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31/05/2016 | FRANCE | N°14LY04009

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 31 mai 2016, 14LY04009


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Napoléon a demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de la commune d'Eybens à lui verser la somme de 175 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2012, en réparation du préjudice résultant pour elle du refus illégal d'un permis de construire un bâtiment à usage de local artisanal avec entrepôt, garage et logement, sur une parcelle AK n° 15.

Par un jugement n° 1202405 du 30 octobre 2014, le tribunal administratif

de Grenoble a condamné la commune d'Eybens à lui verser une somme de 2 000 euros en rép...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Napoléon a demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de la commune d'Eybens à lui verser la somme de 175 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2012, en réparation du préjudice résultant pour elle du refus illégal d'un permis de construire un bâtiment à usage de local artisanal avec entrepôt, garage et logement, sur une parcelle AK n° 15.

Par un jugement n° 1202405 du 30 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune d'Eybens à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions de fonctionnement, avec intérêts légaux à compter du 16 février 2012.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2014, la SCI Napoléon demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 octobre 2014, en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande ;

2°) de porter la somme que la commune d'Eybens a été condamnée à lui verser à 187 652,13 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2012, date de réception en mairie de sa réclamation indemnitaire préalable, les intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 17 février 2013 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Eybens une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à la suite d'un refus de permis de construire du 4 mars 2008 annulé par une décision définitive du tribunal administratif de Grenoble du 16 mai 2011, elle a obtenu l'autorisation sollicitée le 30 juin 2011 ; il ne s'agissait pas de réaliser une maison d'habitation ; la Sarl Atlantis, qui devait prendre en location ce bien a dû louer d'autres bâtiments ; un bail commercial avait bien été conclué avec la Sarl Atlantis le 1er avril 2008 ; la résiliation du bail le 17 avril 2008 n'est que la conséquence du refus de permis de construire ;

- elle a subi une perte de loyers et de droit d'entrée sur trente huit mois pour un montant de 170 000 euros ;

- le préjudice lié au surcoût des travaux s'élève à 12 652,13 euros ;

- le trouble dans ses conditions de fonctionnement peut être évalué à 5 000 euros ;

- aucun partage de responsabilité n'apparaît fondé.

Par des mémoires enregistrés les 18 février et 22 juin 2015, la commune d'Eybens conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a mis à sa charge une somme de 2 000 euros au titre des troubles dans les conditions de fonctionnement de la société et une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, subsidiairement, à la confirmation de ce jugement ;

- à ce qu'une somme de 2 800 euros soit mise à la charge de la SCI Napoléon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le bail avec la Sarl Atlantis n'a pas date certaine et n'est pas probant ;

- la réalité du surcoût des travaux n'est pas démontrée ;

- les troubles dans les conditions de fonctionnement ne sont pas établis ;

- les préjudices allégués sont sans caractère direct et certain ;

- le bail, qui portait sur un bâtiment à construire, a été signé le 1er avril 2008, sans condition suspensive liée à l'octroi d'un permis de construire ; il a été résilié unilatéralement par la Sarl Atlantis le 17 avril suivant ;

- les travaux n'ont toujours pas commencé ;

- le tribunal n'a pas statué sur la faute de la SCI Napoléon, pourtant soulevée en défense ;

- la responsabilité devrait être partagée, compte tenu en particulier de l'expérience de la société requérante.

Par un mémoire enregistré le 29 mai 2015, la SCI Napoléon conclut aux mêmes fins que le requête, par les mêmes moyens, ainsi qu'au rejet des conclusions d'appel incident de la commune d'Eybens.

Elle soutient que ces conclusions d'appel incident sont tardives et donc irrecevables.

Par ordonnance du 16 décembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 30 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Picard,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant CDMF Avocats affaires publiques, avocat de la SCI Napoléon, et celles de MeA..., représentant la SCP Fessler, Jorquera, Cavaillès, avocat de la commune d'Eybens.

1. Considérant que, par un jugement du 16 mai 2011, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le refus que le maire de la commune d'Eybens a opposé le 4 mars 2008 à la SCI Napoléon pour la délivrance d'un permis de construire un bâtiment à usage de local artisanal avec entrepôt, garage et logement sur une parcelle AK n° 15 ; que cette société, qui a finalement obtenu l'autorisation de réaliser son projet par un arrêté du maire d'Eybens du 30 juin 2011, prorogé jusqu'au 30 juin 2014 par un arrêté du 26 avril 2013, a demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de la commune à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de ce refus du 4 mars 2008 ; que, par un jugement du 30 octobre 2014 le tribunal a condamné la commune d'Eybens à lui verser une indemnité de 2 000 euros au titre des troubles dans les conditions de fonctionnement de la société, rejetant le surplus de ses conclusions ; que la SCI Napoléon demande à la cour de porter cette somme à 187 652,13 euros ; que, par le voie d'un appel incident, la commune conclut, à titre principal, à la réformation du jugement attaqué en ce que le tribunal l'a condamnée et, subsidiairement, au rejet de la requête ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la commune soutient, sans davantage de précisions, que, faute de se prononcer sur le partage de responsabilité qu'elle invoquait devant lui, le tribunal aurait omis de répondre à un moyen et entaché le jugement attaqué d'irrégularité ; que, toutefois, le tribunal, au point 2 de ce jugement, s'est prononcé sur ce moyen ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la commune, le jugement n'est pas, pour ce motif, irrégulier ;

