Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... C...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006 et des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1202455 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 mai 2015, 6 novembre 2015 et 4 mars 2016, M. et Mme C..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 mars 2015 ;
2°) de les décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et MmeC... soutiennent que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, parce qu'il ne mentionne pas leur mémoire enregistré le 21 mai 2013 et, d'autre part, parce que le mémoire de l'administration du 14 juin 2013 ne leur a pas été transmis de sorte qu'il y a omission de prise en compte de leur mémoire et défaut du contradictoire ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
- l'administration fiscale a, soit méconnu les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales limitant à trois mois une vérification sur place, soit méconnu l'exigence d'un débat oral et contradictoire en remettant à Mme C...le 14 avril 2008 les copies des factures qu'elle a obtenues dans le cadre de son droit de communication ; l'administration ne tient pas compte du début réel des investigations car elle a procédé à un contrôle inopiné le 13 septembre 2007 ;
- sur le débat relatif aux copies des factures, ils demandent la production de la lettre du 4 avril 2008 que l'administration avance leur avoir remise et des comptes-rendus des entretiens de la vérificatrice hormis ceux des 26 février et 28 mars 2008 déjà produits ;
- Mme C...n'a pas eu de réponse à sa demande adressée le 16 février 2012 au supérieur hiérarchique du vérificateur sur la nature des justificatifs qui lui étaient réclamés ;
- Mme C...n'a pas pu bénéficier d'un entretien avec l'interlocuteur départemental en dépit de sa demande d'un entretien téléphonique ce qui constitue la violation d'une garantie substantielle ;
Sur le rejet de la comptabilité et le bien-fondé des impositions :
- les impositions ne sont pas fondées car le rejet de la comptabilité n'était pas fondé, la ventilation des recettes n'était pas justifiée dès lors que Mme C...n'a pas exercé l'activité de bar et d'hôtel au cours de la période vérifiée, l'affichage des tarifs pratiqués était visible depuis l'extérieur et ceux ci n'ont pas changé depuis le passage à l'euro, l'utilisation d'une caisse enregistreuse n'était pas utile, la vérificatrice ne fait pas état de ce que les stocks seraient faux, les achats non comptabilisés, notamment ceux des établissements Besset, ne concernent pas le commerce mais ont été effectués pour des réunions familiales et des entraides.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 septembre 2015 et 9 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête aux motifs que les moyens invoqués relatifs à l'irrégularité du jugement attaqué, à l'irrégularité de la procédure, au bien-fondé du rejet de la comptabilité et des impositions, ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 25 octobre 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 15 novembre 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
1. Considérant que Mme C...a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de son activité d'exploitante, à titre individuel, du bar, restaurant, hôtel " Ma Campagne " sis à Livron dans le département de l'Isère, portant sur la période du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2006 ; que le vérificateur a rejeté la comptabilité présentée comme irrégulière et non probante et procédé à la reconstitution des recettes du bar, du restaurant et de l'hôtel ; qu'à l'issue de ce contrôle, effectué selon la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été notifiées à MmeC... dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que ces cotisations supplémentaires ont été assorties d'intérêts de retard et de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis le 12 juin 2009 un avis favorable au rejet de la comptabilité et à la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre par le vérificateur ; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 mars 2015 qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006 et des pénalités y afférentes ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des mentions du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 mars 2015 que le moyen de M. et Mme C...tiré de ce que ce jugement ne mentionnerait pas leur mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2013, de sorte que leurs observations n'auraient pas été prises en compte, doit être écarté comme manquant en fait ;
