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23/06/2016 | FRANCE | N°14LY02618

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 14LY02618


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 398 euros en réparation des préjudices subis du fait de la carence du préfet de l'Isère à lui délivrer un certificat de résidence de dix ans en exécution du jugement du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite dudit préfet rejetant sa demande du 14 février 2011 de certificat de résidence de dix ans et a enjoint audit préfet de lui délivr

er le titre ainsi sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notifica...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 398 euros en réparation des préjudices subis du fait de la carence du préfet de l'Isère à lui délivrer un certificat de résidence de dix ans en exécution du jugement du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite dudit préfet rejetant sa demande du 14 février 2011 de certificat de résidence de dix ans et a enjoint audit préfet de lui délivrer le titre ainsi sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1204145 du 22 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à verser à M. B...C...la somme de 7 167,33 euros (sept mille cent soixante sept euros et trente trois centimes) sous déduction de la provision de 5 667 euros déjà versée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2014, présentée pour le préfet de l'Isère, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 juillet 2014.

2°) de rejeter la demande indemnitaire présentée par M. C...devant le tribunal.

Il soutient que :

- M. C...n'établit pas l'existence d'une faute de l'administration résultant du délai de traitement de l'exécution du jugement du 15 décembre 2011 ;

- l'intimé n'établit pas l'existence d'un préjudice dès lors qu'il ne justifie pas de la privation de ses prestations familiales à compter du 1er mai 2012 ni d'un droit à percevoir le revenu de solidarité active, qu'il n'apporte pas la preuve que l'absence de ce titre l'aurait privé de la possibilité d'occuper un emploi ;

- l'indemnisation d'un préjudice moral devra être rejetée dès lors qu'il n'avait pas connaissance de l'entrée de la conjointe et du fils de trois ans de l'intimé à la date de sa demande devant le tribunal, qu'il n'apporte aucun document propre à chiffrer le montant de ce préjudice ni aucune preuve des troubles qu'il aurait subis ;

- l'intimé n'établit pas que la faute alléguée serait la cause directe du préjudice qu'il déclaré avoir subi ;

- M. C...ne justifie pas du montant des préjudices allégués.

Par un mémoire, enregistré le 27 mars 2015, présenté pour M. C..., il est conclu au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête du préfet est irrecevable dès lors qu'elle ne consiste qu'en la reproduction au mot près du mémoire déposé devant le tribunal administratif le " 4 juin 2014 " ;

- le préfet a commis une faute en ne lui délivrant un certificat de résidence de 10 ans que le 15 janvier 2013 alors que le jugement du 17 décembre 2011, passé en force de chose jugée, avait annulé le refus implicite de lui délivrer ce titre et enjoignait audit préfet de lui délivrer ce certificat au plus tard le 17 février 2012 ;

- cette absence de titre l'a empêché d'être rempli de ses droits concernant la perception des allocations familiales et du revenu de solidarité active, lui a ôté toute chance de trouver un emploi, et a entraîné des troubles dans ses conditions d'existence ;

- les préjudices ainsi subis sont directs et certains, et le montant et l'existence des différents chefs de préjudices sont justifiés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 septembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que M.C..., ressortissant tunisien, est arrivé en France le 6 janvier 2001 ; que l'intéressé, qui a bénéficié de récépissés de titre de séjour pour la période du 12 avril 2001 au 24 juin 2002, a obtenu la délivrance d'un titre de séjour d'un an portant la mention " visiteur " sans autorisation de travail, valable du 2 mai 2002 au 1er mai 2003 ; que ce titre de séjour a été renouvelé jusqu'au 1er mai 2011 ; qu'à la suite de sa demande du 1er février 2011, il s'est vu délivrer un titre de séjour d'un an l'autorisant à travailler pour la période du 2 mai 2011 au 1er mai 2012 ; que M. C...a ensuite demandé, le 22 septembre 2011, la délivrance d'un titre de séjour de 10 ans, sur le fondement des dispositions de l'article 10 nouveau de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié en matière de travail et de séjour ; que par le silence gardé pendant plus de quatre mois sur cette demande, le préfet de l'Isère a refusé implicitement d'octroyer ce titre à M. C...; que par jugement du 15 décembre 2011, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision implicite de rejet et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer au requérant le titre sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; que cette notification étant intervenue le 17 décembre 2011 et ce titre ne lui ayant pas été délivré, M. C...a demandé le 27 juillet 2012 au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 398 euros en réparation des préjudices subis du fait de la carence du préfet de l'Isère ; que le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 22 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à verser à M. B...C...la somme de 7 167,33 euros sous déduction de la provision de 5 667 euros déjà versée en réparation de ces préjudices ;

Sur la recevabilité de l'appel du préfet :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : "La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours." ;

3. Considérant que M. C...fait valoir que le préfet de l'Isère s'est borné à reproduire purement et simplement dans sa requête ses écritures du 24 juin 2014 présentées devant le tribunal administratif de Grenoble ; qu'il résulte toutefois des mentions du jugement attaqué, lesquelles font foi jusqu'à preuve contraire, que le tribunal a visé sans l'analyser ce mémoire arrivé deux jours avant l'audience, en le regardant comme ayant été présenté par le préfet de l'Isère postérieurement à la clôture de l'instruction ; qu'en conséquence, les premiers juges n'ont pas tenu compte des écritures ainsi produites par le préfet ; que, dans ces conditions, et à supposer même que l'appel du préfet puisse être regardé comme constituant une reproduction littérale et exclusive de son mémoire en défense de première instance, sa requête présentée devant la cour est suffisamment motivée et satisfait aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. C..., tirée du défaut de motivation de la requête du préfet, doit être rejetée ;

