Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, la décision de l'inspecteur du travail de l'Isère du 26 février 2013 autorisant la société King Jouet Logistique à le licencier et, d'autre part, la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 12 septembre 2013 rejetant son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 1305893 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces deux décisions.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 27 mai 2016 et 5 avril 2017, la société King Jouet Logistique, représentée par Me Alvinerie, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2016 ;
2°) de rejeter la demande de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les délais visés à l'article R. 2421-6 du code du travail ne sont pas prescrits à peine de nullité et qu'en l'espèce, elle ne pouvait pas réunir le comité d'entreprise pendant les congés de fin d'année.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2016, M.A..., représenté par la SELARL Europa-Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir :
- que l'autorisation de licenciement a été délivrée au terme d'une procédure irrégulière dès lors que les délais prescrits par l'article R. 2421-6 du code du travail n'ont pas été respectés ;
- que l'autorisation de licenciement a été délivrée au terme d'une procédure irrégulière dès lors que les convocations aux entretiens, la demande d'autorisation de licenciement et la lettre de licenciement n'ont pas été envoyées par l'employeur, en méconnaissance de l'article L. 1232-2 du code du travail ;
- que les faits du 4 octobre 2012 ne pouvaient dès lors pas donner lieu à une demande d'autorisation de licenciement plus d'un mois après l'entretien préalable en application de l'article L. 1332-2 du code du travail ;
- que la manoeuvre de gerbage de palettes effectuée n'était pas d'une gravité suffisante pour fonder une autorisation de licenciement, alors que la réalité des menaces proférées à l'encontre de Mme B...et d'autres salariés n'est pas établie. ;
- que la procédure de licenciement engagée est en lien avec le mandat de délégué du personnel qu'il détenait.
Un mémoire, présenté pour M.A..., a été enregistré le 26 avril 2017 mais non communiqué.
Un mémoire, présenté pour la société King Jouet Logistique, a été enregistré le 27 avril 2017 mais non communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Alvinerie, avocat de la société King Jouet Logistique, et de Me Reboul, avocat de M.A....
1. Considérant que M. A...a été recruté par la société King Jouet Logistique en qualité de cariste par contrat à durée indéterminée à compter du 6 février 2008 ; qu'il a été élu délégué du personnel en juin 2010 ; que, le 15 janvier 2013, la société King Jouet Logistique a sollicité l'autorisation de le licencier pour faute ; que l'inspecteur du travail de la section 3 807 du département de l'Isère a autorisé son licenciement par une décision du 26 février 2013 ; que M. A... a formé un recours hiérarchique implicitement rejeté le 25 août 2013 par le ministre du travail, qui a pris une décision confirmative expresse le 12 septembre 2013 ; que la société King Jouet Logistique relève appel du jugement du 29 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 26 février 2013 et du 12 septembre 2013 ;
Sur la légalité des décisions du 26 février 2013 et du 12 septembre 2013 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied (...) " ; que si ces délais de dix jours et de quarante-huit heures ne sont pas prescrits à peine de nullité, ils doivent cependant être aussi courts que possible eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied ;
3. Considérant, d'une part, qu'il est constant que M. A...a fait l'objet d'une mise à pied à compter du mercredi 19 décembre 2012 ; que le comité d'entreprise ne s'est réuni que le mardi 8 janvier 2013 suivant, soit vingt jours après la mise à pied ; que la seule circonstance que cette période coïncidait avec les congés de fin de d'année n'est pas de nature à justifier un dépassement de dix jours du délai de dix jours imparti par les dispositions précitées ;
4. Considérant, d'autre part, qu'entre la réunion du comité d'entreprise, le mardi 8 janvier 2013, et l'envoi de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspection du travail, le mardi 15 janvier suivant, s'est écoulé un délai de sept jours ; que la société fait valoir que ce dépassement résulte d'une circonstance indépendante de sa volonté tenant au délai de rédaction du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise par le secrétaire de séance, lequel doit être joint à la demande d'autorisation de licenciement en vertu de l'article R. 2421-10 du code du travail ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société King Jouet Logistique aurait attiré l'attention du comité d'entreprise sur la nécessité de faire preuve de célérité dans la rédaction du procès-verbal compte tenu de la mise à pied dont faisait l'objet M. A... ; qu'en outre, la société avait la possibilité de signaler cette difficulté à l'inspecteur du travail et de lui faire parvenir ce document ultérieurement, étant entendu que l'inspecteur du travail doit néanmoins disposer de cette pièce au moment où il prend sa décision ; que, dans ces conditions, cette seule circonstance n'est pas de nature à justifier un dépassement de cinq jours du délai de quarante-huit heures imparti par les dispositions précitées ;
5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, les délais ainsi écoulés entre la date de prise d'effet de la mise à pied conservatoire de M.A..., la date de réunion du comité d'entreprise et la date de la demande d'autorisation de licenciement, soit au total vingt-sept jours au lieu des douze jours prévus par les dispositions précitées du code du travail, sont excessifs ; que, contrairement à ce que soutient la société King Jouet Logistique, la longueur excessive de ces délais affecte la régularité la procédure suivie par l'employeur et, par suite, entache d'illégalité les décisions de l'inspecteur du travail et du ministre du travail l'autorisant à licencier M. A...;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société King Jouet Logistique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société King Jouet Logistique au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société King Jouet Logistique est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société King Jouet Logistique, au ministre du travail et à M. D... A....
Délibéré après l'audience du 8 juin 2017 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
Mme C...et Mme Beytout, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 29 juin 2017.
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N° 16LY01806