Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A...C..., M. E...C...et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 14 octobre 2013 par laquelle le directeur du centre Hospitalier de Murat a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont a été victime leur épouse et mère, Mme F...C..., le 11 juillet 2010, d'enjoindre au directeur de ce centre hospitalier de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de cet accident et de condamner ledit centre hospitalier à leur payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1301940 du 30 octobre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à leurs conclusions et a condamné le centre hospitalier de Murat à leur payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête n° 14LY03956 enregistrée le 23 décembre 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 25 juin 2015, le centre hospitalier de Murat, représenté par Me Laurent, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand par les consorts C...;
3°) de condamner les consorts C...à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
- qu'il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que MmeC..., qui n'avait jamais fait part d'aucune souffrance au travail, se serait plainte, y compris le jour de l'accident, d'un mal être ou d'agissements qui l'auraient conduite à se suicider ;
- que cet accident est détachable du service ; en effet, aucune poursuite pénale n'a été engagée malgré la plainte déposée par les ayants-droit, et aucun signalement n'a été effectué par le médecin du travail qui l'a déclarée apte sans aucune réserve à l'occasion de la dernière visite du 30 novembre 2009 alors qu'elle était déjà affectée au sein du service où elle travaillait au moment de l'accident ;
- que MmeC..., recrutée en 1977, ne s'est jamais plainte à la direction de l'établissement et n'a jamais exprimé le souhait de changer de service ; que, depuis 1995, elle n'a jamais bénéficié d'arrêt de maladie ; qu'elle n'a jamais déclaré "d'évènement indésirable", alors que cette procédure existe dans l'établissement depuis au moins 2007 ;
- que ni les délégués du personnel, ni le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'établissement, ni aucun des membres du CHSCT, n'a jamais été informé de difficultés qu'aurait pu rencontrer Mme C...dans le cadre de son travail ou de harcèlement qu'elle aurait pu subir de la part de certains patients du service dans lequel elle était affectée ;
- qu'elle travaille en équipe et que ses collègues n'ont jamais signalé de difficulté qu'elle pourrait avoir rencontrée ;
- que la résidente de l'établissement avec laquelle des problèmes ont été évoqués était présente depuis deux ans dans le service au moment de la dernière visite médicale de travail, à l'occasion de laquelle Mme C...n'a pas fait état de difficulté particulière, alors même que cette visite médicale était centrée sur les difficultés au travail ; que par ailleurs, la fille de la pensionnaire en question, interrogée par la gendarmerie, a déclaré n'avoir jamais exercé le moindre harcèlement à l'encontre de Mme C...;
- que, contrairement à ce qu'ont affirmé les demandeurs devant le tribunal administratif, aucun problème d'effectif ou de surcharge de travail ne peut être relevé au sein de l'établissement, qui fonctionne avec un ratio agent/lit de 0,67 équivalent temps plein, alors que le ratio des autres établissements comparables du Cantal se situe entre 0,62 et 0,65 ;
- qu'il n'est pas non plus admissible de la part des demandeurs d'avoir fait état d'une prétendue précédente tentative de suicide d'une autre personne sur les lieux de travail alors que la personne en cause, qui n'a jamais déclaré d'accident de service, avait indiqué à l'époque avoir été victime d'une chute dans les escaliers de son domicile personnel ;
- que cet accident se détache donc du service et que c'est à tort que le tribunal, qui n'a pas pris en considération l'ensemble des éléments qui viennent d'être rappelés, a considéré que le suicide de Mme C...constituait un accident de service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2015, MM. A...et E...C...et G...C..., représentés par Me Cannone, avocat, concluent au rejet de la requête et à la condamnation du centre hospitalier de Murat à leur payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir :
- que le centre hospitalier reprend en appel la même argumentation qu'en première instance ;
- que l'enquête pénale à laquelle il a été procédé a permis de révéler des éléments troublants, notamment l'existence de pressions subies par Mme C...;
- que le 15 mai 2014, le procureur de la république a ouvert une information judiciaire pour homicide involontaire ; que les conclusions du centre hospitalier sur l'absence de poursuites sont donc hâtives ;
- que l'accident s'étant produit sur le lieu de travail et pendant le service, le tribunal en a exactement déduit qu'il était imputable au service ; que le centre hospitalier ne fait pas la preuve que cet accident constitue un évènement détachable du service ;
- que les éléments du dossier montrent que le suicide de Mme C...est imputable au service ;
- qu'en particulier, les circonstances démontrent symboliquement la volonté de Mme C...de dénoncer des faits existant au sein de cet établissement ;
- que le médecin du travail a été d'avis que l'accident est imputable au service ;
- que les témoignages recueillis, notamment auprès de ses collègues montrent que Mme C...subissait des pressions de la part de certains patients, ce dont le directeur de l'établissement avait été informé, même si elle n'en avait pas fait part par écrit ;
- que le centre hospitalier ne peut, comme il le fait, prétendre n'avoir découvert les tensions existant au sein du service qu'après les faits et dénier tout lien entre ceux-ci et le service pour tenter de se soustraire à sa responsabilité.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Alfonsi, président,
- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour le centre hospitalier de Murat ;
1. Considérant que par sa requête susvisée, le centre hospitalier de Murat relève appel du jugement du 30 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir annulé la décision du 14 octobre 2013 de son directeur refusant de reconnaître l'imputabilité au service du décès par suicide de Mme F...C...le 11 juillet 2010, lui a enjoint de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de cet accident ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L.27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) " ;
3. Considérant qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service ; qu'il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service ; qu'il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service ; qu'il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce ;
4. Considérant que le suicide de Mme F...C..., survenu le 11 juillet 2010 sur le lieu et dans le temps du service doit, en vertu de la règle qui vient d'être rappelée, être regardé comme présentant le caractère d'un accident de service à moins qu'il ressorte des éléments soumis à l'appréciation de la cour qu'il ait eu pour cause une faute de sa part ou qu'il soit la conséquence d'une ou plusieurs circonstances particulières le détachant du service ;
5. Considérant qu'en se bornant à se prévaloir de l'absence de toute information portée à la connaissance de la direction de l'établissement antérieurement à l'accident, soit directement, soit par l'intermédiaire du médecin du travail ou des instances représentatives du personnel compétentes en matière d'hygiène et de sécurité, faisant apparaître que l'intéressée aurait pu connaître des difficultés dans l'accomplissement de ses obligations professionnelles, le centre hospitalier de Murat n'apporte aucun élément permettant de considérer que, comme il le soutient, le suicide de Mme C...trouverait sa cause dans des circonstances particulières étrangères au service ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Murat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision de son directeur refusant de reconnaître l'imputabilité au service du suicide de Mme F...C...et lui a enjoint de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de cet accident dans un délai d'un mois ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les consortsC..., qui ne sont pas partie perdante, soient condamnés à rembourser au centre hospitalier de Murat les frais, non compris dans les dépens, qu'il a exposés à l'occasion de la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner ledit centre hospitalier à payer aux défendeurs une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête susvisée du centre hospitalier de Murat est rejetée.
Article 2 : Le centre hospitalier de Murat paiera à M. A...C..., M. E...C...et Mme D... C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Murat, à M. A...C..., à M. E... C...et à Mme D...C....
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller,
- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 janvier 2017.
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N° 14LY03956