Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 7 octobre 2016 par lesquelles le préfet du Cantal a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français.
Par un jugement n° 1601790 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 janvier 2017, Mme B..., représentée par le cabinet d'avocats Meral-Portal-Yermia, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 janvier 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Cantal du 7 octobre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Cantal de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire n'est pas motivé et n'est pas légalement justifié au regard du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'aucune fraude ne saurait lui être reprochée ;
- le préfet a méconnu les dispositions des 4° et 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la mesure d'éloignement qui lui est opposée méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 mars 2017, le préfet du Cantal conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code des relations entre le public et l'administration, notamment ses articles L. 211-2 et L. 211-5 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Segado, premier conseiller.
1. Considérant que Mme B..., ressortissante géorgienne, est entrée irrégulièrement sur le territoire français avec son compagnon le 13 juin 2001 ; que, par arrêté du 7 octobre 2016, le préfet du Cantal a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B...et l'a obligée à quitter sans délai le territoire français ; que Mme B...relève appel du jugement du 19 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 7 octobre 2016 :
2. Considérant qu'aux termes des l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, pour l'application de ces stipulations, il incombe au juge administratif, pour apprécier la réalité du séjour de l'étranger et la consistance de ses liens personnels et familiaux, d'apprécier l'ensemble des pièces produites par l'intéressé en tenant compte de la nature particulière des documents produits sous couvert d'une usurpation d'identité ;
3. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que Mme B..., née le 18 février 1978 à Borjomi, s'est présentée après son arrivée en France et jusqu'à la décision litigieuse sous l'identité de Mme D..., née le 18 février 1984 à Soukhoumi et a, comme son compagnon, obtenu un titre de séjour en 2013 sous une fausse identité, cette circonstance ne fait pas obstacle à la prise en compte de la durée de sa présence sur le territoire français depuis 2001, qui a notamment justifié que le préfet du Doubs, compte tenu des éléments relatifs à sa vie privée et familiale menée en France durant ces années, lui délivre, le 6 août 2013, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" en dépit des décisions d'éloignement et de refus de séjour qui ont pu lui être opposées ; qu'il ressort également des pièces du dossier que Mme B...a, le 24 décembre 2010, donné naissance à un fils qui a toujours vécu en France et était scolarisé à la date des décisions contestées ; qu'en outre, les nombreux documents produits par la requérante attestent des efforts d'intégration et d'insertion professionnelle de son couple, la requérante et son compagnon ayant notamment travaillé à la suite de la délivrance en 2013 du titre de séjour dont le renouvellement leur a ensuite été refusé après découverte de leur usage d'une fausse identité ; que les allégations du préfet du Cantal relatives à la circonstance que l'utilisation d'une fausse identité par la requérante ou son compagnon leur a permis de tirer indûment profit des employeurs ou des organismes ou administrations publiques ne sont pas établies ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce et eu égard notamment à la durée de la présence en France de l'intéressée et de sa famille, le préfet du Cantal doit être regardé comme ayant, en refusant de renouveler le titre de séjour de la requérante, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis ; qu'ainsi, cette décision a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui est dit au point précédent que le refus de titre de séjour opposé à Mme B...est entaché d'illégalité ; que l'illégalité de cette décision prive de base légale la décision faisant obligation à Mme B...de quitter sans délai le territoire français ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
8. Considérant que le présent arrêt, qui annule les décisions du 7 octobre 2016 par lesquelles le préfet du Cantal a refusé de délivrer à Mme B...un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône délivre à Mme B...le titre sollicité ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre à cette autorité de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais d'instance :
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1601790 du 19 janvier 2017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : Les décisions du 7 octobre 2016 par lesquelles le préfet du Cantal a refusé de délivrer à Mme B... un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Cantal de délivrer à Mme B...une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Cantal ainsi qu'au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aurillac.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, à laquelle siégeaient :
M. Antoine Gille, président,
M. Juan Segado et Mme C...E..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 27 juin 2017
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N° 17LY00310
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