de validité d'une durée de quinze jours ; qu'elle a sollicité le 12 avril 2012 la délivrance d'un titre de séjour en indiquant être parent d'enfant français ; que, par arrêté du 11 avril 2014, le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ; que, par jugement du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a refusé, à titre provisoire, d'admettre Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2014 ; que Mme C...relève appel de ce jugement ;
Sur le refus d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente (...) " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 62 du décret susvisé du 19 décembre 1991 : " L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué. " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 63 du même décret : " La décision statuant sur la demande d'admission provisoire est sans recours " ;
3. Considérant qu'il résulte des termes mêmes des dispositions précitées de l'article 63 du décret du 19 décembre 1991 que la décision par laquelle le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a refusé d'admettre provisoirement Mme C...au bénéfice à l'aide juridictionnelle n'est pas susceptible de recours ; qu'il s'ensuit que les conclusions de la requête dirigées contre cette décision sont irrecevables ;
Sur le refus d'accorder un délai de départ volontaire :
4. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 11 avril 2014 qu'il fait obligation à Mme C...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification, conformément au premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le préfet n'a pas obligé l'intéressée à quitter le territoire français sans délai ; que, dès lors, les conclusions de la demande de Mme C... tendant à l'annulation d'une prétendue décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire étaient sans objet et, par suite, irrecevables ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
6. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;
7. Considérant que, pour refuser de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a relevé que M.A..., de nationalité française, avait procédé à la reconnaissance anticipée de l'enfant à naître le 14 novembre 2011, soit trois jours seulement après l'entrée de Mme C...en France, que l'intéressée avait déclaré avoir eu une liaison avec M. A...au cours des mois de juin et juillet 2011 et avoir accouché à terme le 25 février 2012, que, la conception de l'enfant étant ainsi antérieure à cette liaison, M. A...ne pouvait être le père biologique de l'enfant, que, de plus, l'intéressée n'avait jamais eu de communauté de vie avec M. A..., qu'elle n'avait plus revu le père de son enfant depuis juin 2012 et que M. A...ne contribuait pas à l'éducation et à l'entretien de cette enfant ; qu'au vu de ces éléments, le préfet a estimé que la reconnaissance de l'enfant par M. A...avait été réalisée dans un but frauduleux, afin de permettre à Mme C... de régulariser sa situation au regard du droit au séjour ; que MmeC..., qui ne conteste pas les indices de fraude relevés par le préfet, se borne à soutenir que les suspicions du préfet n'ont aucun effet sur l'établissement de la filiation et que le préfet aurait dû, par l'intermédiaire du procureur de la République, contester cette filiation sur le fondement de l'article 336 du code civil ; que, dans ces conditions, au regard des éléments précis et concordants réunis par le préfet, ce dernier doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité souscrite par M. A...à l'égard de l'enfant Miayoukou Sublime Maëva avait un caractère frauduleux ; que, par suite, le préfet, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise et qui avait, au demeurant, signalé les faits au procureur de la République à deux reprises, par courriers des 10 juillet 2012 et 9 avril 2014, était légalement fondé à refuser, pour ce motif, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par MmeC... ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant que si Mme C...soutient qu'elle a des attaches familiales en France, " qui sont constituées de sa fille ", il résulte de ce qui a été dit précédemment que la jeune D...ne peut être regardée comme étant née d'un père français et comme étant par suite elle-même de nationalité française ; qu'ainsi, rien ne s'oppose à ce que la requérante reparte avec sa fille dans son pays d'origine, la République du Congo, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans et où elle n'est pas dépourvue d'attaches personnelles et familiales puisqu'y résident son époux et les trois enfants mineurs qu'elle a eus avec lui ; que, dans ces conditions, le refus de titre de séjour contesté n'a pas porté, eu égard aux buts qu'il poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ;
11. Considérant que le refus de titre de séjour contesté n'a pas pour objet ou pour effet de séparer la jeune D...de son père dans la mesure où M. A...n'est pas son père biologique et ne l'a reconnue qu'afin de permettre à Mme C...d'obtenir un titre de séjour ; qu'il n'est d'ailleurs pas établi que cette enfant entretiendrait des liens quelconques avec M.A... ; que, dès lors, il n'apparaît pas que l'intérêt supérieur de l'enfant n'ait pas été suffisamment pris en compte par la décision en litige ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans " ; que, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 à 7 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant, en second lieu, qu'au vu de ce qui a été dit précédemment s'agissant du refus de titre de séjour et en l'absence de circonstance particulière, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
14. Considérant qu'au vu de ce qui a été dit précédemment s'agissant du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français et en l'absence de circonstance particulière, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
16. Considérant que le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme C...doivent être rejetées ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme C...demande pour son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2015 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
M. Meillier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 janvier 2016.
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N° 14LY03122