Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Bâtiment et Synergie a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand la décharge ou, à tout le moins, la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de ses exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ainsi que des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1301441 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2015, la SARL Bâtiment et Synergie, représentée par Me A... de la SELARLA..., avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 mai 2015 ;
2°) de la décharger de ces droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes.
La SARL Bâtiment et Synergie soutient que :
Sur la régularité de la procédure :
- la procédure de taxation d'office est irrégulière car l'administration, en méconnaissance du principe du contradictoire, a refusé de lui communiquer une copie des mises en demeure de déposer ses déclarations CA 12 récapitulatives de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été adressées et des documents postaux y afférents ;
- cette procédure est également irrégulière car elle justifie avoir déposé ses déclarations trimestrielles de taxe sur la valeur ajoutée et se croyait ainsi à jour de ses obligations déclaratives ;
Sur le bien-fondé des droits :
- c'est à tort que le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle disposait au 1er octobre 2008, d'un montant de 6 542 euros, n'a pas été pris en compte ; elle demande dès lors, à titre subsidiaire, l'imputation de ce crédit ; l'imputation de ce crédit de taxe doit, par suite, entraîner la décharge du rappel effectué au titre de son exercice clos en 2009 et le report sur l'exercice clos en 2010 d'un crédit de 180 euros, soit la réduction au titre de cet exercice du rappel correspondant à 133 euros ;
Sur les pénalités :
- les pénalités prévues par l'article 1728-1 b du code général des impôts ne sont pas fondées car la procédure de taxation d'office est irrégulière et parce qu'en l'absence de toute mise en demeure cette pénalité ne peut pas s'appliquer ; elle demande, à titre subsidiaire, la décharge des pénalités et des intérêts de retard ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête comme étant non fondée.
Le ministre des finances et des comptes publics soutient que :
- la requête est irrecevable car, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, elle ne contient aucune critique du jugement attaqué et ne comporte aucun moyen ou argument nouveau ;
- la procédure est régulière car, d'une part, l'administration justifie avoir adressé une mise en demeure de déposer les déclarations des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ; l'absence de communication des mises en demeure avant la mise en recouvrement des droits litigieux est sans incidence sur les impositions litigieuses qui ne sont pas fondées sur ces mises en demeure ; d'autre part, la société requérante n'ayant pas déposé ses déclarations CA 12 dans le délai requis, elle pouvait régulièrement être taxée d'office sans mise en demeure ;
- la requérante n'établit pas, comme cela lui incombe, l'existence d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 6 542 euros à l'ouverture de la période vérifiée ; qu'en outre, par décision du 26 juin 2008, l'administration a refusé sa demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2007 d'un montant de 6 083 euros et la société requérante n'a pas reporté sur ses déclarations de chiffre d'affaires postérieures à la décision de rejet le montant du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont le remboursement lui était refusé, dans le délai prévu à l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, devenu article 208 de l'annexe II ;
- les pénalités sont fondées dès lors que la société requérante n'a pas déposé ses déclarations dans le délai de trente jour suivant la réception d'une mise en demeure ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;
1. Considérant que la SARL Bâtiment et Synergie, qui a débuté son activité le 1er octobre 2005, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période de 1er octobre 2008 au 30 septembre 2011 dont il a résulté des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; que la SARL Bâtiment et Synergie a demandé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés, selon la procédure de taxation d'office, au titre la période de 1er octobre 2008 au 30 septembre 2011 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités prévues par le b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts pour non dépôt de ses déclarations ; que la société requérante relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 mai 2015 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels d'impôt et des pénalités y afférentes ;
Sur la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête opposée par le ministre des finances et des comptes publics :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) " ;
3. Considérant que, contrairement à ce que fait valoir l'administration, la requête de la SARL Bâtiment et Synergie énonce les motifs pour lesquels cette société conteste le jugement de première instance et demande la décharge des rappels de droits contestés ; qu'elle répond ainsi aux exigences de motivation prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre des finances et des comptes publics ne peut pas être accueillie ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 287 du code général des impôts : " 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration. / (...) / 3. Les redevables placés sous le régime simplifié d'imposition prévu à l'article 302 septies A déposent au titre de chaque exercice une déclaration qui détermine le montant des acomptes trimestriels pour la période ultérieure (...) " ; qu' aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (... ) " ;