3. Considérant, en second lieu, que M. et Mme C...font valoir qu'un mémoire émanant de l'administration fiscale enregistré sur l'application Sagace le 14 juin 2013 ne leur a pas été transmis en méconnaissance du principe du contradictoire ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, et est confirmé par l'administration fiscale en défense, que cette dernière n'a pas produit de mémoire en réplique à cette date, laquelle correspond à la communication aux deux parties d'une ordonnance de clôture de l'instruction ; que, dès lors, le moyen de M. et Mme C... doit être écarté ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I.-Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité dont Mme C...a fait l'objet a commencé, le 10 janvier 2008, soit à la date de la première intervention sur place du vérificateur, mentionnée sur l'avis de vérification adressé à la requérante, et qu'elle s'est achevée à date de la dernière intervention sur place du vérificateur, le 4 avril 2008, ainsi que cela résulte du procès-verbal cosigné par MmeC... ; que si les requérants font valoir que cette vérification de comptabilité a en fait commencé le 13 septembre 2007, date à laquelle des agents de l'administration ont effectué une enquête dans l'entreprise dans le cadre des dispositions des articles L. 80 F à L. 80 H du livre des procédures fiscales, soit dans le cadre d'un contrôle des règles de facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée, leur moyen doit être écarté dès lors qu'il ne ressort pas du procès-verbal d'intervention dressé par les enquêteurs et ne résulte pas de l'instruction que, par les seules circonstances qu'ils n'auraient relevé aucune infraction, consulté les factures d'achats et emporté copie de divers documents, ces agents ne se seraient pas bornés à effectuer des constatations notamment sur l'état de la comptabilité mais aurait procédé à un début de vérification de comptabilité en procédant au contrôle des pièces présentées au regard des écritures comptables et des déclarations fiscales de la requérante ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que lors de la dernière intervention sur place du vérificateur, le 4 avril 2008, Mme C...a demandé que lui soit remis une copie des factures obtenues par l'administration dans le cadre du droit de communication et que ces copies lui ont été remises le 14 avril 2008 dans les locaux de l'administration ainsi qu'en atteste un procès verbal établi ce même jour, cosigné par l'intéressée ; que cette seule remise, qui ne s'est accompagnée d'aucun débat ainsi que cela ressort du procès-verbal du 14 avril 2008, n'emporte pas prolongation de la vérification de comptabilité ; que, par suite, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que la vérification aurait excédé le délai de trois mois prévu par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les copies de factures émises par les fournisseurs de MmeC..., obtenues par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de ces fournisseurs, les entreprise Besset et Intermarché, n'avaient pas le caractère de pièces comptables pour Mme C...; que par suite, M. et Mme C...ne peuvent utilement se prévaloir de l'absence de débat oral et contradictoire sur ces pièces pour démontrer que la procédure d'imposition suivie à leur encontre aurait été irrégulière ;
7. Considérant, en troisième lieu, que l'administration n'ayant pas été saisie d'une demande de communication de documents avant la mise en recouvrement des impositions, la circonstance que les requérants n'auraient pas obtenu la communication de l'ensemble des documents sollicités est sans incidence sur la régularité de la procédure ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " (...) Avant l 'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. " ; qu'il appartient à l'administration de veiller au respect des garanties énoncées dans cette charte ; qu'en vertu de celle-ci, le contribuable vérifié peut, lorsque le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, saisir l'inspecteur principal pour obtenir, si nécessaire, des éclaircissements supplémentaires sur ces redressements ; que si, après ces contacts, des divergences importantes subsistent, le contribuable peut faire appel à l'interlocuteur départemental spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ; que ces dispositions assurent au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de rectification, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, puis, le cas échéant, dans un second temps, avec un fonctionnaire de l'administration fiscale de rang plus élevé ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MmeC..., qui ne s'est pas présentée aux rendez-vous précédemment fixés par l'administration, a bénéficié d'un entretien téléphonique avec le supérieur hiérarchique du vérificateur le 12 février 2010 ; que, par lettre du 15 février 2010, ce dernier lui a indiqué qu'en l'absence de justificatifs complémentaires et, suite à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires confirmant les rappels notifiés, il maintenait ces rectifications ; que M. et Mme C...ne peuvent utilement contester le fait que le supérieur hiérarchique du vérificateur n'a pas répondu au courrier de Mme C...du 16 février 2010 par lequel elle a demandé des précisions sur les pièces devant être fournies dès lors qu'aucune disposition n'imposait au supérieur hiérarchique du vérificateur de répondre à cette demande et alors, au demeurant, qu'elle avait sollicité une rencontre avec l'interlocuteur départemental ;
