Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 23 décembre 2014 par lequel le préfet de de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer une carte de résident, d'enjoindre audit préfet de réexaminer sa situation sous astreinte et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1500387 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2015, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour d'annuler le jugement n° 1500387 du 11 juin 2015 du tribunal administratif de Dijon.
Il soutient que :
- la décision litigieuse a été prise sur le fondement de l'article L. 314-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non pas sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-2 du code précité, comme l'a estimé à tort le tribunal administratif de Dijon ;
- les dispositions de l'article L. 314-3 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposent aucune formalité préalable à la décision de refus de délivrance de la carte de résident.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 septembre 2015 et le 21 novembre 2016, présentés pour M.B..., par Me Delmas, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Il fait valoir que :
- la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation ;
- le préfet n'a pas saisi le maire de sa commune de résidence et qu'il a ainsi été privé d'une garantie ;
- il n'est pas justifié qu'il constituerait une menace pour l'ordre public ;
- la décision litigieuse est fondée sur l'absence d'intégration républicaine ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de son intégration ;
- elle porte atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale normale car il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine et justifie d'une vie stable en France ;
- elle porte également atteinte à la convention internationale relative aux droits de l'enfant, la décision contestée ne traduisant pas la prise en compte de l'intérêt de ses enfants.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées par courrier du 8 novembre 2016 de ce que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi en raison de l'inapplicabilité de l'article L. 314-2 du code de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fondant la décision en litige avec l'article 10 de l'accord franco-tunisien.
Une réponse, enregistrée le 21 novembre 2016, a été présentée pour M.B....
Une réponse, enregistrée le 6 décembre 2016, a été présentée par le préfet de Saône-et-Loire.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le code de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Samuel Deliancourt, premier conseiller ;
1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien né le 17 mai 1981, qui soutient être entré irrégulièrement en France le 17 février 1997, a obtenu une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" valable du 9 janvier 2014 au 8 janvier 2015 ; que, peu avant l'expiration de son titre, il a sollicité le 5 octobre 2014 auprès des services de la préfecture de Saône-et-Loire la délivrance d'une carte de résident de dix ans que le préfet de la Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer par décision du 23 décembre 2014 ; que par sa requête susvisée, le préfet de la Saône-et-Loire relève appel du jugement du 11 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé cette dernière décision ;
2. Considérant que les dispositions de l'article L. 314-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soumettent la délivrance d'une carte de résident subordonnée à une durée de séjour régulier au respect des conditions prévues à l'article L. 314-2 du même code ; qu'aux termes de cette dernière disposition : " Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance de la langue française, qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d'Etat. Pour l'appréciation de la condition d'intégration, l'autorité administrative saisit pour avis le maire de la commune dans laquelle il réside. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire par l'autorité administrative. (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des termes de la décision litigieuse que le refus opposé à M. B...est motivé par le fait que l'intéressé ne peut justifier d'une intégration républicaine dans la société française dès lors que son comportement est entaché de troubles réitérés à l'ordre public ; qu'ainsi, et nonobstant la circonstance qu'elle se réfère également à l'article L. 314-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vertu duquel la carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public, la décision du préfet doit être regardée comme fondée sur les dispositions sus rappelées de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant que les stipulations de l'article 10 de l'accord franco-tunisien susvisé du 17 mars 1988, qui régissent intégralement la délivrance des cartes de résident d'une durée de dix ans aux ressortissants tunisiens, ne subordonnent pas la délivrance à leur profit d'une carte de séjour de dix ans à la condition d'intégration républicaine énoncée par les dispositions sus rappelées de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de la Saône-et-Loire ne pouvait, dès lors, refuser la délivrance d'un tel titre de séjour à M. B...en se fondant sur ces dernières dispositions, qui ne sont pas compatibles avec l'article 10 de l'accord franco-tunisien ; que, le préfet de la Saône-et-Loire n'est, dans ces conditions, pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté du 23 décembre 2014 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement d'une somme de 1 000 euros à Me Delmas, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de Saône-et-Loire est rejetée.
Article 2 : Sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle, l'Etat versera à Me Delmas, avocat de M.B..., une somme de 1 000 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après audience du 10 janvier 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 janvier 2017.
5
N° 15LY02648