Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 25 mars 2013 par laquelle la directrice adjointe du travail de l'unité territoriale du Cantal a accordé à la SAS Chimbault-Peyridieux l'autorisation de le licencier, ainsi que la décision implicite née le 3 septembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 1301645 du 29 septembre 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces deux décisions.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 novembre 2015, la SAS Chimbault-Peyridieux, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 29 septembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D...en première instance ;
3°) de mettre à la charge de M. D...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le principe du contradictoire n'a pas été méconnu dès lors qu'il n'est établi ni que des éléments nouveaux auraient été fournis à l'inspecteur du travail les 20 et 22 mars ni que ces éléments avaient été de nature à fonder la décision de l'inspecteur du travail.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 février 2016, M.D..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la SAS Chimbault-Peyridieux une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
- que le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;
- que les témoignages des salariés ont été recueillis dans des conditions irrégulières ;
- que les faits reprochés n'étaient pas de nature à justifier un licenciement ;
- que la demande d'autorisation de licenciement est liée à l'exercice de son mandat.
Par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 février 2016, M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
1. Considérant que M. D...a été recruté par la SAS Chimbault-Peyridieux à compter du 1er février 1999 en qualité de monteur à l'atelier ''charbon actif'' ; que suite aux élections du 18 novembre 2011, M. D...a été élu délégué du personnel et secrétaire du CHSCT ; que, le 23 février 2013, la SAS Chimbault-Peyridieux a demandé l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire ; que la directrice adjointe du travail de l'unité territoriale du Cantal a autorisé ce licenciement par une décision du 25 mars 2013 ; que le 3 mai 2013, M. D... a formé un recours hiérarchique contre cette décision, qui a été implicitement rejeté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social le 3 septembre 2013 ; que la SAS Chimbault-Peyridieux relève appel du jugement du 29 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces deux décisions ;
Sur la légalité de l'autorisation de licenciement :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 2421-11 du code du travail dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;
3. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; que ce caractère contradictoire implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ainsi que de l'ensemble des éléments déterminants que l'inspecteur du travail a pu recueillir, y compris les témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; qu'enfin, la communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense ; que c'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de la décision en litige qui vise ces deux pièces, que la directrice adjointe du travail de l'unité territoriale du Cantal s'est fondée, pour retenir la matérialité des fautes reprochées à M.D..., d'une part, sur les éléments recueillis au cours de l'enquête qui s'est poursuivie, le 20 mars 2013, auprès de la gendarmerie de Mauriac et, d'autre part, sur les documents transmis le 22 mars 2013 par l'entreprise, sans que le salarié n'ait été mis à même de demander la communication de ces documents ou même qu'il ait seulement été informé de leur existence avant que l'administration ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement le concernant ; que, par suite, la décision de la directrice adjointe du travail de l'unité territoriale du Cantal, qui est intervenue le 25 mars 2013, a été rendue à la suite d'une procédure irrégulière ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS Chimbault-Peyridieux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision de la directrice adjointe du travail de l'unité territoriale du Cantal du 25 mars 2013 et la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 3 septembre 2013 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SAS Chimbault-Peyridieux au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
7. Considérant d'une part, que M.D..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. D...n'a pas demandé, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la mise à la charge de l'Etat de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de M. D...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Chimbault-Peyridieux est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. D...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Chimbault-Peyridieux, à M. B... D...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2017 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Beytout, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 avril 2017.
1
4
N° 15LY03764