Sur le bien fondé de la requête :

En ce qui concerne la responsabilité :

4. Considérant que par un jugement du 15 décembre 2011 le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite de rejet opposée par le préfet de l'Isère à la demande de titre de séjour de dix ans présentée par M. C...et enjoint à cette autorité de délivrer ledit titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; qu'il résulte de l'instruction que cette notification est intervenue le 17 décembre 2011 et que le préfet de l'Isère n'a délivré ledit titre à l'intéressé que le 15 janvier 2013 ; que le préfet ne saurait reprocher à l'intéressé de n'avoir déposé que tardivement une nouvelle demande de titre alors que le jugement d'annulation avait fait disparaître rétroactivement la décision de refus de l'ordonnancement juridique, que l'administration demeurait ainsi saisie de cette demande et que ce jugement enjoignait explicitement au préfet de délivrer ce titre de dix ans dans un délai de deux mois ; que le préfet devait donc munir M. C...d'un titre de séjour de dix ans au plus tard le 17 février 2012 ; qu'en différant ainsi pendant près de treize mois l'exécution de ce jugement, l'administration a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, alors même que durant cette période M. C...a été détenteur d'un titre de séjour d'un an valable jusqu'au 2 mai 2012 l'autorisant à travailler, et de récépissés de demande de titre de séjour avec autorisation de travail ;

En ce qui concerne les préjudices :

5. Considérant, en premier lieu, que M. C...soutient que l'absence de délivrance d'un titre de séjour de dix ans a fait obstacle au versement à son profit des allocations familiales à compter du 1er mai 2012 ; que, toutefois, en produisant un courrier en date du 16 mars 2012 de la caisse d'allocations familiales de l'Isère qui se borne à l'informer de ce que son titre de séjour d'un an allait bientôt ne plus être valable et de ce qu'il lui appartenait de transmettre la photocopie du titre renouvelé, l'intimé ne justifie pas de l'existence d'un tel préjudice, alors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale que les allocations familiales ne sont dues qu'à partir de la naissance du deuxième enfant, qu'il résulte de l'instruction que le second enfant de M. C...est né le 13 juin 2013, postérieurement à la délivrance du titre de dix ans, et que, durant la période en litige, l'intimé, qui s'est vu délivrer des récépissés l'autorisant à séjourner régulièrement en France et à y travailler, a perçu l'allocation dite de base prévue au 2° de l'article L. 531-1 dudit code pour son premier enfant, lequel est arrivé en France le 15 novembre 2011 avec l'épouse de l'intimé, pour y demeurer irrégulièrement durant la période litigieuse ; que, par suite, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à verser à M. C...une indemnité au titre de ce chef préjudice ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que M. C...fait valoir qu'il s'est vu refuser, le 16 mars 2012, le bénéfice du revenu de solidarité active au motif qu'il ne disposait pas d'un titre de séjour lui ouvrant droit au versement de ce revenu, dès lors que s'il résidait depuis dix ans sur le territoire national, il ne disposait d'un titre de séjour l'autorisant à travailler que depuis moins d'une année ; que, s'il résulte des dispositions du 2° de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles, que le bénéfice du revenu de solidarité active était subordonné à la condition, non satisfaite en l'espèce, que le bénéficiaire soit " titulaire, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour autorisant à travailler ", il résulte de ces mêmes dispositions que cette condition n'était pas applicable " aux étrangers titulaires de la carte de résident ou d'un titre de séjour prévu par les traités et accords internationaux et conférant des droits équivalents " ; que le titre de séjour de dix ans prévu à l'article 10 de l'accord franco-tunisien que le préfet s'est abstenu de délivrer à M. C...conférait des droits équivalents à la carte de résident prévue au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que toutefois, même s'il avait été mis en possession de ce titre de séjour de dix ans, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé, qui a perçu l'allocation adulte handicapée depuis avril 2012 selon les informations transmises par la caisse d'allocation familiale au préfet, remplissait les autres conditions légales, notamment celles relatives à ses ressources, pour bénéficier du revenu de solidarité active ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamné à verser à M. C...la somme de 3 324,51 euros en réparation de ce chef préjudice ;

7. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient l'intimé, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment d'un courrier de Pôle emploi du 5 avril 2012 qui se borne à indiquer que le titre de séjour arrivant à échéance le 1er mai 2012, l'intéressé cesserait d'être inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi s'il ne produisait pas un titre de séjour et de travail en cours de validité, que le retard fautif à délivrer un titre de séjour de dix ans a privé M.C..., lequel a disposé au surplus d'un titre de séjour d'un an valable jusqu'au 1er mai 2012 et de récépissés de titre de séjour avec autorisation de travail durant la période litigieuse, d'une chance sérieuse de trouver un emploi au cours de cette période et a été ainsi à l'origine d'une perte de revenus ;

8. Considérant, en dernier lieu, que compte tenu des conséquences limitées de la faute commise par l'administration sur la situation économique et personnelle de l'intimé, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. C...en le fixant à un montant de 1 000 euros au lieu de celui de 2 000 euros retenu par le tribunal ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est seulement fondé à soutenir que la somme que le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à payer à M. C... doit être ramenée à 1 000 euros, sous déduction de toutes sommes versées à titre de provision ;

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à M. C...par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 juillet 20014 est ramenée à 1 000 euros, comprenant les montants déjà versés à titre de provision.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 juillet 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2016, à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Segado et MmeA..., premier conseillers.

Lu en audience publique, le 23 juin 2016.

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N° 14LY02618


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02618
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : ZAIEM

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-23;14ly02618 ?
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