10. Considérant, en dernier lieu, que, par courrier du 19 février 2010, l'interlocuteur départemental a proposé à Mme C...de la rencontrer le 11 mars 2010 ; que cette dernière l'a informé ce même jour qu'elle ne pouvait se déplacer et a sollicité un entretien téléphonique ; que, par un courrier du 11 mars 2010, l'interlocuteur départemental a indiqué à Mme C..." qu'à ce stade de la procédure, et compte tenu tant des difficultés rencontrées par le supérieur du vérificateur dans le cadre du recours hiérarchique et ce, de (son) fait, que de la nature du litige persistant, l'entretien avec l'interlocuteur départemental ne saurait prendre la forme d'une conversation téléphonique " et lui a fixé un nouveau rendez-vous ; que l'interlocuteur départemental n'était pas tenu d'accorder à Mme C...un entretien téléphonique alors que cette dernière, qui ne justifie pas des motifs de santé allégués, pouvait se faire représenter par un conseil ou par toute autre personne de son choix dûment mandatée, ainsi que cela lui était précisé dans le courrier du 11 mars 2010 ; que Mme C...ne s'étant pas présentée ou faite représentée à ce second rendez-vous et n'ayant pas justifié son absence, les requérants ne sont pas fondés à contester l'absence d'entretien avec l'interlocuteur départemental ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la régularité de la comptabilité et la charge de la preuve :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) " ;
12. Considérant qu'il résulte du procès-verbal cosigné par Mme C...et le vérificateur le 26 février 2008 qu'aucun justificatif des recettes n'a été présenté, alors que ces dernières étaient portées chaque jour sur un agenda pour un montant global en fonction des moyens de paiement, qu'aucune ventilation de ces recettes n'était effectuée entre le bar, la pension et le restaurant, qu'aucun justificatif des tarifs pratiqués n'a été produit et que les relevés de stocks ne mentionnaient pas les quantités en stock mais seulement un montant global par catégorie de produits ; que M. et Mme C...ne contestent pas sérieusement ces faits en se bornant à faire valoir qu'il ne pouvait y avoir de justificatifs de recettes dès lors qu'un seul menu était offert à la clientèle pour un prix fixe stable depuis 2002 et que l'affichage du menu était visible de l'extérieur du restaurant ; que, dans ces conditions, l'administration apporte la preuve qui lui incombe des graves irrégularités dont la comptabilité de Mme C...était entachée ; qu'elle a, dès lors, pu à bon droit l'écarter comme non probante et procéder à la reconstitution des recettes de Mme C...;
13. Considérant que la comptabilité comportant, ainsi qu'il vient d'être dit, de graves irrégularités et les impositions contestées ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la preuve de leur caractère exagéré incombe à M. et Mme C...; qu'il leur revient, dès lors, de démontrer soit que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, soit que les montants imposés sont exagérés ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
14. Considérant que les requérants font valoir que Mme C...n'aurait pas eu de clientèle pour ses activités de bar et de pension au cours de la période litigieuse, que le prix des repas était affiché et visible de l'extérieur, que les achats non comptabilisés relevés par le vérificateur après exercice du droit de communication correspondaient à des dépenses personnelles de nature familiale ou d'entraide et qu'il n'a pas été établi que les stocks seraient faux ; que, toutefois, ils n'apportent aucune autre précision ni justification à l'appui de leurs dires ; que, par suite, M. et Mme C... ne sont fondés à soutenir ni que la méthode de reconstitution des recettes du bar, du restaurant et de l'hôtel serait excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe ni que les montants imposés seraient exagérés ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et MmeC... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et MmeC... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme A...C...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.
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N° 15LY01691