Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B...a demandé le 19 juillet 2012 au tribunal administratif de Lyon :
1°) de condamner le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (Sytral) à lui verser la somme de 30 200 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2012, outre une rente annuelle de 1 500 euros à raison des préjudices subis du fait de sa chute survenue le 8 mars 2008 ;
2°) de condamner le Sytral aux entiers dépens.
La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a demandé le 23 janvier 2014 la condamnation du Sytral à lui verser la somme de 125 712,35 euros correspondant aux prestations servies à Mme B...à raison de cet accident et la somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire, outre intérêts de droit.
Par un jugement n° 1204884 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme B...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 mars 2015, pour MmeB..., elle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 octobre 2014 ;
2°) de condamner le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (Sytral) à lui verser la somme de 30 200 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2012, outre une rente annuelle de 1 500 euros à raison des préjudices subis du fait de sa chute du 8 mars 2008 ;
3°) de condamner le Sytral aux entiers dépens ;
4°) de condamner le Sytral à payer à son conseil la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu une grave faute d'imprudence de sa part de nature à exonérer le Sytral de toute responsabilité car si elle avait consommé de l'alcool, le Sytral ne conteste pas que l'excavation de 3 mètres dans laquelle elle est tombée n'était protégée par aucun dispositif et si les barrières de protection avaient été correctement mises en place, elle aurait été retenue dans sa chute et n'aurait pas pu tomber au fond de l'excavation, car elle n'a pas chuté de son propre fait mais est tombée car elle a été déstabilisée par les personnes à côté desquelles elle marchait ;
Par mémoire, enregistré le 5 juin 2015, pour le Sytral, il conclut à l'irrecevabilité de la requête, à titre subsidiaire au rejet de la requête de Mme B...et à la condamnation de Mme B... à lui verser 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .
Il soutient que :
- la requête est irrecevable car introduite au-delà du délai d'appel et se réfère simplement à l'argumentation de première instance sans indiquer les erreurs commises par les premiers juges ;
- contrairement à ce qu'indique la requérante, le chantier était signalé de manière adéquate, les barrières présentes ont été déplacées par la rixe ayant eu lieu entre la victime et ses amies, toutes alcoolisées ;
- elle connaissait les lieux et au lieu de contourner les lieux a traversé le chantier en pleine nuit ;
- le comportement imprudent de la victime est constitutif d'une faute de nature à exonérer le Sytral de sa responsabilité ;
- la requérante avait la qualité d'usager de l'ouvrage public et le fait du tiers est de nature à exonérer le Sytral de sa responsabilité ;
- les circonstances de l'accident sont tronquées par Mme B...et restent obscures, le SDIS ne pouvant pas confirmer l'identité de la personne secourue alors que la requérante se prévaut de deux témoins dont l'un n'est pas mentionné dans la main courante établie par les services de police ; les déclarations de la requérante et de ses amies sont en contradiction avec celles du médecin urgentiste lequel mentionne que les chutes à rebours de ses deux amies pourraient être à l'origine des fractures constatées ; il y avait des barrières signalant le chantier, qui du fait de la chute ont été déplacées ;
- ni le régime de responsabilité vis-à-vis d'un tiers, ni celui vis-à-vis d'un usager ne saurait être engagé à raison de la qualité d'usager de celle-ci, de l'absence de défaut d'entretien normal et dans les deux cas de responsabilité à raison des fautes commises par la requérante (état alcoolique de 2,02 grammes d'alcool par litre de sang au moment des faits, manque de prudence et de vigilance) ; en l'espèce, il existe un lien entre l'excavation dans laquelle la requérante est tombée et la voie publique, l'excavation étant incorporée dans la voie et Mme B...ne peut pas avoir la qualité de tiers mais celle d'usager, la requérante a des antécédents d'éthylisme chronique et a chuté selon les médecins dans un contexte d'imprégnation alcoolique évident et documenté, cet état alcoolique est à l'origine de son manque d'attention par rapport aux barrières de protection des travaux du tramway et de l'excavation et de la rixe entre la victime et ses amies ; il n'y a pas de défaut d'entretien normal, la signalisation des travaux étant adéquate et les barrières ont été déplacées par la requérante et ses amies ;
- sur les préjudices : elle n'a pas subi de préjudice patrimonial, la CPAM ayant pris en charge les dépenses de santé, le montant du préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne n'est pas justifié, le préjudice d'agrément n'est pas démontré dès lors qu'elle peut pratiquer le vélo et la natation ;
Par mémoire, enregistré le 23 février 2016, pour MmeB..., elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens.
