Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté, en date du 2 mai 2013, par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit.
Par un jugement n° 1305483, en date du 14 février 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mars 2014, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 février 2014 ;
2°) de rejeter la demande de M.B....
Il soutient que l'arrêté litigieux a été pris au motif que M. B...devait être regardé comme s'étant désisté de sa demande d'asile, dès lors qu'il ne s'est pas présenté à une convocation le 9 avril 2013, et non en raison de l'impossibilité de prendre ses empreintes digitales, le tribunal administratif ne pouvant dès lors retenir une méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2014, M.B..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2013, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, au profit de son conseil, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il fait valoir que :
- le préfet de l'Isère n'était pas fondé à retenir qu'il s'était désisté de sa demande d'asile ;
- il n'a pas pu honorer une convocation le 15 mars 2013 pour des raisons médicales, n'a jamais été destinataire d'une convocation pour le 9 avril 2013 et s'est manifesté à plusieurs reprises auprès des services préfectoraux ;
- le préfet ne pouvait lui refuser un titre de séjour sans méconnaître les dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour qui lui est opposé méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du 10° de l'article L. 511-4 du même code, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette obligation de quitter le territoire français est en outre entachée d'erreur manifeste d'appréciation et pourra être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision fixant son pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision pourra en outre être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juillet 2014.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Pourny.
1. Considérant que M.B..., ressortissant guinéen né en 1991, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, le 8 février 2013 ; que le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixé un pays de destination à l'expiration de ce délai par un arrêté du 2 mai 2013 ; que le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 14 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté du 2 mai 2013 :
2. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes de cet article : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats ; / 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande ; / 3° La présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ; / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités. / Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4°. " ;
3. Considérant que les services préfectoraux n'ayant pu procéder à l'identification des empreintes de M. B...sur la borne Eurodac le 8 février 2013 et le 15 février 2013, l'intéressé a de nouveau été convoqué en préfecture le 15 mars 2013 ; que M. B...ne s'étant pas présenté à la préfecture à cette date, une nouvelle convocation, comportant la mention qu'un manquement à ce dernier rendez-vous serait assimilé à un désistement, lui a été adressée pour le 9 avril 2013 ; que M. B..., qui fait valoir qu'il n'a jamais reçu cette dernière convocation, ne n'est pas rendu à ce rendez-vous ; que le préfet, estimant que M. B...s'était désisté de sa demande d'asile, a refusé, pour ce motif, de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et d'une décision lui fixant un pays de destination ;
4. Considérant que si le préfet est fondé à soutenir qu'il n'a pas refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. B...en raison de l'impossibilité de recueillir ses empreintes digitales, mais en raison du fait qu'il a regardé l'intéressé comme s'étant désisté de sa demande d'asile, il ressort des pièces du dossier que M.B..., qui avait informé le préfet par une lettre du 18 mars 2013, accompagnée d'un certificat médical, des raisons médicales ayant fait obstacle à ce qu'il se présente en préfecture le 15 mars 2013, s'est spontanément présenté en préfecture à six reprises entre le 15 mars et le 8 avril 2013 et que, s'il ne s'est pas présenté en préfecture le 9 avril 2013, il a encore sollicité une convocation en préfecture par une télécopie de son conseil le 12 avril 2013 ; que cette télécopie, ne faisant pas état de la convocation du 9 avril 2013 que M. B...soutient ne pas avoir reçue, démontre que l'intéressé entendait persister dans sa demande d'asile après le 9 avril 2013 ; que, par suite, le préfet ne pouvait retenir à la date du 2 mai 2013 qu'il s'était désisté de cette demande ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 2 mai 2013 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à payer à Me A...;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me A...une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...B.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président,
Mme Bourion, premier conseiller.
M. Meillier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 août 2016.
''
''
''
''
5
N° 14LY00727