Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Constructions Mécaniques du Marais a demandé au tribunal administratif de Lyon la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 134 611,83 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des autorisations de licenciement de deux salariés protégés, M. B...et M.A....
Par un jugement n° 1207303 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à lui verser une somme de 611,83 euros.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 février 2015, la société Constructions Mécaniques du Marais représentée par MeC..., mandataire judiciaire, par Me Muller, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 décembre 2014 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser 134 611,83 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des autorisations de licenciement de MM.B... et A...;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il existe un lien de causalité entre l'annulation des autorisations de licenciement et les préjudices subis dans le cadre des procédures diligentées devant le conseil de Prud'hommes.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 décembre 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'illégalité commise et les préjudices allégués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
1. Considérant que la société Constructions Mécaniques du Marais a fait l'objet d'une procédure de mise en liquidation judiciaire, laquelle a été prononcée le 21 décembre 2005 par le tribunal de commerce de Saint-Etienne ; qu'un plan social a été mis en place, prévoyant le licenciement de l'intégralité des salariés, parmi lesquels figuraient deux salariés protégés, MM. A... etB... ; que le 1er juin 2005, la société Constructions Mécaniques du Marais a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier ces deux salariés ; que les deux licenciements ont été autorisés par décisions du 25 juillet 2005 de l'inspecteur du travail ; que ces décisions ont toutefois été annulées par deux jugements, devenus définitifs, du 16 octobre 2007 du tribunal administratif de Lyon, au motif d'une erreur de droit, faute pour l'inspecteur du travail d'avoir examiné la réalité du motif économique invoqué ; que, par jugements du 4 novembre 2010, le conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne a condamné la société requérante à verser à M. B...les sommes de 47 000 euros de dommages et intérêts pour avoir prononcé un licenciement sans cause réelle et sérieuse, 15 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement et discrimination, 1 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à verser à M. A... les sommes de 611,83 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de l'article L. 2422-4 du code du travail, 52 000 euros de dommages et intérêts pour avoir prononcé un licenciement sans cause réelle et sérieuse, 15 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement et discrimination, 1 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que par courriers des 26 mai et 13 décembre 2010 demeurés sans réponse, la société Constructions Mécaniques du Marais a formé une réclamation préalable auprès du ministre du travail afin d'être indemnisée des préjudice résultant selon elle de ces condamnations, pour un montant total de 134 611,83 euros ; qu'elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 décembre 2014 en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 611,83 euros ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
2. Considérant qu'en application des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir que sur autorisation de l'autorité administrative ; que l'illégalité de la décision autorisant un tel licenciement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, quelle que puisse par ailleurs être la responsabilité encourue par l'employeur lui-même ; que ce dernier est alors en droit d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice direct et certain résultant pour lui de cette décision illégale ;
3. Considérant que les jugements du tribunal administratif de Lyon annulant les décisions du 12 décembre 2006 autorisant le licenciement de MM. B...etA..., au motif de l'erreur de droit commise par l'inspecteur du travail, sont devenus définitifs ; que l'illégalité ainsi constatée constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur les préjudices :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. / Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 " ; qu'il résulte des deux jugements du conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne que les sommes de 47 000 et 52 000 euros ont été mises à la charge de la société requérante au profit de MM. B...et A...en application de ces dispositions ; que ces condamnations trouvent dès lors leur fondement dans l'absence de cause réelle et sérieuse des licenciements de MM. B...etA..., telle que constatée par le conseil de Prud'hommes dans ses jugements du 4 novembre 2010 devenus définitifs, la société Constructions Mécaniques du Marais n'ayant pas fait appel ; qu'ainsi, elles ne présentent pas de lien direct avec l'irrégularité des autorisations administratives de licenciement ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2141-5 du code du travail : " Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2141-8 du même code : " Les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-7 sont d'ordre public. / Toute mesure prise par l'employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts " ; qu'il résulte des deux jugements du conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne que les sommes de 15 000 euros ont été mises à la charge de la société requérante au profit de MM. B...et A...en application de ces dispositions ; que ces condamnations trouvent dès lors leur fondement dans le comportement de l'entreprise requérante, déclaré discriminatoire par le conseil de Prud'hommes à l'égard de MM. B...et A...; qu'ainsi, elles ne présentent pas de lien direct avec l'illégalité des autorisations administratives de licenciement ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1235-2 du code du travail : " Si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire " ; qu'il résulte des deux jugements du conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne que les sommes de 1 000 euros ont été mises à la charge de la société requérante au profit de MM. B...et A...en application de ces dispositions ; que ces condamnations trouvent dès lors leur fondement dans le non-respect par la société requérante de la procédure de licenciement, tel que constaté par le conseil de Prud'hommes ; qu'ainsi, elles ne présentent pas de lien direct avec l'illégalité des autorisations administratives de licenciement ;
7. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que, de même que les autres sommes, celles de 1 000 euros mises à la charge de la société requérante en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui correspondent aux frais exposés par MM. B...et A...dans l'instance devant le conseil de Prud'hommes et non compris dans les dépens, ne présentent pas de lien direct avec l'illégalité des autorisations administratives de licenciement ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Constructions Mécaniques du Marais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité à la somme de 611,83 euros l'indemnité que doit lui verser l'Etat ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Constructions Mécaniques du Marais est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Constructions Mécaniques du Marais et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Beytout, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2017.
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N° 15LY00621