Elle ajoute que :
- sa requête n'est pas tardive car elle a déposé une deuxième demande d'aide juridictionnelle après la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 janvier 2015 ayant constaté la caducité de sa demande ;
- sa requête contient bien une critique du jugement de première instance et est donc recevable ;
- le Sytral n'établit pas le caractère adapté du dispositif de protection autour de l'excavation de 3 mètres, les barrières si elles avaient été adaptées auraient permis d'éviter l'accident ;
- elle n'avait pas l'habitude de passer dans ce quartier distant de 7 km de son lieu d'habitation ;
Par mémoire enregistré le 1er décembre 2016, la caisse primaire d'assurances maladie du Rhône conclut à l'annulation du jugement du 14 octobre 2014 et demande la condamnation du Sytral à lui payer 125 712,35 euros au titre des débours et 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire mentionnée à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Elle formule également des conclusions tendant à la condamnation du Sytral à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par mémoire enregistré le 2 décembre 2016 pour le Sytral, non communiqué, il maintient ses conclusions aux fins d'irrecevabilité et de rejet de la requête de Mme B...ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il conclut également au rejet des conclusions de la CPAM du Rhône et à la condamnation de celle-ci à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B...ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 mars 2015 après rejet le 20 janvier 2015 pour caducité d'une première demande d'aide juridictionnelle présentée le 11 décembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
1. Considérant que le 8 mars 2008, à 5H40 du matin, alors qu'il faisait encore nuit, Mme B...a chuté dans une excavation d'une profondeur de trois mètres réalisée dans le cadre d'un chantier du tramway engagé par le Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (Sytral), située en contrebas du trottoir de l'avenue Berthelot, sur lequel elle marchait en compagnie d'amis ; que MmeB..., imputant ladite chute à l'absence de protection de cette excavation, a introduit une demande auprès du tribunal administratif de Lyon aux fins de reconnaissance de la responsabilité du Sytral en qualité de maître d'ouvrage des travaux publics réalisés, en invoquant sa situation de tiers par rapport à un ouvrage public et, à titre subsidiaire, sa situation d'usager victime d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ; que par jugement du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône tendant au remboursement des débours exposés pour le compte de son assurée, et au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que Mme B...interjette appel de ce jugement ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (CPAM) fait également appel de ce jugement et demande la condamnation du Sytral à lui verser les sommes de 125 712,35 euros au titre de ses débours et de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ; que dans les circonstances décrites, et Mme B...cheminant sur le trottoir longeant ce chantier, elle doit être regardée comme ayant été tiers à l'égard de ce chantier à l'occasion duquel a été réalisée l'excavation dans laquelle elle a chuté ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des attestations produites par la requérante, émanant de deux personnes déclarant avoir été témoins de l'accident, que, contrairement à ce qu'indique l'intéressée, le chantier et ladite excavation étaient protégés par des barrières ; qu'il est également établi que MmeB..., lors de sa chute, était dans un état d'ébriété marqué, circonstance corroborée par le compte-rendu d'hospitalisation établi le 19 mars 2008, qui mentionne que le contrôle d'alcoolémie pratiqué a révélé un taux de deux grammes par litre de sang ; qu'il ressort notamment de la main courante de police établie à l'occasion d'un appel au 17, aux fins de signalement de l'accident, qu'à raison de leur état d'ébriété, Mme B...et ses amies se sont disputées et, en chahutant, ont déplacé les barrières de sécurité du chantier, pour chuter dans l'excavation, Mme B...la première, ses amies par dessus elle ; que, dans les circonstances de l'espèce, la chute de Mme B...dans cette excavation protégée par des barrières est exclusivement imputable au comportement imprudent de l'intéressée ; qu'une telle imprudence est constitutive d'une faute de la part de MmeB..., exonérant en totalité le Sytral de sa responsabilité ;
4. Considérant que, Mme B...étant tiers par rapport à l'ouvrage public, ses conclusions présentées à titre subsidiaire, en se prévalant d'une prétendue qualité d'usager à l'égard du Sytral, ne peuvent qu'être rejetées ;
5. Considérant dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le Sytral, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Sytral ; que par suite, en l'absence de responsabilité du Sytral, les conclusions présentées par la CPAM du Rhône tendant à la condamnation de cet établissement à lui verser les sommes de 125 712,35 euros au titre de ses débours et de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ne peuvent qu'être rejetées;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du Sytral, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées tant par la requérante que par la CPAM du Rhône au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le Sytral sur le même fondement ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées en appel par le Sytral au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et au syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (Sytral).
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2017.
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N° 15LY00844