Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
- d'annuler la délibération du 7 novembre 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Bégude-de-Mazenc a décidé d'exercer son droit de préemption à l'occasion de la vente de la parcelle cadastrée section ZH n° 106 ;
- d'enjoindre à la commune de La Bégude-de-Mazenc de lui proposer de lui céder la parcelle litigieuse pour une somme de 8 000 euros.
Par un jugement n° 1200261 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a :
- annulé cette délibération du 7 novembre 2011 ;
- enjoint à la commune de La Bégude-de-Mazenc de proposer à M. A... l'acquisition du terrain litigieux au prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner qui lui avait été adressée ;
- mis à la charge de la commune de La Bégude-de-Mazenc le versement d'une somme de 1 200 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- rejeté les conclusions de la commune présentées au titre de ces dernières dispositions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 février et 31 août 2015, la commune de La Bégude-de-Mazenc demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 décembre 2014 ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la délibération expose les objectifs poursuivis par la commune en matière de construction de logements sociaux conformément aux dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme et permet de connaître la nature de l'action qu'elle entend mener et la réalité de ce projet, qui n'a pas à être précis et certain, est établie ;
- les autres moyens soulevés devant le tribunal ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2015, M. A... conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de La Bégude-de-Mazenc au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la délibération est insuffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979, dès lors qu'elle ne mentionne pas de projet précis et que la commune n'a aucun projet existant de réalisation de logements sociaux ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dès lors qu'elle ne mentionne aucun projet précis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., substituant MeD..., pour la commune de La Bégude-de-Mazenc.
1. Considérant que, par délibération du 7 novembre 2011, le conseil municipal de la commune de La Bégude-de-Mazenc a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur une parcelle cadastrée section ZH n° 106 ; qu'à la demande de M. A..., acquéreur évincé, le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 16 décembre 2014, annulé cette délibération du 7 novembre 2011 et enjoint à la commune de La Bégude-de-Mazenc de proposer à M. A... l'acquisition du terrain litigieux au prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner ; que la commune de La Bégude-de-Mazenc relève appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut (...) se référer aux dispositions de cette délibération. " ; que selon l'article L. 300-1 du même code les actions ou opérations d'aménagement ont notamment pour objet de mettre en oeuvre un projet urbain ou une politique locale de l'habitat ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ;
4. Considérant que la délibération attaquée mentionne que le droit de préemption est exercé sur les parcelles en cause pour " constituer une réserve foncière en vue de permettre la mise en oeuvre de la politique locale de l'habitat, conformément à l'un des objectifs de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme " compte tenu de la nécessité " de contribuer à la création d'une offre nouvelle d'habitat social sur la commune vue la demande accrue en logement locatif social " ; que cette délibération ne fait référence à aucune délibération qui aurait antérieurement défini le contenu de la politique locale de l'habitat qu'elle mentionne et permettant, le cas échéant, d'identifier l'objectif à la réalisation duquel la décision de préemption en litige participe ; que cette délibération ne permet pas par ailleurs, par elle-même, d'identifier la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement poursuivie ; que la commune de La Bégude-de-Mazenc se prévaut en appel de ce qu'elle a déjà fait jouer son droit de préemption dans le passé, par une délibération du 5 mai 2008, pour acquérir un terrain en zone AU en vue de la réalisation de logements, qu'elle a effectivement acquis ce terrain puis l'a cédé au département de la Drôme le 13 novembre 2010, un an avant la délibération en litige dans la présente instance, cette collectivité ayant fait réaliser un programme de construction de neuf logements locatifs ; que, toutefois, une telle circonstance ne suffit pas à justifier de la réalité d'un nouveau projet de logements sociaux dans le cadre d'une politique locale d'habitat à la date à laquelle le droit de préemption en litige a été exercé ; que ni la délibération du 2 février 2009 étendant le droit de préemption urbain à l'ensemble des zones U et des zones d'urbanisation, ni aucune autre pièce du dossier ne justifie de la réalité, ni de la nature d'un tel projet de logements sociaux à la date de la délibération contestée ; qu'ainsi, cette délibération ne répond pas aux exigences des dispositions précitées des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de La Bégude-de-Mazenc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération de son conseil municipal du 7 novembre 2011 décidant d'exercer le droit de préemption communal à l'occasion de la vente de la parcelle cadastrée section ZH n° 106 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer à la commune de La Bégude-de-Mazenc la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Bégude-de-Mazenc le paiement à M. A... d'une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de La Bégude-de-Mazenc est rejetée.
Article 2 : La commune de La Bégude-de-Mazenc versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Bégude-de-Mazenc et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre,
M. Gille, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 novembre 2016.
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N° 15LY00579
mg