Sur le principe de la responsabilité :

3. Considérant que par le jugement attaqué, qui n'est pas contesté sur ce point, le tribunal a jugé que le refus de permis de construire opposé à la société requérante le 4 mars 2008 était entaché d'illégalités constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de la commune d'Eybens ;

4. Considérant que, avant l'obtention du permis de construire du 30 juin 2011, la société requérante a conclu avec la société Atlantis, sans condition suspensive, un bail pour la location du bâtiment projeté, portant la date de signature du 1er avril 2008, et qui a été résilié le 17 avril suivant ; que cette circonstance, qui est sans lien avec l'illégalité commise par le maire en refusant un permis de construire le 4 mars 2008, n'est pas, dès lors, de nature à exonérer, même partiellement, la commune de sa responsabilité ;

Sur les préjudices :

5. Considérant que l'ouverture du droit à indemnisation est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués ; que la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation ; qu'il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain ; qu'il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération ;

6. Considérant, en premier lieu, que la société requérante demande réparation du préjudice tenant aux pertes de loyers et de droit d'entrée du fait de l'inexécution du bail qu'elle a conclu avec la société Atlantis, à la date déclarée du 1er avril 2008, pour la location à usage de bureaux et atelier, sur une période de trois ans à compter du 1er juin 2008, du bâtiment dont le maire a illégalement refusé d'autoriser la réalisation par sa décision du 4 mars 2008 ; que, cependant, elle a conclu ce bail postérieurement à ce refus de permis de construire, sans attendre d'en obtenir communication le 3 avril 2008 ; que, par ailleurs, ce bail n'a pas date certaine et aucune des pièces du dossier ne permet de s'assurer qu'il aurait été effectivement conclu le 1er avril 2008 ; qu'en outre, à supposer exacte cette date, le projet de la société requérante n'avait reçu aucun commencement d'exécution au 1er juin 2008, date de prise d'effet du bail, et aucune précision n'est apportée sur une éventuelle date d'entrée dans les lieux de la société Atlantis ; qu'enfin, cette dernière société a résilié unilatéralement ce bail le 17 avril 2008 ; qu'il s'en suit que le préjudice dont se prévaut la société requérante n'est ni établi, ni certain ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante fait valoir que le devis établi le 28 juillet 2011 par l'entreprise générale chargée de la construction du bâtiment est majoré de 12 652,13 euros par rapport au devis initial du 2 janvier 2008 ; que, cependant, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait débuté les travaux de construction de l'immeuble projeté, ni subi un tel surcoût ; que ce préjudice, qui n'est pas établi, et n'est qu'éventuel, ne saurait donc donner lieu à réparation ;

8. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que la faute commise par le maire d'Eybens a contraint la société requérante à différer son projet de plusieurs années et à engager des procédures contentieuses ; qu'il en est résulté pour elle des troubles dans ses conditions de fonctionnement ; qu'il y a lieu de porter de 2 000 euros à 10 000 euros, tous intérêts compris, la somme allouée à ce titre par le tribunal ;

Sur l'application par le tribunal administratif de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'en fixant à 1 500 euros la somme mise à la charge de la commune d'Eybens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait une juste évaluation des frais exposés par la SCI Napoléon à l'occasion du litige ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, la SCI Napoléon est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a limité à 2 000 euros, au lieu de 10 000 euros, la somme qu'il a condamné la commune d'Eybens à lui verser ; que d'autre part, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée aux conclusions d'appel incident de la commune d'Eybens, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif l'a condamnée à verser une indemnité à la SCI Napoléon ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Eybens le paiement à la SCI Napoléon d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que la SCI Napoléon, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à la commune d'Eybens au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 2 000 euros que la commune d'Eybens est condamnée à verser à la SCI Napoléon par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 octobre 2014 est portée à 10 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 octobre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune d'Eybens versera à la SCI Napoléon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI Napoléon et les conclusions de la commune d'Eybens sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Napoléon et à la commune d'Eybens.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2016, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31mai 2016.

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N° 14LY04009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY04009
Date de la décision : 31/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP FESSLER JORQUERA CAVAILLES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-05-31;14ly04009 ?
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