Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamé au titre d'une cession d'un bien immobilier intervenue en 2007 et des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1104117 du 18 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2014, M. et MmeC..., représentés par Me B...de la SCP Pétoin et Associés, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 juillet 2014 ;
2°) de les décharger de ces droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme C... soutiennent que :
- l'administration a manqué à son obligation de loyauté et de motivation en ne permettant pas le débat sur le mode de calcul et la justification de la décote de 20 % qu'elle a retenue ;
- la vente de leur chalet " Donatello " n'entre pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; d'une part, l'administration ne peut se fonder sur les dispositions des articles 285 2°, 257.7.2 et 266-2 b du code général des impôts car les dispositions des articles 256 et 256 A du même code, seules conformes à la 6ème directive, prévoient que ne sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée que les livraisons de biens et prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel alors qu'il est constant qu'ils n'ont pas agi à titre habituel dans le cadre d'une activité économique lors de la vente de leur chalet ; d'autre part, la vente ne peut être regardée comme ayant été effectuée à titre onéreux selon l'estimation faite par l'administration car il n'y a pas ainsi de lien direct entre l'avantage retiré par le bénéficiaire et le prix payé ;
- l'administration n'a pas, en tout état de cause, respecté les conditions de mise en oeuvre de l'article 266 2. b) du code général des impôts ; elle n'a pas tenté de démontrer l'existence d'une fraude ou évasion fiscale et n'a pas fait application de pénalités pour manoeuvres frauduleuses ;
- l'administration ne peut raisonner sur des valeurs hors taxe et les termes qu'elle a retenus par référence au marché des biens vendus anciens ne sont pas susceptibles d'être considérés comme intrinsèquement similaires et comparables au marché des biens neufs ;
- les sanctions pour manquement délibéré ne sont pas fondées ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre des finances et des comptes publics soutient que :
- la cession du bien entre dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions combinées des articles 256 A et 257 7° du code général des impôts car elle ne peut être regardée comme s'inscrivant dans le cadre d'une gestion du patrimoine personnel des requérants et comme constituant le simple exercice de leur droit de propriété ;
- l'administration est fondée à rehausser la valeur vénale du bien en cause en application des dispositions des articles 27 de la 6ème directive et 266 2. b) du code général des impôts car elle a démontré, de par le caractère significatif de l'insuffisance de prix constatée et les relations d'intérêt entre M. et Mme C...et la société Compulease, une volonté d'évasion fiscale ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré est fondée car M. et Mme C...ne pouvaient manifestement ignorer que la cession de leur chalet à la société Compulease, dont ils étaient les uniques dirigeants, était effectuée à un prix très inférieur à la valeur vénale du bien, l'importance de cette minoration du prix de vente égale à plus de la moitié de la valeur vénale réelle de l'immeuble en cause ainsi que du montant de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante non déclarée traduit une volonté délibérée d'éluder l'impôt ;
Par ordonnance du 23 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 18 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive n° 2006/112/CE du Conseil des communautés européennes en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme C...ont cédé le 26 septembre 2007 leur chalet dit " Donatello " sis 40 allée des trois Cailloux à Megève (Haute-Savoie) à la société Compulease Real Estate, une société de droit luxembourgeois, pour le prix de 2 508 361,20 euros HT (soit 3 000 000 euros TTC) ; qu'ils ont en application des dispositions de l'article 257 7° du code général des impôts assujetti cette vente à la taxe sur la valeur ajoutée ; que cette vente n'a toutefois pas donné lieu à reversement de taxe sur la valeur ajoutée dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée déductible était d'un montant supérieur à la taxe sur la valeur ajoutée collectée ; que l'administration a considéré que cette vente avait été effectuée à un prix inférieur à la valeur vénale du bien ; que par une proposition de rectification du 27 novembre 2009, elle a porté cette valeur à 6 220 500 euros HT selon la procédure de rectification contradictoire ; que compte tenu des observations formulées par les requérants, elle a ramené cette valeur à 5 000 000 euros HT dans sa réponse aux observations du contribuable du 14 avril 2010 ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a, dans sa séance du 9 novembre 2010, émis un avis favorable au maintien de la valeur vénale proposée en dernier lieu par l'administration ; que les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée résultant de cette rectification, ainsi que les intérêts de retard et la majoration pour manquement délibéré appliquée à ce rappel de taxe ont été mis en recouvrement le 23 décembre 2010 ; que l'administration ayant sur réclamation des requérants pris en compte le 24 juin 2011 un complément de taxe sur la valeur ajoutée déductible, le montant total des droits et pénalités en litige s'élève à 599 681 euros ; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 juillet 2014 qui a rejeté leur demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamé au titre de la cession litigieuse et des pénalités y afférentes ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts transposant les dispositions de l'article 2 § 1 a) de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, entrée en vigueur le 1er janvier 2007 : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire. (...) " ; qu'aux termes de l'article 256 A du même code, transposant l'article 9 1. de la directive 2006/112/CE du Conseil : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, (...). Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. " ; qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts : " Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. (...) " ;
3. Considérant que l'application combinée des dispositions précitées des articles 256, 256 A et du 7° de l'article 257 du code général des impôts garantit une application du mécanisme de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière conforme aux dispositions de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
4. Considérant que les dispositions précitées n'autorisent à taxer une opération occasionnelle que pour autant qu'elle ne constitue pas le simple exercice du droit de propriété par son titulaire ; que ni l'ampleur des ventes, ni le fait que le cédant ait, au préalable, procédé à une division du bien pour en tirer un meilleur prix global, ni la durée sur laquelle les ventes s'étendent, ni l'importance des recettes qui en résultent ne sont en soi déterminants ; qu'en revanche, si l'intéressé entreprend des démarches actives de commercialisation foncière en mobilisant des moyens similaires à ceux déployés par un assujetti, la livraison est imposable ; qu'en outre, une activité exercée à titre occasionnel ne peut être qualifiée d'activité économique qui ne soumet à la taxe sur la valeur ajoutée que les opérations relevant de l'exercice à titre habituel d'une activité économique ; qu'il s'ensuit que les dispositions combinées de l'article 256 A du code général des impôts et du 7° de l'article 257 du même code n'ont ni pour objet ni pour effet de soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de terrains à bâtir ou d'immeubles neufs réalisées à titre occasionnel lorsqu'elles ne constituent que le simple exercice du droit de propriété ;
5. Considérant qu'il appartient au juge de l'impôt de se fonder sur les résultats de l'instruction, compte tenu, le cas échéant, de l'abstention des parties à produire les éléments qu'elles sont seules en mesure d'apporter, pour estimer si l'activité d'un contribuable doit être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ;
6. Considérant que l'acquisition, la détention ou la cession d'un bien ne traduit pas en soi l'existence d'une activité économique entrant, à ce titre, dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée mais peut résulter du simple exercice du droit de propriété ;
7. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. et MmeC..., qui ne sont ni promoteurs, ni marchands de biens, auraient, à l'occasion de la cession litigieuse, entrepris des démarches actives de commercialisation en mobilisant des moyens similaires à ceux déployés par un assujetti agissant en tant que tel au sens des dispositions précitées ; que si, en appel, l'administration fait état de ce que les requérants auraient, par acte du 26 septembre 2007, également cédé à la société Compulease Real Estate une autre propriété, sise à Figeac, elle n'établit pas que M. et Mme C...auraient ainsi exercé à titre habituel une activité d'achat-revente de biens immobiliers ; que la circonstance que les requérants auraient eux-mêmes soumis ces ventes à la taxe sur la valeur ajoutée est sans incidence sur le bien-fondé de leur assujettissement qu'il leur est loisible de contester ; que les circonstances que M. et Mme C...ont procédé à la vente litigieuse à un prix significativement minoré et ce au profit d'une société de droit étranger dont ils sont les principaux dirigeants, ne permettent pas de considérer que cette vente n'entre pas dans le cadre de la gestion de leur patrimoine personnel ; que, par suite, M. et Mme C...sont fondés à soutenir que cette vente n'ayant pas été effectuée par un assujetti agissant de manière habituelle dans le cadre d'une activité économique, n'entre pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, en application des dispositions précitées des articles 256 et 256 A du code général des impôts ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à leur charge et des pénalités y afférentes ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme C...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1104117 du tribunal administratif de Grenoble en date du 18 juillet 2014 est annulé.
Article 2 : M. et Mme C...sont déchargés des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui leur ont été réclamés au titre de la cession le 26 septembre 2007 d'un bien immobilier sis à Megève (Haute-Savoie).
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C... une somme de mille cinq cents euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme A...C...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2016.
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N° 14LY02825
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