5. Considérant, d'une part, qu'il est constant que la société requérante, qui s'est placée sous le régime simplifié de taxe sur la valeur ajouté et ne conteste pas l'application de ce régime, n'a pas déposé les déclarations annuelles de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle était tenue de souscrire en application des dispositions du 3. de l'article 287 du code général des impôts au titre de chacun de ses exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ; que le dépôt de " déclarations trimestrielles " qu'elle avance avoir déposées, soit en fait les avis d'acompte qu'elle produit au dossier, et la circonstance qu'elle se croyait ainsi " à jour de ses obligations déclaratives " sont sans incidence sur le non respect de l'obligation de dépôt des déclarations, qui lui incombait conformément aux dispositions de l'article 287 du code général des impôts ;
6. Considérant, d'autre part, que l'administration n'était pas tenue d'adresser à la SARL Bâtiment et Synergie une mise en demeure de déposer ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée avant de mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office ; que, dès lors, la société requérante ne peut utilement faire valoir que l'administration n'aurait pas respecté le principe du contradictoire, en ne répondant pas à sa demande de communication de la mise en demeure qu'elle lui a néanmoins adressée et des documents postaux y afférents ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la société requérante n'est pas fondée à contester la régularité de la procédure de taxation d'office dont elle a fait l'objet ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " ; qu'aux termes de son article R. 193-1 : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. " ; que, la SARL bâtiment et Synergie ayant été régulièrement taxée d'office, il lui appartient de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'elle conteste ;
9. Considérant qu'aux termes du I de l'article 208 de l'annexe II du code général des impôts : " I. - Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. Les régularisations prévues à l'article 207 doivent également être mentionnées distinctement sur ces déclarations. (...) " ;
10. Considérant que la société requérante soutient que c'est à tort que l'administration n'a pas imputé le crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 6 542 euros, dont elle disposait au 1er octobre 2008, sur les rappels de taxe litigieux ; que, toutefois, il est constant que la SARL Bâtiment et Synergie n'a pas déposé de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période litigieuse ; qu'elle ne peut se prévaloir de la mention d'un crédit de taxe de 6 542 euros sur l'avis d'acompte du 20 octobre 2008 pour solliciter son imputation au titre de la période en cause ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à contester le bien-fondé des rappels de taxe contestés ;
Sur les pénalités :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : a. 10 % en l'absence de mise en demeure (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) " ;
12. Considérant qu'il résulte du b. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts que l'envoi d'une mise en demeure conditionne l'application de la pénalité de 40 % prévue par ces dispositions ; qu'il résulte de l'instruction que, par courrier du 1er juin 2012, l'administration fiscale a " invité " la société requérante à lui adresser dans " les meilleurs délais " les déclarations annuelles de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle était tenue de souscrire en application de l'article 287-3 du code général des impôts au titre de ses exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ; qu'en l'absence de mention de tout délai fixé pour le dépôt desdites déclarations, cette invitation à régulariser, ne peut être regardée comme constitutive d'une mise en demeure ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que la pénalité prévue par le b du 1. de l'article 1728 du code général des impôts lui a été irrégulièrement appliquée ; que, toutefois, il appartient au juge, dans une telle hypothèse, alors même que l'administration ne le saisirait pas d'une demande en ce sens, de substituer, au besoin d'office, s'il y a lieu, la majoration de 10 % prévue par le a du 1 de l'article 1728 du code général des impôts pour non dépôt d'une déclaration dans les délais requis à la majoration de 40 % prévue par le b du 1 de ce même article ; qu'il est établi que la société requérante n'a pas déposé ses déclarations annuelles de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période litigieuse ; que, par suite, la SARL Bâtiment et Synergie est fondée à demander la décharge du montant de la pénalité résultant de la substitution de la majoration de 10 % prévue par le a du 1 de l'article 1728 du code général des impôts pour non dépôt d'une déclaration dans les délais requis à la majoration de 40 % prévue par le b du 1 de ce même article au titre de ses exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Bâtiment et Synergie est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas substitué la majoration de 10 % prévue par le a du 1 de l'article 1728 du code général des impôts à la majoration de 40 % prévue par le b du 1 de ce même article au titre de ses exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La pénalité de 10 % prévue par le a du 1 de l'article 1728 du code général des impôts est substituée à la pénalité de 40 % prévue par le b du 1 de ce même article.
Article 2 : La SARL Bâtiment et Synergie est déchargée du montant résultant de la substitution de pénalité prévue à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 mai 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Bâtiment et Synergie est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Bâtiment et Synergie et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
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N° 15LY02467