Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...F...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2013 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit.
Par un jugement n° 1307385, en date du 14 janvier 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 février 2014, M.F..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 janvier 2014 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 20 septembre 2013 pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ou, à titre subsidiaire, en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la décision fixant le pays de destination, de lui délivrer une assignation à résidence avec droit au travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré du défaut d'examen particulier de son dossier ;
S'agissant du refus de délivrance de titre de séjour :
- la décision portant refus de titre de séjour est illégale dès lors qu'elle est fondée sur le refus de titre de séjour illégalement opposé à son épouse ;
- elle est entachée par l'absence d'examen particulier de son dossier ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2014, le préfet du Rhône, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant d'une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- l'intéressé avait été autorisé à séjourner en France sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 en qualité d'accompagnant d'une étrangère malade ;
- l'épouse du requérant pourra être soignée dans son pays d'origine ;
- les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation sont infondés.
Par ordonnance du 5 octobre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 16 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pourny,
- les observations de MeB..., pour M.F...,
- et les observations de MeE..., pour le préfet du Rhône.
1. Considérant que M.F..., ressortissant kosovare né en 1978, est entré irrégulièrement en France en décembre 2006 ; qu'il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée et a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 3 février 2009 ; qu'après avoir regagné son pays d'origine, M. F...est revenu irrégulièrement en France le 22 octobre 2009, accompagné de son épouse, MmeG..., de même nationalité, et de leurs deux filles, nées au Kosovo en 2002 ; qu'il a de nouveau sollicité le bénéfice de l'asile, qui lui a été refusé, et a fait l'objet d'un nouvel arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français le 15 juin 2011 ; qu'il a toutefois obtenu la délivrance d'une carte de séjour temporaire valable du 11 juillet 2012 au 10 juillet 2013 sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'état de santé de son épouse ; que le préfet du Rhône a rejeté sa demande de renouvellement de ce titre de séjour par un arrêté du 20 septembre 2013 lui faisant également obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ; que M. F... conteste le jugement du 14 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M. F...a soutenu devant le tribunal que le préfet du Rhône a subordonné le renouvellement de son titre de séjour à celui dont disposait son épouse, sans procéder à un examen particulier de son propre dossier ; qu'en omettant de répondre à ce moyen qui n'était pas inopérant, le tribunal administratif a entaché son jugement d'un défaut de réponse à un moyen ; que ce jugement doit par suite être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. F...devant le tribunal administratif de Lyon ;
Sur la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige fait notamment état de la demande de renouvellement de titre de séjour, présentée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont M. F...avait saisi le préfet du Rhône, mentionne les dispositions de cet article ainsi que le fait que MmeG..., épouse du requérant, ne remplit pas les conditions d'octroi d'un titre de séjour et indique que la décision de refus ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressé ne justifie pas d'une vie privée et familiale ancienne, intense et stable sur le territoire français et ne démontre pas être dans l'incapacité de poursuivre sa vie privée et familiale dans son pays d'origine avec son épouse et leurs enfants ; qu'ainsi, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Rhône se soit borné à tirer les conséquences du refus de titre de séjour opposé à Mme G...sans procéder à un examen particulier de la situation particulière du requérant ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que, si le préfet a retenu dans la décision concernant M. F... que l'épouse de ce dernier ne remplissait pas les conditions d'octroi d'un titre de séjour, le requérant n'établit pas que le refus de titre de séjour opposé à son épouse est entaché d'illégalité ; que, par suite, il n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de ce refus pour contester la décision le concernant personnellement ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; " ;
7. Considérant que si M. F...fait valoir qu'il réside en France depuis 2006, qu'il y bénéficiait d'un titre de séjour et d'un emploi et que ses deux filles, ainsi que son fils, né à Lyon en décembre 2009, y sont scolarisés, il ressort des pièces du dossier qu'il est entré à nouveau irrégulièrement en France le 22 octobre 2009, après avoir fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en février 2009, et qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, malgré le refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposé le 15 juin 2011, avant d'obtenir la régularisation temporaire de sa situation en raison de l'état de santé de son épouse ; que, dès lors, eu égard à l'âge de l'intéressé lors de son entrée en France, à la durée et aux conditions de son séjour, et au fait que son épouse, de même nationalité, fait également l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et que la cellule familiale de M. F...peut se reconstituer au Kosovo, pays où les intéressés ne sont pas dépourvus d'attaches familiales, le moyen tiré de ce que le refus de renouvellement de son titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il poursuit et méconnaît, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ; qu'il en est de même du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle du requérant ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
9. Considérant que, si les enfants du requérant sont scolarisés, la décision sur le droit au séjour n'a pas, en elle-même, pour effet de séparer les enfants mineurs de leurs parents ; que, par ailleurs, il n'est pas établi que la scolarité des enfants serait impossible en cas de retour au Kosovo ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant que M. F...n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation de la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant, en premier lieu, que M.F..., n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui est opposé, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;
12. Considérant, en second lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé, qui reprennent ce qui a été précédemment développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment ;
13. Considérant que M. F...n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Considérant, en premier lieu, que M.F..., n'ayant pas démontré l'illégalité des décisions portant refus de renouvellement de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;
15. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; que, si M. F...soutient qu'il serait menacé par une famille ayant assassiné son père, il ne produit à l'appui de ses allégations qui n'ont convaincu ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ni la Cour nationale du droit d'asile, que des documents insuffisamment probants ; qu'il résulte de ce qui précède que M. F... ne démontre pas qu'il risque d'être exposé directement et personnellement à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour au Kosovo ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;
16. Considérant que M. F...n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.F..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. F...une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;
19. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. F...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions présentées à cette fin par le préfet du Rhône doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1307385 du tribunal administratif de Lyon en date du 14 janvier 2014 est annulé.
Article 2 : La demande de M. F...et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions du préfet du Rhône tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
Mme Bourion, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 février 2016.
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N° 14LY00333